Madagascar: Taisez-vous, Elkabbach !

Il fallait un minimum de curiosité à notre époque des seventies, où n'existaient pas encore la télévision par satellite ni Internet.

Et quand bien même l'horizon s'arrêtait alors à Radio France, TF1, Antenne 2, Le Monde, France-Soir ou Paris-Match, c'était déjà une fenêtre sur un plus vaste monde. Dans ce contexte, je ne pouvais échapper au «Taisez-vous, Elkabbach !», apostrophe communément attribuée au secrétaire du Parti communiste français, Georges Marchais, mais finalement inventée par l'humoriste Thierry Le Luron.

Figure majeure du PAF (paysage audiovisuel français) depuis les années 60, Jean-Pierre Elkabbach est mort à 86 ans, un 4 octobre, jour du 65ème anniversaire de la Cinquième République française dont il aura interviewé tous les présidents, sauf son fondateur, le général de Gaulle. À dix mille kilomètres, des électeurs de Madagascar, sans trop rien y comprendre, auront contribué à l'adoption par référendum de cette Constitution de 1958.

Le 22 août 1958, le général de Gaulle effectuait à Antananarivo, la deuxième étape de sa tournée en Afrique francophone et à Madagascar pour expliciter le projet de Constitution. Depuis Mahamasina, il prononça la phrase qui valait symboliquement mille abrogations de la loi du 6 août 1896 : «Demain, vous serez de nouveau un État, comme quand ce palais de vos rois, là-haut, était habité par eux».

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Au référendum du 28 septembre 1958, le «Oui» d'adhésion à la Communauté française l'emporta, sauf à Antananarivo qui a voté «Non», volonté d'une indépendance immédiate. Pour l'anecdote, en un exploit dont notre organisation électorale est encore incapable 65 ans plus tard, les résultats définitifs pour la France métropolitaine (17.666.828 Oui, 4.661.858 Non) étaient connus le lendemain même. À Madagascar, dès le 6 octobre, adoption d'une ordonnance précisant l'adoption du statut de Madagascar par une délibération commune des Assemblées provinciales.

Presque aussitôt après, le 14 octobre 1958, un Congrès desdites Assemblées provinciales, réuni au Lycée Gallieni (Tananarive), proclamait une République. Au terme d'une série de discours orientés, mais sans débat. Les questions qu'il aurait fallu épuiser ce jour-là, on les évoquera bien des années plus tard, mais toujours sous la menace d'un épouvantail constitutionnel : «la forme républicaine de l'État ne peut faire l'objet de révision».

Questionner la forme républicaine, mais, taisez-vous ! Pareille injonction n'aurait eu rien d'incongru chez un partisan des méthodes brejneviennes. Faire taire les questions, faire taire les critiques, faire taire l'opposition : enfermement schizophrénique, paranoïa mégalomaniaque, syndrome de Narcisse mais surtout vrai danger pour la démocratie.

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