Kédougou — - A l'entrée du village d'Iwol, dans la région de Kédougou (sud-est), s'élève un baobab géant qui ne laisse aucun visiteur indifférent. Agé de plus 800 ans, cet arbre mythique est un "témoin" de l'histoire des Bédiks, à travers les hommages que cette ethnie y rend à ses ancêtres. Ce baobab est considéré comme l'esprit protecteur du village.
Le village d'Iwol, capitale des Bédiks, est niché sur une colline située à 23 kilomètres de la commune de Bandafassi. Les Bédiks, qui vivent le plus souvent en altitude, sont regroupés dans six villages qui se trouvent tous dans la région de Kédougou : Iwol, Ethiowar, Ethiès, Bantata, Andiel et de Mandathiès.
Ils sont partagés entre l'animismes et le christianisme, explique Jean-Baptiste Keïta, notable et natif d'Iwol.
Keïta, Camara, Samoura et Sadiakhou sont les patronymes des habitants des villages du pays bédik. "Les Keïta sont les chefs de village, les Camara et Samoura organisent les fêtes et les Sadiakhou sont chargés du maintien des coutumes", explique Jean-Baptiste Keité.
Le baobab d'Iwol a une circonférence de 30 mètres. Âgé de plus de 800 ans, il est présenté comme l'un des plus gros du Sénégal et est désormais inscrit sur la liste du patrimoine immatériel de l'Unesco.
Il est aujourd'hui considéré comme une référence mythique dans le respect et la perpétuation de l'histoire des Bédiks.
"Nous avons juste à l'entrée du village un gros baobab sacré et très mythique qui a poussé sur la tombe de l'ancêtre du village de la famille Camara (...) qu'on avait enterré là. Et cinq ans après, le baobab a poussé sur la tombe", renseigne Jean-Baptiste Keïta.
Ce baobab mythique, qui date du treizième siècle, est devenu un arbre symbolique des familles Bediks. Elles organisent des cérémonies rituelles autour du tronc d'arbre sacré pour les 800 habitants du village d'Iwol.
"Le baobab est un arbre très sacré pour nous les Bediks. Dans la langue bedik, nous l'appelons +amack+ et c'est un lieu de sacrifices et d'offrandes de la communauté bédik pour rendre un vibrant hommage à nos ancêtres", raconte Jean-Pierre Keïta, natif d'Iwol et enseignant catéchiste à la retraite.
Selon les traditions locales, les Bédiks ont quitté le Mali au douzième siècle après l'éclatement de l'empire de Soundjata Keïta. Ils sont venus s'établir sur la montagne d'Iwol, dans la commune de Bandafassi, où ils vivent depuis lors.
"Le roi Alpha Yaya a quitté la Guinée Conakry pour nous convertir à l'islam et ce qui n'a pas marché. Ensuite, la guerre a éclaté et les soldats prenaient les plus belles femmes et les plus jeunes et les amenaient de force en Guinée", raconte Jean-Baptiste Keïta, qui est en quelque sorte la mémoire de ce lieu de culte des Bédiks de confession animiste.
"Les envahisseurs égorgeaient les personnes âgées. Les rescapés sont partis se cacher dans des cavernes en dehors du village et ils ne sortent que les nuits pour aller puiser de l'eau", ajoute le notable.
Selon lui, les ancêtres Bédiks d'Iwol pilaient le mil et d'autres céréales à l'aide des cailloux pour éviter le bruit des pilons traditionnels.
"C'était la guerre et ils se sont réunis dans la caverne pour trouver l'esprit du village afin qu'il les protège. Il était très gentil et il a accepté automatiquement. Il a combattu en faveur des Bédik et nous avons eu la paix", dit-il.
Pas de retombées économiques pour le village
Plus de 1000 touristes viennent chaque année du Sénégal et de l'étranger visiter le baobab d'Iwol.
"Tout le temps dans le village, il y a des touristes qui viennent visiter le site historique d'Iwol pour comprendre l'histoire du baobab et des Bédiks qui font partie des ethnies minoritaire du pays Bassari", explique Mouhamadou Mbaye, directeur de l'école d'Iwol, trouvé dans son établissement.
M. Mbaye déplore toutefois l'absence de routes et le manque de salles de classe qui freinent le développement du village.
"Avec tous ces visiteurs qui viennent de partout, nous n'avons même pas de routes et d'écoles dignes de ce nom. Les enseignants ne veulent pas venir servir ici à cause de la montagne d'Iwol", insiste l'enseignant.
Les habitants du village d'Iwol ne bénéficient pas des retombées économiques du tourisme, déplore-t-il, relevant que les lieux n'ont jamais changé.
»Nous avons des guides qui viennent de partout avec beaucoup d'étrangers et de touristes, de la France, de l'Espagne, des Américains et des Sénégalais qui passent au village communautaire avant de se rendre à Iwol. Ils passent toute la journée parfois, d'autres font des jours là-bas et ils ne laissent rien du tout", s'offusque pour sa part Alexy Waly Diouf, directeur du village communautaire de Bandafassi.
M. Diouf a exhorté les populations du village d'Iwol à mettre en place un comité de gestion du baobab sacré qui attire beaucoup de touristes désireux de connaître la culture Bédik.