Pour le moment, le secteur industriel ne contribue que pour 16,3% du PIB national, contre 41,5% pour la moyenne africaine. Les filières alimentaire et énergétique représentent 52% du PIB industriel. Le tissu productif du pays est encore peu développé. Mais la promotion active de la petite industrie devrait améliorer la situation.
Plusieurs programmes de soutien à la petite industrie ont été mis en route. Ils concernent différents volets comme la formation, l'accompagnement technique ou le financement. Selon le ministère de l'Industrialisation, du commerce et de la consommation (MICC), ces différentes initiatives ont déjà permis de dynamiser davantage ce secteur économique mais il faut déployer plus d'efforts. Raison pour laquelle ce département a décidé de lancer un programme de mise en place de Zones Pépinières Industrielles (ZPI) qui devraient permettre aux régions et districts de
contribuer davantage à la fabrication de produits dont la population a besoin.
En moins de deux ans, plusieurs petites industries ont vu le jour et l'accompagnement des opérateurs, souvent des jeunes, s'est renforcé. « Il s'agit aussi d'augmenter sensiblement la valeur ajoutée manufacturière par habitant qui est de moins de 100 USD avec une croissance annuelle de la valeur ajoutée manufacturière par habitant de moins de 2,5% » a-t-on aussi fait savoir.
Ainsi, une huilerie a été implantée à Morondava. Deux unités de transformation du miel ont aussi été ouvertes dans les régions Amoron'i Mania et Haute-Matsiatra. Et ce ne sont que quelques exemples. « L'installation de ces unités répond à l'approche filière adoptée par le MICC, laquelle consiste à équiper chaque district d'une unité de transformation pour les produits locaux spécifiques à chaque région », a-t-on expliqué. Dans le cas précis du Menabe, l'huilerie est salutaire car cette région dispose d'un important potentiel avec notamment une production annuelle de 10.000 tonnes d'arachides. Un potentiel sous-exploité puisque 60 tonnes par an sont transformées en huile.
D'importantes ressources à transformer
Jusqu'ici, le secteur tire une grande partie de sa valeur ajoutée des activités des entreprises franches industrielles, spécialisées notamment dans les produits textiles et les huiles essentielles, et dont le poids ne représente jusqu'ici que moins de 5% du PIB. Et les analystes s'accordent à rappeler que l'industrialisation à grande échelle est un passage incontournable dans tout processus de développement et, particulièrement, pour acter l'émergence économique de Madagascar.
Le pays dispose de ressources variées susceptibles d'être transformées pour générer des gains économiques importants et contribuer directement à l'accroissement des revenus, des emplois et des recettes fiscales. Pour tirer bénéfice de ces avantages, le pays doit absolument faire sa révolution industrielle en boostant l'entreprenariat et l'innovation. Il est temps, a-t-on aussi soutenu, d'en finir avec un secteur industriel qui accuse une faible transformation et une répartition inéquitable entre les régions.
Impulser des dynamiques de développement économique focalisées sur la valorisation de potentialités des territoires est le défi lancé par le ministère de tutelle. C'est dans ce cadre qu'est mis en oeuvre le programme de Zones Pépinières Industrielles qui se déploie avec le Programme Odof ou One District One Factory. Selon le ministre Edgard Razafindravahy, il s'agit d'un « concept qui consiste à mettre en place au niveau local, dans les communes et les fokontany, un espace propice aux activités génératrices de revenus et au développement de l'entreprise ».
Constat a aussi été fait que pour donner un saut qualitatif aux conditions de vie dans les campagnes et acter le véritable développement rural, les responsables publics sont conscients qu'il faudra surmonter un certain nombre de blocages. Citons, entre autres, les difficultés pour l'attribution et la sécurisation des propriétés foncières, les procédures administratives qui s'avèrent décourageantes dans nombre de Districts et le manque de valorisation des potentialités locales. « Pour réussir le pari des pépinières industrielles, ces faiblesses doivent être transformées en avantage compétitif », selon aussi le ministre Razafindravahy.
Le membre du gouvernement a ajouté que la professionnalisation des métiers agricoles est à placer au coeur du dispositif de mise en oeuvre du programme. Dans cette perspective, le MICC projette de mettre en place un fonds consacré à la promotion du programme dont la finalité est de soutenir les initiatives industrielles locales.
