Madagascar: Production halieutique - À la Grande île de jouer sa carte

Selon les données disponibles, la production du secteur halieutique à Madagascar tourne autour de 120 000 tonnes par an. Elle est générée aux trois-quarts par les ressources maritimes et le reste par la production d'eau douce. Environ 60% de la production est fournie par les petits pêcheurs et pisciculteurs. Et les spécialistes sont unanimes sur le fait que le pays dispose d'une nette marge de progression.

Sur le long terme, la production halieutique totale n'a que faiblement augmenté, sauf entre 1995 et 2008, où l'aquaculture de crevettes a quintuplé sa production. Les années suivantes ont affiché pratiquement une baisse de la production en raison, notamment, de la crise pétrolière mondiale, des prix des produits sur les marchés internationaux et des problèmes environnementaux liés aux changements climatiques. La contamination des crevettes d'élevage malgaches par la maladie virale «white spot» a aussi impacté significativement la filière.

Quant à la pêche maritime, constituée de la pêche industrielle, artisanale et traditionnelle, elle contribue à la subsistance d'environ un million de personnes, dont environ 100 000 emplois directs annuels. Elle contribue à hauteur de 7% des exportations de Madagascar en valeur et de 1% du PIB. Elle crée plus de 150 milliards d'ariary de valeur ajoutée. La pêche industrielle représente un peu plus de 30% de la production totale en volume tandis que la pêche traditionnelle maritime représenterait près de 80% de la production marine totale, et de 60% de la production halieutique et aquacole globale.

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Si la pêche artisanale poursuit son déclin, la pêche continentale concerne surtout les lacs, les marais et les lagunes, et sont sujets à de nombreuses menaces comme la sédimentation, l'assèchement pour la pratique de la riziculture irriguée, l'envahissement des plantes aquatiques et la pollution. Beaucoup de ces plans d'eau sont en surexploitation, avec une diminution constatée de la production et de la taille des captures. Les produits se destinent à la consommation locale, essentiellement pour Antananarivo et Antsirabe.

Pour tout le pays, on recense plus de 100 000 petits pêcheurs, dont 40% sur du maritime exclusif, 34% en eau douce exclusif, et 25% en mixte. Ils sont situés dans 2 500 villages. La moitié est considérée comme très vulnérable aux chocs climatiques et est en fragilité alimentaire. Les petits pêcheurs contribuent pour la moitié à la création de la richesse (valeur ajoutée) du secteur, et pour 60% de la production halieutique totale malgache, et ce, avec des embarcations monoxyles dont moins de 1% utilisent un moteur.

L'aquaculture est pratiquée en eau douce, de pisciculture en étang et de rizi-pisciculture, en eau saumâtre et en eau marine. L'aquaculture continentale est pratiquée par 21 000 rizipisciculteurs. Elle touche moins de 20% des surfaces potentielles. 80% des étangs ne dépassent pas 2 ares. La production en eau douce, surtout en rizipisciculture familiale, est destinée à l'autoconsommation et aux marchés nationaux. La production en eaux saumâtre et marine se destine principalement à l'exportation. L'algoculture et l'holothuriculture sont en très forts développement.

La consommation de poissons de la population, ayant une forte préférence pour les produits frais, reste très faible, estimée à moins de 3 kg par an par individu en moyenne. Toutefois, en milieu urbain, et avec un prix moyen d'achat plus ou moins proche de la viande, la consommation est de 15kg par an par individu avec une forte préférence pour les poissons d'eau douce.

21 901 tonnes exportées

Sur le plan international, Madagascar appartient à plusieurs organisations sous-régionales, la Comesa, la SADC, et la Commission de l'océan Indien (COI), mais le commerce avec les pays membres, avec moins de 5% du total des exportations, reste peu développer. Au niveau institutionnel, la gestion du secteur s'est construite autour de trois types d'attente selon le segment concerné : d'ordre économique pour la pêche industrielle (recettes en devises et parafiscalité), d'ordre social pour la pêche traditionnelle (emplois et conditions de vie), et d'ordre financier au regard de la commercialisation des produits de la pêche.

