Afrique de l'Ouest: Début du retrait des forces françaises du Niger - Quand le coq gaulois part totalement plumé du Sahel

analyse

Après deux mois de bras de fer avec les tombeurs du président Bazoum renversé par un coup d'Etat militaire, le 26 juillet 2023, la France a entamé, le 5 octobre dernier, le retrait de ses soldats du Niger. Les premiers à lever leur camp de base sont les soldats déployés à Ouallam à la frontière entre le Mali et le Niger et qui devront rallier la capitale Niamey par la route, d'où s'organisera le départ des troupes.

Une opération circonscrite dans le temps, et qui devrait être bouclée « d'ici la fin de l'année », selon les propos du président français, Emmanuel Macron, qui en a fait l'annonce le 24 septembre dernier.

C'est dire si avec le lancement de cette opération de retrait de ses soldats, Paris n'aura pas mis du temps pour joindre l'acte à la parole. Toute chose qui aura le mérite, on l'espère, de décrisper un tant soit peu l'atmosphère des relations entre la France et la junte nigérienne qui, récemment encore, accusait l'Hexagone de louvoiements en n'étant pas « dans une logique de quitter le Niger ». Tout le mal que l'on souhaite, c'est que ce retrait sous tension, des soldats français du Niger, se fasse sans fausse note et sans anicroche.

Accueillie il y a quelques années en messie dans les pays du Sahel en proie à l'hydre terroriste, la France n'est pas loin d'en partir aujourd'hui en Juda

Au-delà, c'est une page de l'histoire de la coopération militaire de la France avec une autre de ses anciennes colonies d'Afrique, qui se tourne. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'après avoir été éconduite du Mali et du Burkina Faso dans les conditions que l'on sait, l'armée tricolore qui se retire sans gloire ni fanfare de l'un des deux derniers pays du Sahel où elle était encore présente, est sonnée.

C'est une véritable bérézina pour le Coq gaulois qui voit le champ de son influence militaire se réduire comme peau de chagrin dans cette partie de l'Afrique où il est devenu indésirable sans paraître y comprendre lui-même grand-chose. Et qui part totalement plumé du Sahel où sa basse-cour se réduit à présent au seul Tchad où la France garde encore une poignée de soldats.

Mais des déboires de Paris avec les régimes militaires des pays du Sahel qui ont fini par dénoncer, l'un à la suite de l'autre, les accords de défense et de coopération militaire avec l'ex-puissance coloniale, on retiendra que la raison principale de la lutte contre le terrorisme qui servait à justifier la présence de l'armée tricolore dans cette partie de l'Afrique, est celle-là même qui aura causé sa « perte ».

Accusée qu'elle est, au meilleur des cas, de jouer un double jeu, au pire, de pactiser avec l'ennemi. C'est dire si, accueillie il y a quelques années en messie dans ces pays du Sahel en proie à l'hydre terroriste, la France n'est pas loin d'en partir aujourd'hui en Juda.

Et le spectacle désolant de ses soldats conspués, ballotés de pays en pays et errant paquetage au dos comme des SPF (sans pays fixe), restera pour longtemps dans les mémoires comme la traduction de l'échec de la France dans sa mission d'éradication de la menace terroriste dans la région et surtout du rejet de sa politique dans cette partie de l'Afrique.

Ce retrait de l'armée tricolore est un défi pour les tombeurs de Mohamed Bazoum

Une situation qui appelle à une véritable introspection de Paris, au moment où le sentiment anti-français gagne inexorablement du terrain en Afrique, au-delà même des pays du Sahel où ce sentiment s'est le plus affirmé, et avec force. Car, passer du jour au lendemain de héros à zéro, a de quoi surprendre et donner à réfléchir à la France qui n'a pas d'autre choix que de changer son fusil d'épaule, dans ses rapports avec ses ex-colonies.

Cela dit, ce retrait précipité des forces françaises du Niger n'est pas sans soulever certaines questions. Notamment celle de savoir s'il en entrainera d'autres et quelles en seront les conséquences pour le Niger. Car, la France n'est pas la seule puissance étrangère au Niger. Et si d'autres devaient lui emboîter le pas, on se demande si l'armée nigérienne serait en mesure de combler le vide que créerait de tels départs.

Autant dire que ce retrait de l'armée tricolore est un défi pour les tombeurs de Mohamed Bazoum qui ont désormais une obligation de résultat dans la lutte contre le terrorisme dans leur pays. Déjà, on peut nourrir des appréhensions par rapport à la sécurisation de la zone des trois frontières entre le Niger, le Mali et le Burkina où l'armée française s'était redéployée, après son départ du Mali.

En tout état de cause, maintenant que le Général Abdourahamane Tchiani et ses frères d'armes auront toutes les cartes en main, ils devront s'assumer pleinement en travaillant à ôter toute raison à leurs compatriotes de regretter le départ de l'armée française. Seront-ils à la hauteur du défi ? On attend de voir.

Quant à la France, on attend de voir comment elle fera le redéploiement de ses troupes et quelle orientation elle donnera désormais à son action et à son engagement auprès des partenaires africains dans la lutte contre les groupes armés terroristes, qui semble lui tenir tant à coeur.

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