Plusieurs actions sont prévues à cet effet à l'instar du projet d'appel à contribution des investisseurs étrangers et nationaux qui croient au potentiel de l'économie rurale du pays. Mais le ministère ne compte pas seulement sur les coups de pouce extérieurs. Il envisage également d'apporter des appuis logistiques et de dispenser des formations en impliquant les cadres techniques évoluant auprès de ses directions régionales.
La région Anosy en mode pionnière
Pour rappel, la Région Anosy a été choisie pour abriter la première structure industrielle à taille humaine qui assure la transformation de la canne à sucre. Selon les responsables, ce projet servira de référence dans le cadre du programme pour la promotion des zones pépinières industrielles ou « Taninketsa Indostrialy » à Madagascar.
« Cette usine de sucrerie industrielle sert de pilote pour les autres implantations de ce genre dans toute l'île. Ce genre d'initiative est essentiel pour insuffler le rythme de développement accéléré et durable dans la commune de Mahatalaky et pour mettre un terme au phénomène des matières premières agricoles perdues », a-t-on indiqué. L'initiative a été saluée par la coopérative de planteurs de canne à sucre qui peuvent désormais préparer la commercialisation de leurs produits et réfléchir aux moyens pour accroitre la production. Madame Vololo, entrepreneure en charge de l'usine, a déclaré, pour sa part, que cette volonté de transformer le tissu économique du District donne des ailes aux producteurs et aux coopératives paysannes qui ne souhaitent que la valorisation des richesses locales dont disposent les différentes communes.
Promouvoir la petite industrie dans les différentes régions n'est pas chose facile. Mais les responsables soutiennent qu'ils peuvent aussi compter sur le soutien des partenaires techniques et financiers (PTF) à travers les projets comme le programme SME BLP (Business Linkage Program) de la Banque Africaine de Développement (BAD). Ce dernier qui, dans sa première phase, a permis à 300 très petites et moyennes entreprises (MPME) de se mettre en orbite grâce à une palette d'aides.
Il a été souligné que le programme SME BLP s'arrime avec les missions du ministère chargé de l'Industrialisation. « La mise en place d'une pépinière industrielle au niveau des communes favorisera un développement inclusif qui répond aux attentes de la population et approvisionnera les marchés », a-t-on soutenu. Une occasion aussi pour le MICC de rappeler l'importance des initiatives faisant bénéficier les agriculteurs et les entrepreneurs locaux sur l'ensemble du territoire. À savoir qu'une enveloppe de 1,43 million de dollars a été remise pour financer ce programme qui priorise les zones rurales.
D'autres projets ayant le même objectif sont en cours de réalisation ou en préparation. Selon la Banque Africaine de Développement, le secteur industriel est essentiel pour le renforcement de la résilience de Madagascar et pour réduire significativement la pauvreté via la création d'emplois décents et la promotion de l'investissement.
L'institution financière qui a rappelé que la crise du Covid-19 a démontré l'importance d'une stratégie industrielle qui prend en compte la couverture de la demande intérieure en produits alimentaires afin de garantir la sécurité alimentaire et sanitaire. « Le fonctionnement effectif du secteur industriel nécessite un secteur financier dont l'accès est facilité pour les très petites, petites et moyennes entreprises ainsi que d'un système de formation qui soit adapté aux besoins du marché du travail ».
Citons aussi le Projet d'appui à l'industrialisation et au secteur financier (PAISF). Le projet est fondé sur une approche de long terme visant la transformation du secteur industriel de Madagascar en vue de le positionner comme le principal moteur de la croissance et de la création d'emplois décents qui tient compte des populations les plus vulnérables. Il s'agit de créer les conditions pour booster les petites et les grandes initiatives privées pour redimensionner le secteur manufacturier du pays, notamment dans les filières où ce dernier dispose d'avantages comparatifs conséquents. Bref, un projet qui rejoint les objectifs fixés par le programme de promotion de la petite industrie du MICC.