Les dernières statistiques, publiées par les autorités de tutelle à la fin du mois d'avril dernier, font état de près de 21 901 tonnes de produits halieutiques, tous confondus, expédiées sur le marché international. Ce qui a rapporté à la nation des recettes d'exportations de ces produits issus de la pêche et de l'aquaculture se chiffrant à 648 milliards d'ariary. À savoir également que dans l'économie malgache, le secteur primaire (agriculture, élevage, sylviculture et pêche) représente 28% de son PIB et 20 % de ses exportations. Pour leur part, l'aquaculture marine et la pêche maritime contribuent à hauteur de 7% des exportations en valeur, et à 3% de l'équilibre de la balance commerciale, alors qu'elle se situait à 6% durant les années 2000.

Madagascar possède une grande diversité de ressources halieutiques avec 5 000km de côtes, une Zone Economique Exclusive (ZEE) d'environ 1 140 000km², près de 50 000 ha de tannes d'arrières mangroves, 155 000 ha de lacs et lagunes et 1 500 km2 de plans d'eau naturels favorables à la pisciculture. Pour les pêcheries à forte valeur ajoutée, la marge de développement de la production reste importante, même pour la crevette, la langouste, l'holothurie et le poulpe.

Plusieurs filières porteuses

Avec un potentiel marin et estuarien estimé à 200 000 tonnes, le pays dispose d'une marge de progression de 105 000 tonnes au niveau des poissons pélagiques et démersaux, du thon et espèces associées, et des poissons pêchés par la pêche traditionnelle. À moyen terme, dans l'hypothèse d'une exploitation modérée, respectueuse de son environnement, de ce potentiel, la consommation nationale de la pêche maritime pourrait atteindre 80 000 tonnes, soit une consommation additionnelle de 1 kg de poisson par an par individu.

Dans les prochaines années, la pêche maritime pourrait contribuer à 15% du total d'exportation en valeur, participerait à hauteur de 6,4% à l'équilibre de la balance commerciale, et concourrait à 1,8% du PIB national. Au niveau économique, la pêche maritime pourrait générer 324 milliards d'ariary de richesse annuelle, soit près du double de sa contribution actuelle. L'aquaculture est toujours considérée comme l'un des secteurs porteurs pour le pays pour sa contribution à la rentrée de devises par les exportations de crevettes d'élevage et d'algues ainsi que pour sa participation à l'amélioration des revenus des paysans pisciculteurs, à l'apport en poissons pour le marché local et à l'emploi qu'elle génère.

La Grande Ile peut aussi miser sur l'algoculture, l'holothuriculture et la pisciculture en étang, avec une possible croissance annuelle de 20%. Le potentiel de contribution serait décuplé si les mesures de soutien, dans une approche intégrée, donnent leurs fruits. La petite pêche et la pisciculture, classée comme activité à faible investissement pour des bénéfices élevés, joue un rôle indéniable en tant que source de revenus ou source additionnelle de revenus. Ainsi, un ménage pratiquant la pêche a une probabilité réduite d'être pauvre de 15% dans les zones urbaines et de 20 % en zone rurale comparé aux ménages ne travaillant pas dans la pêche.

Comparé à d'autres secteurs, l'impact sur la réduction de la pauvreté est plus efficient à investissement public similaire. Malgré ces potentialités, les ressources maritimes potentielles sont localisées à 80% dans la côte occidentale, sur un tiers de la longueur totale des côtes malgaches. Or, la population consommatrice reste concentrée sur les Hauts- Plateaux et sur la Côte Est où vivent environ 70 % des Malgaches.

Dans le cas d'un accroissement rapide de la production additionnelle, ce décalage entre zones de production et zones de consommation nécessite à moyen terme un renforcement du système d'approvisionnement afin d'assurer une meilleure régularité de la disponibilité. Afin d'absorber les productions additionnelles envisagées à destination de la consommation nationale, et tenant compte du pouvoir d'achat actuel des consommateurs, de nouveaux mécanismes de commercialisation innovants, maitrisant les coûts d'approche, facilitant l'accès à des produits frais de qualité, doivent être promus.

