Burkina Faso: Port du Faso Dan Fani à l'école - Le monde éducatif s'active à Bobo-Dioulasso

En conseil des ministres du mercredi 9 août 2023, le gouvernement burkinabè a instauré officiellement le port du Faso Dan Fani dans les établissements scolaires pour la rentrée 2023-2024.

Cette décision, qui est à sa phase pilote, concerne les élèves du post-primaire et secondaire des communes de Ouagadougou, de Bobo-Dioulasso, de Koudougou et de Sabou. Dans la ville de Sya, les différents acteurs se sont préparés dès le mois d'août 2023, pour être au rendez-vous. Reportage !

Mercredi 23 août 2023. Il est 10 heures 30 minutes au quartier Ouezzin-ville (secteur 15) de Bobo-Dioulasso. Ténin Ouédraogo, une tisseuse, confectionne ses pagnes traditionnels Faso Dan Fani. Ce matin, elle est en plein travail. Très occupée, notre tisseuse doit livrer une commande au Mali. Elle exerce ce métier depuis sept ans et se réjouit de la décision gouvernementale d'instaurer le port du Faso Dan Fani comme tenue scolaire à compter de la rentrée 2023-2024 dans certains établissements.

« Je suis contente de la décision du gouvernement », s'exclame- t-elle, le visage rayonnant. Pour dame Ouédraogo, cette mesure vient donner un nouvel élan à son activité. Pour ce faire, elle suggère au ministère en charge de l'éducation nationale de fournir à temps les motifs de tissage pour que les artisans locaux puissent contribuer à la réalisation de ce projet. « Il ne suffit pas juste de prendre la décision.

Il faut aussi se rassurer de sa mise en oeuvre », fait remarquer Mme Ouédraogo, assise sur sa machine à tisser. Le gouvernement burkinabè, rassure le président de la Chambre des métiers et de l'artisanat du Burkina Faso (CMA-BF), section des Hauts-Bassins, Souro Raymond Sanou, a pris des mesures pour garantir le succès de cette initiative. Plusieurs rencontres, a-t-il fait savoir, ont été organisées entre l'exécutif et les acteurs de l'artisanat.

La CMA-BF, soutient M. Sanou, va jouer un rôle de superviseur, contribuant ainsi à prévenir la contrefaçon. Cette mesure, dit-il, représente « un grand moyen de lutte contre le chômage », car elle créera des emplois pour les tisseuses, les tisserands et les couturiers locaux.

Quels motifs choisir ?

Sourou Reymond Sanou insiste sur l'importance de limiter le choix des motifs de pagnes dans chaque région ou commune concernée par la mesure. Selon lui, cela va permettre d'accélérer la production et de réduire la contrefaçon. Il propose également que le choix des motifs soit laissé à l'appréciation des parents d'élèves et des responsables d'établissements. Alors que la rentrée scolaire approche à grands pas, les questions restent nombreuses concernant le choix final des motifs, mais M. Sanou reste optimiste quant à la capacité des artisans à répondre à la demande.

« On se demande ce que les parents d'élèves et chefs d'établissements décideront en fin de compte sur les motifs », s'interroge-t-il. Au-delà des artisans, cette mesure suscite également l'enthousiasme chez de nombreux parents d'élèves. Le président de l'Association des parents d'élèves (APE) du Lycée Ouezzin Coulibaly (LOC) de Bobo-Dioulasso, Idrissa Lirassé, estime qu'elle vient valoriser les origines culturelles burkinabè.

« Les parents ont été consultés à plusieurs reprises lors du processus de décision, ce qui renforce leur soutien à cette initiative », déclare-t-il. Cependant, des préoccupations subsistent, foi de M. Lirassé, notamment la question de l'accessibilité de cette nouvelle tenue à tous les élèves. « Notre inquiétude c'est surtout le coût de la tenue scolaire en Faso Dan Fani, parce que tous les parents n'ont pas les moyens.

Il faut donc que le gouvernement travaille à ce que le pagne soit accessible à tous en termes de coût », plaide-t-il. De plus, le président de l'APE du LOC émet des inquiétudes sur l'adaptation de cette tenue à la période de forte chaleur pour les élèves et surtout ceux souffrant de problèmes respiratoires. Tout de même, il précise que les parents d'élèves sont prêts à fournir des efforts pour la mise en oeuvre de la décision gouvernementale.

