Cameroun: Une vidéo montre des meurtres commis par des séparatistes armés

communiqué de presse

Nairobi — Les leaders séparatistes devraient refréner leurs troupes et les partenaires du Cameroun imposer des sanctions

Des combattants séparatistes ont exécuté publiquement deux hommes non armés à Guzang, dans la région du Nord-Ouest du Cameroun, le 4 octobre 2023, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. L'exécution, qui a été filmée, corrobore les témoignages antérieurs de meurtres perpétrés par des groupes séparatistes armés, dont certains ont également été filmés.

« Les combattants séparatistes font preuve d'un mépris total de la loi et de cruauté envers les civils dans les régions anglophones du Cameroun », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l'Afrique centrale chez Human Rights Watch. « Les leaders séparatistes devraient immédiatement refréner leurs combattants et leur ordonner de cesser d'attaquer les civils. »

La vidéo, que Human Rights Watch a vérifiée et géolocalisée à Guzang, montre au moins deux combattants séparatistes exécuter deux hommes non armés devant une foule et que les séparatistes accusaient d'espionnage pour le compte de l'armée camerounaise. L'une des victimes secoue la tête et agite sa main en signe de rejet des accusations. Dans cette vidéo d'environ une minute largement diffusée sur les réseaux sociaux, les combattants disent également avoir un message pour « René, afin qu'il vienne récupérer les corps [des personnes tuées] », sans préciser toutefois qui est René. Il s'agirait d'un commandant militaire camerounais local.

Le 6 octobre, le fon de Guzang, une autorité traditionnelle, a publié une déclaration condamnant les exécutions et a indiqué que les deux victimes, Mbanyamsig Hans Di et Aburo N. Cletus, étaient des « civils innocents ».

Le 8 octobre, Lucas Asu, porte-parole des Forces de défense d'Ambazonie (Ambazonia Defense Forces, ADF), un groupe séparatiste armé, a déclaré à Human Rights Watch que les ADF étaient responsables des meurtres. Il a affirmé que les deux victimes étaient des « espions » d'une unité du Bataillon d'intervention rapide (BIR), une force d'élite de l'armée camerounaise, « dirigée par le commandant René », et qu'elles ont été exécutées « conformément à notre code de justice et loi ». Lucas Asu a également déclaré que le groupe avait capturé les deux hommes « il y a environ un mois », les avait maintenus en détention dans l'attente « d'une enquête », puis avait décidé de les exécuter publiquement parce qu'« ils étaient des traîtres » et pour « donner l'exemple aux autres ».

Les propos d Lucas Asu contredisent cependant les récits recueillis par Human Rights Watch auprès de deux habitants de Guzang, dont un qui a été témoin du meurtre du 4 octobre. « Quatre combattants [séparatistes] ont pris d'assaut la place du marché de Guzang entre 16 et 17 heures, à bord de motos, et ont embarqué les deux hommes », a déclaré le témoin. « L'une [des victimes] était assise dans un bar, en train de consommer, tandis que l'autre se trouvait chez elle. » Selon le témoin, après les meurtres, les combattants ont prévenu les habitants de Guzang que « s'ils tentent de riposter, ils le paieront de leur vie ».

Le 9 octobre, Lucas Asu a réitéré à Human Rights Watch que les ADF avaient capturé les deux hommes « il y a un mois ». Il a ajouté que les ADF « ont actuellement trois [autres individus] en détention en lien avec des activités d'espionnage et de collecte de renseignements pour le compte du BIR [...]. L'un d'entre eux est une femme. Une enquête sur leurs activités est en cours. »

La violence est monnaie courante dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun depuis fin 2016, alors que des groupes séparatistes armés tentent d'obtenir l'indépendance des régions minoritaires anglophones du pays, attaquant à la fois l'armée et la population civile. Le gouvernement camerounais a répondu à l'insurrection de manière brutale et a multiplié les opérations militaires dans les deux régions. Au moins 6 000 personnes ont perdu la vie et plus de 700 000 ont été déplacées à cause des violences.

Human Rights Watch a largement documenté les graves violations des droits humains commises aussi bien par les combattants séparatistes armés que par les forces de sécurité camerounaises depuis fin 2016. Les séparatistes armés ont enlevé des centaines de personnes, notamment des étudiants, des enseignants, du personnel médical, des travailleurs humanitaires, des membres du clergé et des responsables gouvernementaux. Ils ont tué et torturé et perpétré des attaques généralisées contre l'éducation.

Les troupes gouvernementales se sont également livrées à de graves violations des droits humains, notamment des incendies massifs de villages, de maisons et de magasins, à des meurtres, des actes de torture et des mauvais traitements, à des détentions au secret et à des viols.

La crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun n'a reçu que trop peu d'attention, que ce soit aux niveaux régional et international. Le Conseil de sécurité de l'ONU et le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine ne l'ont jamais inscrite à leurs agendas respectifs. Les partenaires internationaux du Cameroun, dont la France et les États-Unis, ont largement ignoré la crise en cours dans les régions anglophones et n'ont pas adopté de position ferme face aux violations commises par toutes les parties.

« Alors que la crise dans le Nord-Ouest entame sa sixième année, les combattants séparatistes continuent de commettre de graves violations des droits humains contre une population épuisée, sans redouter la moindre conséquence », a conclu Lewis Mudge. « Les partenaires internationaux du Cameroun, le Conseil de paix et de sécurité de l'UA et le Conseil de sécurité de l'ONU devraient imposer des sanctions ciblées, notamment des interdictions de voyager et un gel des avoirs, aux leaders séparatistes responsables de ces abus. »

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