Marrakech — Le directeur de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) pour le Maroc, Antoine Sallé de Chou, a accordé une interview à la MAP, en marge des Assemblées annuelles de la Banque Mondiale (BM) et du Fonds Monétaire International (FMI). En voici la teneur :
- Quel est l'objet de la présence de la BERD aux Assemblées annuelles de la BM et du FMI ?
La BERD est présente à aux Assemblées avec une très forte délégation venue de Londres, menée par notre présidente, Odile Renaud-Basso. L'objectif est évidemment de rencontrer tous nos partenaires internationaux et de participer aux différentes discussions qui ont lieu sur la réforme notamment des institutions multilatérales de développement.
Puisque le Maroc accueille ces Assemblées et le fait de façon absolument magnifique, nous profitons du moment pour rencontrer nos partenaires marocains au plus haut niveau et pour organiser des rencontres sur les différents sujets qui nous lient afin de faire avancer nos dossiers.
- En parlant d'organisation, comment percevez-vous le fait que ces Assemblées annuelles, qui sont un événement de très haute portée mondiale, soient tenues au Maroc ?
C'est une excellente initiative, voir les Assemblées annuelles retourner sur le continent africain après un demi-siècle. Cela permet au Royaume d'être encore plus au devant de la scène.
Le Maroc est aujourd'hui présent dans l'esprit de tout le monde, encore plus lorsqu'on parle de la Coupe du Monde 2030 que le pays co-organise.
C'est donc une excellente plateforme dans laquelle le Maroc peut vraiment valider et démontrer sa capacité, dont personne ne doute évidemment, à organiser des événements à l'échelle internationale.
Nous ne pouvons que complimenter le Maroc, le campus est extrêmement agréable, et la circulation y est très fluide en dépit de l'affluence des participants qui se comptent à 14.000 visiteurs.
C'est surtout un gage de résilience, parce qu'il faut rappeler que le Maroc a subi il y a seulement quelques semaines un terrible séisme.
Le Maroc est une destination qui a toujours réussi à rebondir, quels que soient les challenges.
- Vous évoquez le séisme, quel commentaire faites-vous de la gestion de ses répercussions et de la prise en charges des sinistrés par les autorités marocaines sur Hautes Instructions de Sa Majesté le Roi Mohammed VI ?
Nous saluons évidemment la rapidité avec laquelle le gouvernement a organisé une réponse rapide et très forte à cette tragédie qui a pris évidemment tout le monde par surprise. Dans les heures qui suivaient, l'ensemble des services de secours et de sécurité ont été déployés.
Je dois aussi souligner le plan massif de reconstruction de 120 milliards de dirhams lancé par le Souverain, qui représente près de 10% du produit intérieur brut du Maroc et qui devrait combler les écarts et les disparités de développement au niveau de cette région.
En tant que Banque européenne de reconstruction et de développement, nous pouvons accompagner cette réponse en s'appuyant aussi sur nos forces, à savoir notre capacité à mobiliser le secteur privé, et à mettre en place des réponses d'urgence et de crise.
Avec notre conseil d'administration, nous travaillons actuellement sur l'élaboration d'une réponse qui devra accompagner les besoins immédiats de préservation du tissu et des infrastructures de cette région, mais surtout accélérer son développement avec cette logique, comme diraient les anglais, du "build back better".
Notre vision est de contribuer à reconstruire cette région, dans le cadre d'une approche de durabilité, de résilience et d'inclusion économique des femmes et des jeunes.
- Parlons de l'Afrique. Le continent a été au centre des discussions lors des travaux de ces Assemblées. Que pensez-vous de l'engagement du Maroc pour l'Afrique ?
Le Maroc est pour quiconque s'intéresse à l'Afrique, un partenaire incontournable, mais surtout peut-être une plateforme, et un point d'entrée pour aborder le continent africain.
Le Maroc a construit une vraie expertise et une connaissance très fine des marchés africains, à travers l'extension de ses grands groupes sur le continent et de plus en plus, maintenant, d'entreprises de taille intermédiaire.
