Cote d'Ivoire: La chronique de Venance Konan - Les putschistes et la démocratie

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Lors de l'Assemblée générale des Nations Unies qui s'est tenue récemment à New York, le colonel Mamadi Doumbouya, le galonné qui dirige actuellement la Guinée, a estimé que la démocratie à l'occidentale était inadaptée à l'Afrique, parce qu'elle est « un modèle de gouvernance qui nous a été imposé et a du mal à s'adapter à notre réalité. »

Je dirais pour ma part que de tels propos ne sauraient surprendre de la part de quelqu'un qui s'est imposé à la tête de son pays par la force de ses armes et qui vraisemblablement n'a pas l'intention de rendre ce pouvoir.

Il fallait qu'il justifie sa prise de pouvoir qui n'a rien de démocratique par « l'inadaptation de la démocratie à nos réalités », et qu'il prépare également les opinions à la confiscation du pouvoir. Appliquer la démocratie signifierait qu'il organise des élections libres et transparentes qui pourraient lui faire perdre le pouvoir.

En disqualifiant par avance cette démocratie à l'occidentale qui a le gros inconvénient de ne pas garantir le pouvoir que l'on détient, il prépare ses arrières lorsque l'on fera pression sur lui pour qu'il organise des élections.

« Ne vous avais-je pas dit que ce système démocratique n'était pas adapté à nos réalités ? Trouvons autre chose. » Le temps qu'il trouve cet autre chose, il aura bouclé cinq ans tranquillement.

Au fait, quelle est cette démocratie à l'occidentale qui ne serait pas adaptée à nos réalités ?

Dans les grandes lignes, c'est le choix des dirigeants du pays à travers des élections libres et transparentes, l'existence d'un parlement qui peut avoir une seule chambre ou deux où le peuple envoie ses représentants, le respect des droits humains, des libertés fondamentales dont celles de penser, de s'exprimer, une justice libre et indépendante.

Qu'est-ce qui dans cette vision de la démocratie n'est pas adapté à nos réalités ?

Qu'est-ce qui rendrait les Africains réfractaires à cette démocratie ?

Chaque pays adapte ces grands principes à son histoire, à sa culture, c'est ainsi que dans les pays européens, on a tantôt des monarchies, tantôt des systèmes présidentiels ou parlementaires, qu'au Japon on a un empereur, etc.

Peut-on encore parler de démocratie à l'occidentale ?

Je crois qu'il s'agit désormais d'un système universel que chaque pays met à sa propre sauce. Le Colonel Doumbouya ne l'a pas remarqué mais ils sont nombreux, les pays africains qui ont adopté la démocratie et s'y sentent bien. Je ne veux vexer personne ici en citant des pays, parce qu'il y a ceux qui sont vraiment démocratiques, ceux qui tentent de le devenir, et ceux qui trichent en faisant croire qu'ils sont démocratiques. Et cette tricherie ne concerne pas que les Africains.

Il y a de nombreux pays européens ou asiatiques qui se proclament démocratiques, mais qui sont de vraies dictatures ou en voie de l'être. Il est vrai qu'en 1990, de nombreux Etats africains sont allés à la démocratie à contre coeur, sur injonction de François Mitterrand lors de son discours de la Baule. Ça ne pouvait donc pas marcher.

Mais un pays comme le Bénin avait organisé sa conférence nationale avant ce discours et défini tout seul le cadre de sa démocratie. Et cela a très bien marché. Parce que personne ne le lui avait imposé.

Ce que le colonel devrait savoir est que pour construire une démocratie il faut avant tout des démocrates.

Il faut cette volonté de la construire de la part des dirigeants et des peuples. Et je crois que cette volonté manque au colonel Doumbouya et à ses collègues putschistes.

Le chef de la junte burkinabé a dit récemment que sa priorité n'était pas l'élection. On l'avait compris depuis longtemps. Au Mali on a reporté les élections à la Saint-Glinglin. On s'y attendait.

Au Gabon le tombeur d'Ali Bongo n'exclut pas de se présenter à la prochaine élection présidentielle. Qui en doutait ?

Le Nigérien dit qu'il a hâte de partir. On dit toujours ça au début. Donnons-lui encore quelques mois.

Pour le moment c'est encore chaud. Je crois que nous avons tous compris désormais que lorsque des militaires prennent le pouvoir, c'est juste pour le conserver, et le seul argument qu'ils peuvent avancer pour prendre ce pouvoir est la force de leurs armes.

Tout le reste n'est qu'habillage.

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