C'est parti depuis hier pour le retrait des forces françaises du Niger. Décidé par les militaires au pouvoir depuis fin juillet et acté fin septembre par la partie française qui n'avait pas d'autres choix que d'obéir à l'injonction nigérienne, ce retrait qu'on avait promis se faire en bon ordre a effectivement débuté ce mardi.
Ils ont beau être « ennemis », il aura fallu des tractations entre frères d'armes pour baliser le terrain d'une opération qui n'est pas du tout banale à mener.
Dans un premier temps, les 400 militaires quitteront deux bases avancées dans le Nord-Ouest, à Ouallam et Tabarey-Barey, pour se joindre au millier d'autres à Niamey avant de partir du territoire, sous escorte de l'armée nigérienne. Ils parcourront ensuite 1700 km pour rejoindre le Tchad.
Le Coq gaulois a dû se résoudre à ce long périple, faute de pouvoir passer par le Bénin, dont la frontière est fermée sur décision de la CEDEAO depuis les évènements du 26 juillet dernier. Sans doute, c'est par pur cynisme que les généraux nigériens n'ont pas voulu ouvrir la frontière avec ce voisin pour faciliter la tâche à Paris.
Plus que la longueur du trajet, qui pourrait être ressentie comme une humiliation, c'est l'obligation qui leur a été faite de démonter les armes à bord, comme si les Nigériens redoutaient que dans le retrait des forces françaises, qu'on charge de tous les péchés du fleuve Niger, ne sèment dans un baroud d'honneur le « bordel », pour utiliser le parler trivial des casernes, qui ne peut passer inaperçue.
On peut aussi comprendre « cette bonne escorte », car tant que les forces françaises sont sur le sol nigérien, leur sécurité incombe au pays hôte. Que ne dirait-on pas si, dans leur parcours, il y avait le moindre incident comme celui contre le convoi de la force française Barkhane sous escorte de la gendarmerie nigérienne en route pour le Mali, à Téra, région de Tillabéri, qui a occasionné deux morts parmi les manifestants en novembre 2021 ?
On apprend qu'une partie des 1400 hommes partiront par les airs avec des vols dérogatoires. D'ici Noël, le camp sera définitivement levé et les éléments pourront savourer à la buche à domicile, à moins de rester cantonnés au Tchad qui est un allié incontournable de la France dans la lutte contre le terrorisme.
Si le général Mahamat Idriss Déby, qui a remplacé son père et est pouponné par Emmanuel Macron, n'y voit pas d'inconvénients, ces forces pourront y rester, sans oublier que sur le sol tchadien, il se trouve déjà un millier d'hommes.
Voilà donc qu'après avoir été chassée du Mali, « Barkhane », qui s'était réarticulée au Niger avec Niamey comme centre névralgique, vole définitivement en éclats sous les coups de boutoir successifs des pouvoirs kaki. Quelque part, cette épreuve de force aura mis la France devant ses propres contradictions.
Dès le coup d'Etat, Jupiter a refusé de reconnaître les nouvelles autorités nigériennes et c'est en vertu de cette position qu'il avait refusé de rapatrier son ambassadeur qui était persona non grata, avant de se rendre à l'évidence puisque cette position était intenable.
C'est au nom de cette même position que la France, qui poussait la CEDEAO à la roue pour des sanctions contre les putschistes, se voit fermer la porte béninoise. Y a-t-il meilleure reconnaissance que de devoir discuter avec ceux qui tiennent le pouvoir de fait pour que l'opération se fasse sans casse ?
De ce point de vue, Niamey gagne son bras de fer contre le Coq gaulois qui, à force de perdre des plumes dans son ex-basse-cour sahélienne, risque de se retrouver tout nu.