Le départ des forces françaises du Niger marque un changement d'ère dans les opérations militaires extérieures de la France. Paris privilégie désormais des partenariats dans lesquels les soldats français ne sont plus en première ligne. Explications.
Le départ programmé des soldats français du Niger marque la fin des grandes bases militaires au Sahel. La doctrine évolue. En juin 2021, annonçant la fin de l'opération Barkhane, le président Emmanuel Macron plaidait aussi pour une « transformation profonde » de la présence militaire française en Afrique. Paris ne veut plus être en première ligne.
Au Sahel désormais, rien ne sera plus comme avant, pointe le chercheur Jérôme Pigné, co-fondateur du Réseau de Réflexion Stratégique sur la sécurité au Sahel (2R3S), interrogé par Franck Alexandre : « C'est la direction qu'on est en train de prendre parce que, depuis deux ans, depuis cette situation au Mali, il y a eu quand même une forme d'introspection aussi de savoir finalement ce que la France pouvait encore apporter à ses partenaires dans la lutte contre le terrorisme, en matière de formation. Est-ce qu'elle devait avoir une empreinte plus légère ? »
Il souligne : « Je pense qu'on est en train de se diriger vers la redéfinition de la coopération. C'est la logique dans laquelle s'inscrit cette nouvelle doctrine. Maintenant, il y aura besoin encore d'un petit peu plus de temps pour y voir plus clair, notamment à l'aune de ce contexte très volatile que l'on connait dans l'ensemble des pays de la sous-région. »
Après avoir quitté le Niger, l'armée française au Sahel ne sera plus présente qu'au Tchad, avec un contingent d'un millier d'hommes.
Le désengagement français aura-t-il par ailleurs pour conséquence de fragiliser la présence militaire d'autres partenaires de Niamey, notamment des Américains, qui déploient plus de 1000 soldats au Niger ?
Jérôme Pigné rappelle : « Ces derniers jours, on a vu les 28 septembre et 30 septembre, des attaques dans la région de Tillaberi ; dans la nuit du 2 au 3 octobre, une attaque dans la région de Tahoua. »
Le chercheur poursuit : « Il y a eu déjà des précédents. À chaque fois que le partenaire est en train de plier bagage, il y a une hausse de l'insécurité à très court terme. Ce qui se passe au Niger va beaucoup plus vite, a une croissance exponentielle en termes d'insécurité par rapport à ce qu'on a vu au Burkina et au Mali, mais les dynamiques sont les mêmes. C'est juste la vitesse avec laquelle la prolifération des attaques évolue qui est différente. Le tempo est différent, le timing est différent. »
« La priorité des Américains, c'est leur positionnement stratégique dans la sous-région »
Puis il répond : « Maintenant, pour les Américains, eux, il est important de rappeler que leur priorité, c'est leur positionnement stratégique dans la sous-région. Ils ont été surpris, agréablement surpris, de la capacité d'intervention et de déploiement des forces françaises depuis 2013. Et ils ont aussi leurs intérêts. Et aujourd'hui, rappelons-le, la priorité de Washington ce n'est ni la présence française ni le retour à l'ordre constitutionnel. C'est de préserver un positionnement stratégique pour avoir un oeil en temps réel sur le Sahel, sur le bassin du lac Tchad, mais également sur la Libye. »