Afrique: Les chefs des Mpakafo au service du Bibiolona

Comme tous les peuples malgaches, les Antambahoaka ont leur lot de superstitions, certaines très anciennes dont l'origine n'est plus connue, d'autres plus récentes.

Telle l'histoire des Mpakafo (litt. arracheurs ou voleurs de coeurs), partagée d'ailleurs par d'autres groupes ethniques.

Selon Armand Raomelina en 1967, il s'agit d'un préjugé qui date de la colonisation et qui « provoque périodiquement de sérieux scandales, par exemple à Mananjary, surtout au moment de la disette. Pendant ces périodes, s'il se produit quelques violations de domicile, probablement pour voler et on l'interprète comme le fait de Mpakafo ».

« L'esprit fidèle des imbus de préjugés imagine d'autres incidents analogues, montés de toutes pièces. Le commentaire va bon train. La population s'affole; l'imagination s'exalte; on se représente l'auteur de cet acte abominable sous forme d'un magicien capable de saigner ou d'endormir à distance. »

Dans les quartiers, s'organisent alors des guets secrets et gare aux promeneurs nocturnes.

Selon la légende populaire, cette superstition est née du temps de la colonisation et s'explique par une secte secrète, dont le siège se serait trouvé à Antananarivo.

Le dieu qu'on y adore serait un monstre vorace, mi-animal mi-homme (bibiolona) qui se nourrit exclusivement de sang humain.

« Un pacte est établi entre le monstre et son gardien, stipulant que celui-ci payerait de son propre sang en cas de défaillance. »

%

C'est-à-dire quand il ne trouve pas de coeurs pour nourrir la Chose! On attribue au bibiolona le pouvoir surnaturel de procurer à ses adorateurs tous les biens de ce monde.

En particulier « le don de commander, de régner sur les autres».

Partant de ce raisonnement, « le peuple crédule » y associe tous les fonctionnaires d'autorité, les agents de commandement, les chefs de services de tous degrés ainsi que les professeurs d'instruction civique, « payés exprès par l'État pour distraire le peuple prudent de ses sages précautions ».

Faut-il alors s'étonner d'entendre qu'il y a complicité entre les autorités locales et les Mpakafo?

Ce qui expliquerait les grands succès remportés par ces derniers.

De même, tous les décès dont les causes sont mal déterminées, sont imputés aux Mpakafo.

D'après les peuples, ceux-ci sont pourvus d'un laissez-passer sous la forme d'une cicatrice de forme conventionnelle, permettant à l'État de les reconnaître en cas d'arrestation inopinée.

Une autre superstition « particulièrement odieuse », consiste à rejeter les jumeaux (zaza kambana en pays antambahoaka. Ils s'abstiennent absolument de les élever.

« Et si ces malheureux (bébés) ne sont pas recueillis par des personnes d'autres tribus ou par quelque institution de charité, les parents n'éprouvent aucun scrupule à les étouffer ou à les enterrer vivants! »

Toujours selon Armand Raomelina, les chefs de clan, fidèles conservateurs de vieilles croyances « ne sont pas capables de donner une réponse précise sur l'origine de cette coutume, ni sur les méfaits réels que pourrait provoquer la cohabitation avec des jumeaux ».

Toutefois, ils citent une légende pour l'expliquer. Un jour, disent-ils, à l'époque des premiers établissements sur la côte Est, le peuple antambahoaka poursuivi par une bande de fahavalo, parvient sur la rive du fleuve Mananara.

À l'approche des poursuivants, tous se précipitent dans des pirogues et peuvent ainsi leur échapper.

Sauf une femme qui, gênée par ses jumeaux, manque de s'embarquer à temps et est emmenée en esclavage avec ses petits.

Arrivé à la première étape de leur fuite, le chef de clan dénombre son monde et constate leur disparition.

« Il procéda à une cérémonie pour maudire quiconque de ses descendants se mêlerait d'élever des jumeaux. »

D'après Armand Raomelina, « cette superstition est d'autant plus scandaleuse que Mananjary est l'une des régions les plus fertiles en jumeaux ».

Mais notre auteur conclut sur une note plus heureuse: « Les habitants qui s'interdisent formellement d'élever ces jumeaux, ne s'abstiennent pas des services rendus par ceux-ci, ni du contact intime avec eux. Témoins, deux frères jumeaux indiens, commerçants de Mananjary dont la boutique est envahie par les femmes antambahoaka moins préoccupées de faire des emplettes que de satisfaire leur curiosité féminine. »

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.