Pêche et aquaculture

Des obstacles à surmonter

Il est constaté une perte de richesses considérables pour l'économie nationale, résultant de la combinaison de plusieurs facteurs comme la persistance de pêche INN avec ses conséquences négatives du point de vue économique, entres autres, le manque de revenus pour l'État, la dégradation des écosystèmes, la diminution de poissons disponibles pour les pêcheurs respectueux des règles, le niveau de surpêche élevé pour les pêcheries, la non-réalisation du potentiel de valeur ajoutée directe et indirecte liée à l'aquaculture, la faiblesse des systèmes de production aquacole, très orientée familiale et n'utilisant que moins de 20% des potentialités.

Sur un autre plan, on constate une diminution drastique de la rente halieutique sur certaines pêcheries de forte valeur marchande, notamment la pêcherie crevettière qui participe de moins en moins aux recettes budgétaires et à l'équilibre de la balance commerciale. Il est aussi remarqué que certains opérateurs doutent de la pérennité de leurs exploitations et de la valeur intrinsèque des ressources. Le principal enjeu est donc de pouvoir mettre en place durablement un cadre incitatif de réinvestissement et un cadre d'actions qui assure l'inclusion des petits producteurs dans les chaines de valeur des filières, afin que la pêche et l'aquaculture puissent jouer le rôle de secteur stratégique, tel prôné par le ministère chargé de la Pêche et de l'économie bleue.

Ce dernier qui rappelle que le secteur halieutique base sa stratégie sur le développement d'une économie bleue, fondée sur une considération équilibrée des aspects sociaux, économiques, écologiques et environnementaux des espaces qu'elle gère. Ses principaux défis consistent à assurer la durabilité des bénéfices économiques issus des ressources halieutiques, à générer des revenus pour assurer un niveau de sécurité alimentaire et nutritionnelle des petits pêcheurs et pisciculteurs, et à fournir aux marchés intérieurs et extérieurs une gamme diversifiée de produits compétitifs.

Pour y faire face, le secteur est appelé à s'organiser autour de cinq objectifs, à savoir la garantie de la gestion durable des exploitations et la préservation des ressources halieutiques, l'augmentation de la productivité et la contribution économique du secteur, l'amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle des pêcheurs et des aquaculteurs, et le renforcement de leurs résiliences aux aléas et catastrophes, la satisfaction des besoins du marché national en poisson, et la croissance significative de l'exportation. Enfin, il est souvent rappelé que les ressources halieutiques des eaux sous juridiction malgache constituent un patrimoine national que l'État a l'obligation de gérer dans l'intérêt de la collectivité nationale.

Ces ressources doivent donc être protégées tout en permettant des exploitations durables. Aussi, aucun acteur ne peut se livrer à des activités de pêche à caractère commercial sans consentement de l'administration, sous forme de licence, autorisation ou permis. La pêche de subsistance y est autorisée de droit, à condition de respecter les mesures de gestion fixées par la gouvernance communautaire concernée et de participer de manière responsable aux services de préservation des ressources.

VERBATIM

Paubert Tsimanaoraty Mahatante, ministre de la Pêche et de l'économie bleue

« Nous progressons sensiblement dans le développement durable du secteur halieutique. Nous renforçons nos mesures pour surmonter les obstacles comme la pêche INN qui, des années, impactent les efforts déployés par le gouvernement pour lutter contre l'insécurité alimentaire et pour augmenter l'emploi des jeunes, et augmentent le taux de criminalité, comme le trafic des ressources naturelles et celui des humains. Afin de lutter contre ce phénomène, Madagascar disposera d'environ une quarantaine de bateaux de surveillance de la pêche contre deux bateaux auparavant ».

Charles Boliko, représentant de la FAO à Madagascar

« Dans le domaine de l'halieutique, l'un des objectifs est de professionnaliser le secteur de la pêche pour assurer sa contribution à l'économie et à la sécurité alimentaire nationale et régionale. La pêche s'est développée jusqu'au point de devenir le principal fournisseur de change du pays. Le secteur est en plein essor pour le développement et pour la renaissance de l'économie malgache. Madagascar a également un potentiel de pêche riche et suffisamment diversifié. Afin de réaliser le potentiel des pêcheries à petite échelle et de les gérer de manière plus durable, il est aussi crucial de reconnaître le rôle des femmes, puis de tailler ultérieurement et de défendre les possibilités de leadership ».

Le secteur halieutique en chiffres

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