Capitaliser sur les atouts
Madagascar veut accélérer le développement de son industrie en capitalisant sur les atouts déjà identifiés, en développant les chaines de valeur régionales, et en attirant des investisseurs de divers horizons. C'est à travers cette vision que la création d'un fonds partenariat public-privé (PPP) viable à long terme, est en gestation. Le Fonds National de Développement Industriel (FNDI) permettra, pour sa part, d'apporter une aide financière aux petites unités de production tout en les accompagnant pour leur intégration dans les chaînes de valeur industrielle.
Les principaux bénéficiaires sont l'État, à travers notamment le renforcement des capacités institutionnelles des structures en charge du développement industriel, les entreprises qui bénéficieront d'un cadre institutionnel plus favorable à leur expansion, les femmes et les jeunes entrepreneurs qui seront soutenus activement pour doper la création d'emplois décents et améliorer la qualité de vie des populations.
À noter que l'agence d'exécution du projet de la BAD est le MICC qui, dans le cadre de l'accord signé avec le bailleur de fonds, aura à concrétiser le souhait du gouvernement d'accélérer la reprise économique « avec un nouveau plan national de développement qui met l'accent sur l'industrialisation ». Les autorités entendent dorénavant mettre en avant le développement industriel comme moteur du plan de relance économique. Rappelons que Madagascar enregistre un déficit commercial important, près de 2 milliards USD (soit 15% du PIB de manière récurrente) pour les produits manufacturés.
Concernant le financement des petites industries, remarque a été faite que le portefeuille de prêts des banques est encore concentré essentiellement sur les prêts de montants élevés, reflétant ainsi un faible taux de pénétration pour des petites entreprises locales (6%). Notons, par ailleurs, que les indicateurs existants soulignent un fort potentiel entrepreneurial des femmes (30% des entreprises enregistrés au niveau de l'Economic Development Board of Madagascar) malgré une disparité des genres dans la participation au secteur industriel et dans l'accès et utilisation des services financiers.
Zones d'investissement industriel
Un projet à concrétiser
L'État projette de lancer plusieurs nouvelles PMI (petites et moyennes industries). Pour ce faire, la mise en place de deux zones d'investissement industriel est en projet. La première, située à Moramanga, est prévue pour le développement des industries textiles, tandis que la deuxième zone sera localisée dans la région Itasy. L'objectif consiste à promouvoir la transformation des produits locaux, notamment les fruits et légumes. En effet, de nombreux fruits et légumes sont jetés à chaque saison de récolte, faute de dispositif de transformation et de débouchés.
Les nouvelles PMI se concentreront notamment dans le domaine de la transformation agro-alimentaire : la transformation des fruits, le développement de la miellerie industrielle ou semi-industrielle, la torréfaction de café... Mais les zones d'implantation ne se limiteront pas à Moramanga et l'Itasy. Des unités industrielles seront aussi créées dans les autres régions dont le Vakinankaratra, le Boeny, l'Atsimo-Andrefana, Diana et Analanjirofo. Sans oublier le programme de promotion des industries d'extraction de la vanille dans la SAVA.
Selon le MICC, plusieurs autorisations industrielles ont été délivrées. Outre les autorisations de production de gels et solutions hydro-alcooliques servant à se protéger contre la covid-19, des petites unités de fabrication de produits alimentaires ont aussi vu le jour. Maintenant, le défi est de décupler la délivrance de ces autorisations en musclant la sensibilisation en particulier dans les zones rurales.
VERBATIM
Edgard Razafindravahy, ministre de l'Industrialisation, du commerce et de la consommation.
« Les initiatives mises en route aideront les paysans producteurs qui trouveront des débouchées pour leur production. L'objectif est aussi de produire au maximum localement les produits de première nécessité afin de réduire la dépendance aux importations. Cette opération consiste à promouvoir plus efficacement le secteur de la petite industrie pour lequel le gouvernement a notamment importé 75 unités de transformation ».
Rarivo Ravoatra, gérant de Honey of Madagascar
« Notre petite industrie de miellerie a comme principale activité la production de Miel pour le marché local mais vise également le marché international. Ses autres activités sont la désoperculation, l'extraction, la filtration et la maturation. L'entreprise Honey of Madagascar compte actuellement 20 salariés. Nous sommes convaincus que la petite industrie contribuera à transformer l'économie du pays ».