Une mise en oeuvre progressive et flexible

Elève en classe de 2de C au LOC, Fatimata Sawadogo accueille favorablement cette mesure. Pour elle, bien que certaines inquiétudes subsistent, comme le coût du pagne pour les familles moins aisées et la chaleur qui pourrait gêner les élèves souffrant de problèmes respiratoires, cette tenue traditionnelle est la bienvenue. « Cette mesure permettra aux élèves de valoriser la culture burkinabè », indique l'élève de 20 ans. Elle perçoit cette décision comme une opportunité pour les élèves de s'identifier davantage à leur pays et à leur patrimoine culturel.

La décision d'imposer le port du Faso Dan Fani comme tenue scolaire dans les établissements du Burkina Faso à la rentrée académique 2023-2024 est bien accueillie par les établissements scolaires et les autorités éducatives locales. Au Lycée Ouezzin Coulibaly de Bobo-Dioulasso, le censeur, Abdoulaye Sanogo, explique que les établissements scolaires ont été associés au processus ayant abouti à cette mesure « innovante » qui sera progressivement mise en oeuvre.

Cette approche, précise-t-il, vise à favoriser une uniformisation des tenues vestimentaires tout en considérant les contraintes budgétaires et la diversité des élèves. Pour lui, cette mesure présente plusieurs avantages. Tout d'abord, elle contribue à promouvoir l'identité culturelle burkinabè en mettant en avant le Faso Dan Fani, un tissu traditionnel profondément ancré dans la culture du pays.

Ensuite, elle favorise l'économie locale en soutenant les artisans, les tisserands et les couturiers locaux, tout en mettant en valeur le coton, une ressource abondante au Burkina Faso. « Cela participe à une uniformisation de la tenue vestimentaire et aussi à notre économie parce que nous sommes un pays producteur de coton où de nombreuses femmes vivent du tissage », laisse-t-il entendre. Abdoulaye Sanogo souligne que cette décision est nécessaire et qu'elle représente un pas significatif vers une plus grande cohésion sociale et culturelle.

Aucun élève ne sera exclu

Fondateur du complexe scolaire « Le savoir », Aboubacar Koïta dit accueillir cette mesure avec joie et « patriotisme ». D'ores et déjà, il rassure que les dispositions sont prises pour le respect de cette mesure dès la rentrée scolaire. « Nous sommes en train de veiller à ce que la décision soit appliquée, de façon efficace et efficiente. Nous sommes pratiquement prêts. Après la rentrée, le lundi qui va suivre, nous allons faire éventuellement la montée des couleurs et nous espérons voir l'ensemble de nos élèves habillés en Faso Dan Fani », informe-t-il. Aboubacar Koïta félicite ainsi le gouvernement pour sa compréhension à travers la flexibilité de la mesure.

Le Directeur régional des enseignements post-primaire et secondaire des Hauts-Bassins (DREPS), Frédéric Armand d'Almeida, accueille favorablement cette mesure et estime même qu'elle aurait dû être mise en place depuis longtemps. Selon lui, une réflexion approfondie a précédé cette décision et toutes les parties prenantes, y compris les autorités éducatives locales, ont été consultées. Frédéric d'Almeida souligne que l'initiative va au-delà du secteur de l'éducation nationale, car elle implique d'autres ministères et partenaires.

La mesure, note-t-il, est caractérisée par sa progressivité, sa flexibilité et son caractère non contraignant. Elle sera appliquée de manière progressive, uniquement le lundi et aucun élève ne sera exclu s'il ne porte pas le Faso Dan Fani ce jour-là. Il précise également que même dans les villes pilotes (Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Koudougou et Sabou), tous les établissements ne seront pas concernés au départ.

« Nous avons une phase pilote qui commence déjà en 2023-2024 et qui concerne exclusivement le post-primaire et le secondaire, en plus de la direction régionale de l'Institut national de la formation des professionnels de l'éducation, ex-ENEP », explique-t-il. Toutefois, les établissements scolaires conservent leur tenue classique et les élèves qui ne porteront pas le Faso Dan Fani les lundis, jour de montée des couleurs, devront porter leur uniforme habituel. « L'aspect non contraignant de la mesure est également une caractéristique importante. Aucun élève ne sera exclu s'il ne porte pas le Faso Dan Fani le jour désigné », informe M. d'Almeida.

Cette approche, rappelle-t-il, vise à garantir que tous les élèves puissent participer, indépendamment de leur situation financière ou de leurs préférences vestimentaires. Cependant, pour que cette mesure soit un succès continu, il est essentiel que tous les acteurs, des établissements scolaires aux parents d'élèves, collaborent étroitement et respectent les lignes directrices établies, souhaite-t-il.

 

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