Congo-Kinshasa: La population hésite à visiter les musées par peur des objets mystiques à Kolwezi

En République démocratique du Congo, cela fait près de deux ans que le Musée national a ouvert une succursale dans la ville minière de Kolwezi, au sud du pays. Cette jeune institution abrite une centaine d'oeuvres, parmi lesquelles des échantillons de minéraux, des objets archéologiques ainsi que des masques et autres objets traditionnels. Toutefois, de nombreux habitants de Kolwezi ont peur de se rendre au musée, estimant que les oeuvres exposées sont chargées de pouvoir mystique.

Dans un salon de coiffure de l'avenue Lusanga à Kolwezi, deux hommes attendent leur tour. À la question de savoir s'ils ont déjà visité le musée, la réponse est sans équivoque : « Je n'ai jamais eu ni le courage, ni le temps d'aller visiter le musée », en explique un. « Cela a ne m'intéresse pas et je n'ai pas d'explication à vous donner », lance l'autre.

Une réaction qui selon Médard Kalunga, rencontré sur la même avenue, s'explique par des convictions culturelles mais aussi religieuses : « On nous a toujours dit : "si tu vois des restes humains ou même des masques, les esprits vont te poursuivre". C'est pour ça que nous avons peur. »

Le musée de Kolwezi tente tant bien que mal d'attirer des visiteurs locaux. La tête des masques par exemple est recouverte des cheveux synthétiques pour remplacer le rafia. « C'est pour faire en sorte que les gens ne se sentent pas trop éloignés, parce qu'on se dit que c'est un endroit de sorcellerie, explique Josué Mbak, chargé de l'éducation au musée. Alors pour enlever toutes ces idées-là, on essaie de moderniser les oeuvres pour attirer tout le monde. Parce qu'il y en a qui viennent au musée et dès qu'ils franchissent la porte, ils ont peur et prennent fuite. »

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Pour l'heure, le musée de Kolwezi reçoit la visite d'une ou deux écoles seulement par trimestre, soit une cinquantaine d'enfants, à peine. Et les visites des adultes sont très rares, regrette le chargé de l'éducation.

« Travailler avec les communautés » pour amener les populations aux musées

Pour relever le niveau des fréquentations des musées en Afrique et amener les populations à se réapproprier les objets du musée, il faut mettre en place des stratégies, notamment en voyant des « personnes qui portent ces cultures », comme « des anciens, parents, agents de transmission des savoirs », entre autres, explique Sari Middernacht, muséologue et ancienne fonctionnaire du Musée royal d'Afrique centrale, situé à Tervuren près de Bruxelles.

Il y a plusieurs moyens pour ramener à nouveau les cultures vivantes dans les musées. En travaillant avec les communautés et en faisant des musées des espaces de rencontre où l'histoire de ces objets est racontée et remise dans leur contexte historique. Mais pour cela, il faut aller voir des personnes qui portent ces cultures. Ça peut être des anciens, des papas ou des mamans, qui sont les agents de transmission des savoirs, des coutumes et des traditions. Il faut les inviter dans les musées pour enrichir le discours du musée. Et parallèlement, les musées qui ont en leur possession des études scientifiques sur certains de ces objets, peuvent à leur tour enrichir les connaissances des communautés. En fait, la communauté des musées et la communauté des cultures vivantes ont intérêt à collaborer. Et je vois le monde des Musées en Afrique comme un terrain très intéressant pour reconnecter ces deux aspects de la culture.

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