Afrique Centrale: Le Cameroun en pleine «validation Itie» dans le sillage de l'affaire Glencore

Depuis le début du mois, la gouvernance du Cameroun en matière de pétrole, gaz et minerais est examinée par l'Itie, l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives. Une évaluation périodique des États qui dure plusieurs semaines, et qui s'appelle « la validation Itie ». Mais depuis la dernière évaluation en 2021, l'affaire Glencore a mis en lumière un vaste système international de corruption, dans lequel deux entreprises du Cameroun semblent impliquées.

En 2021, l'Itie avait noté des « progès significatifs » et fait des recommandations. Mais depuis, l'« affaire Glencore» a eu un retentissement mondial. En 2022, le géant anglo-suisse du négoce de matières premières a été condamné aux États-Unis et au Royaume-Uni. Glencore a avoué avoir corrompu pendant plus de dix ans des fonctionnaires pour obtenir des contrats ou éviter des audits dans plusieurs pays dont le Cameroun.

L'Itie, au niveau international, a demandé aux gouvernements concernés « d'intervenir rapidement pour prendre les mesures adéquates. » Mais à ce jour, au Cameroun, personne n'a été mis en cause dans ce dossier. Or, Glencore a avoué avoir versé des pots-de-vins à des agents de la Société nationale des hydrocarbures du Cameroun, la SNH, ainsi qu'à des agents de la Société nationale de raffinage, la Sonara. Mais les deux entreprises étatiques disent toujours attendre « des preuves de ces allégations. »

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Pour la première fois, le volet camerounais de cette affaire tentaculaire a été débattu longuement en session du comité national de l'Itie Cameroun, les 30 et 31 août à l'hôtel Mont-Fébé de Yaoundé. Le compte rendu des échanges vient d'être mis en ligne sur le site de l'Itie Cameroun le mardi 3 octobre. La résolution spécifiquement rédigée sur l'affaire n'a pour l'instant pas été publiée.

La société civile représentée lors des discussions demande au gouvernement de tout mettre en oeuvre pour établir les responsabilités dans une affaire qui a, selon elle, « terni l'image du pays et engendré des pertes importants de revenus pour l'État. »

Au mois d'avril, lors de sa mission de pré-validation au Cameroun, le Secrétariat international de l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) a exprimé des préoccupations auprès de la SNH et exprimé le souhait que la compagnie pétrolière nationale publie les preuves de ses démarches judiciaires.

Dans ce système international de corruption criminelle à l'ampleur « stupéfiante » selon le qualificatif du procureur américain, la SNH estime avoir été une victime.

La Société nationale des hydrocarbures déclare avoir saisi les juridictions britannique et américaine pour obtenir des preuves et des noms des agents qui seraient « incriminés ». Elle affirme que Glencore lui a opposé une « clause d'anonymat ». La SNH assure poursuivre ses investigations en interne et demande à l'Itie International de l'appuyer pour obtenir la levée de cette clause d'anonymat.

La représentante de Glencore Exploration Cameroun, lors des débats de fin août, a renvoyé toute préoccupation au siège londonien du groupe.

La présidence camerounaise a indiqué avoir été saisie par l'administrateur-directeur-général de la SNH, Adolphe Moudiki, pour solliciter l'ouverture d'une enquête. « La voie judiciaire est en cours » peut-on lire simplement dans le compte-rendu, sans plus de précision.

Les organisations de la société civile membre du comité Itie Cameroun appellent les autorités à, dès à présent, entreprendre des démarches auprès de Glencore pour récupérer des compensations, comme ce qu'a déjà fait la République démocratique du Congo. En décembre 2022, dans le cadre d'un accord, Glencore s'est engagé à verser 180 millions de dollars à la RDC.

Le 26 mai 2022, Helen Clark, la présidente du Conseil d'administration de l'organisation, basée à Oslo, avait demandé « aux gouvernements des pays membres de l'Itie, en particulier ceux du Cameroun, de la Côte d'Ivoire, de la RDC et du Nigeria (...) d'intervenir rapidement et de mettre en place des mesures », rappelant que « les accusations ayant trait à des dessous-de-table effectuées par le biais d'intermédiaires dans le but d'obtenir des contrats avec des entreprises d'État » étaient « incompatibles » avec les engagements pris « en matière de transparence et de redevabilité. »

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