Cameroun: L'exécution publique de 2 civils dans le Nord-Ouest assumée par un groupe séparatiste

L'affaire a provoqué une très vive émotion il y a une semaine au Cameroun. Le 4 octobre dernier, à Guzang, dans la région anglophone du Nord-Ouest, en fin d'après-midi, des combattants séparatistes ont rassemblé sous la menace des dizaines d'habitants sur la place du marché. Ils ont forcé deux civils qu'ils avaient arrêtés à s'asseoir sur le bitume, et après les avoir accusés de trahison, ils les ont fusillés. Un avertissement assumé par le mouvement séparatiste «Ambazonia Governing Council» (Conseil de gouvernement de l'Ambazonie).

Selon Lucas Asu, porte-parole de l'AGovC qui vit en exil au Canada, les deux civils fusillés à même le sol sur la place du marché de Guzang le mercredi 4 octobre étaient coupables d'avoir collaboré avec l'armée camerounaise, plus précisément avec le BIR (Bataillon d'intervention rapide), unité d'élite engagée sur le terrain.

Ce cadre d'un des mouvements séparatistes anglophones armés explique que la peine de mort est la sentence prévue par le code de justice de l'Ambazonia Governing Council, dirigé par Lukas Cho Ayaba, exilé, lui, en Norvège.

Une sentence exécutée en public, en plein jour et filmée. Une mise en scène et une vidéo destinées à envoyer un message de dissuasion aux habitants qui seraient tentés de renseigner les forces de défense et de sécurité camerounaises.

Pourtant, selon d'autres sources connectées au terrain, les deux hommes victimes de ces exécutions publiques auraient été accusés à tort, dans ce qui semble être une dispute entre commerçants sur le marché de Guzang.

Sur les réseaux sociaux, la vidéo a circulé. Les deux hommes ne semblent pas savoir ce qui les attend. L'un des deux porte encore son sac en bandoulière et ses lunettes de soleil sur le front. Les deux sont criblés de balles devant une foule qui s'enfuit en criant lorsque les premiers coups de feu retentissent.

Silence du gouvernement

Depuis le mercredi 4 octobre, au niveau des autorités camerounaises, les seules réactions officielles ont été locales. Il n'y a pas eu de communication du gouvernement à Yaoundé.

Localement, le préfet du département de la Momo où se trouve Guzang dénonce un acte de terreur. Il qualifie les combattants séparatistes de « hors-la-loi ». Il continue d'appeler les habitants à coopérer avec les forces camerounaises.

Une source proche des services du gouverneur de la région du Nord-Ouest analyse cette brutalité exhibée comme un sursaut radical d'un groupe qui serait en perte de vitesse dans la zone forestière, « épicentre de la violence » depuis la militarisation du conflit en 2017. C'est là, notamment, qu'en 2018, le sous-préfet de Batibo a été enlevé et assassiné.

Amnesty appelle à une enquête indépendante

L'ONG Amnesty International, après avoir vérifié de l'authenticité de la vidéo, a demandé aux autorités du Cameroun de permettre que soit menée une enquête indépendante sur ces exécutions.

Pour Christophe Fomunyoh, directeur Afrique du National Democratic Institute, groupe de réflexion basé aux États-Unis, et lui-même natif de Guzang, « le silence de l'État du Cameroun contribue, qu'il le veuille ou non, à accentuer le sentiment d'impunité autour des atrocités commises. Et ce qu'il ne comprend pas, c'est que cela a une dimension internationale. C'est l'image que les gens retiennent de ce qu'il se passe dans la zone de conflit. »

L'organisation de la société civile camerounaise « Conscience africaine », elle, après ces exécutions filmées, a appelé le gouvernement de Yaoundé à faire plus pour protéger les civils, à combattre l'impunité et à rendre publics les résultats des enquêtes régulièrement annoncées après de telles violations des droits humains.

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