Lors de notre assemblée annuelle, nos actionnaires ont validé le principe d'une extension des opérations de la BERD en Afrique subsaharienne, à commencer par six pays qui sont la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Bénin, le Ghana, le Nigeria et le Kenya, portant notre présence de 37 à 43 pays africains.
Au cours de l'élaboration de cette nouvelle stratégie et avant de la présenter à nos actionnaires, nous avons beaucoup discuté avec nos partenaires marocains pour pouvoir nous-mêmes affiner notre compréhension et affiner le pitch pour nos partenaires.
Nos premières opérations dans ces pays seront avec nos clients marocains, qu'il s'agisse des banques avec lesquelles nous travaillons déjà, qui sont très présentes en Afrique, ou d'un certain nombre de grands groupes.
Et pour nous, cette expansion permettra aussi d'être en bien meilleure position pour accompagner la croissance justement des groupes marocains sur le continent. Nous serons en mesure de financer la maison mère, mais également les filiales africaines.
- Comme vous le savez, le Maroc a entrepris, sous la Conduite éclairée de Sa Majesté le Roi, un grand nombre de chantiers socio-économiques structurants et résolument tournés vers l'avenir, comme par exemple la production de l'hydrogène vert. Que pensez-vous de cette dynamique de réformes ?
Sur l'hydrogène vert, nous sommes convaincus que le Maroc a l'un des potentiels les plus importants au monde, et plus généralement dans les carburants verts. Nous avons fait une étude sur nos 37 pays d'opération, et il s'est avéré clairement que le Maroc se positionne au sommet en termes de capacité à produire de l'hydrogène à des prix extrêmement compétitifs.
Ça vient du fait que le Maroc recèle un mix éolien et solaire assez unique. Il y a des pays qui ont un très fort potentiel solaire et d'autres un très fort potentiel éolien. Mais, ici, avoir ce mix et pouvoir créer des facteurs de capacité qui peuvent approcher 70% pour les électrolyseurs est extrêmement compétitif.
Ce qui est évidemment aussi très intéressant pour le Maroc, c'est sa proximité avec le marché européen, qui, à travers les politiques annoncées, souhaite pouvoir produire et importer 10 millions de tonnes d'hydrogène vert. Une très grande partie sera importée d'Afrique du Nord.
Par ailleurs, le Maroc a la grande chance d'avoir un acheteur domestique qui est l'OCP, et qui va permettre de pouvoir créer et amorcer la filiale domestique de l'hydrogène vert, avant de mettre en place en son offre
Pour ce qui est des infrastructures, le Maroc dispose de grandes plateformes logistiques et d'une importante expérience en matière d'export.
Le port de Tanger-Med est le plus grand port d'Afrique et de la Méditerranée. Aussi, le port de Nador West Med, dans lequel la BERD est le principal bailleur, sera mis en service.
Nous constatons qu'il y a une réflexion profonde derrière plusieurs sujets relatifs aux nouveaux vecteurs d'énergie renouvelable, et à la stratégie d'exportation y afférente. La BERD se tient à la disposition du Maroc pour l'accompagner dans ces chantiers à travers ses partenaires privés.
- Vous aviez évoqué en début d'interview la co-organisation du Maroc de la Coupe du Monde 2030. Quels sont, selon vous, les chantiers prioritaires qu'il faudrait travailler en perspective de cette échéance mondiale ?
2030 est une échéance importante pour le Maroc et ses programmes de développement. C'est un point d'ancrage qui permet de se fixer un cap et une ambition. Le Maroc devra se préparer à être de nouveau, comme aujourd'hui, sous le feu des projecteurs.
Il y a évidemment toute l'infrastructure qui va être nécessaire pour accueillir cet événement mondial. Je pense aux infrastructures sportives, mais aussi de transport, comme le projet d'extension de la Ligne à grande vitesse (LGV) jusqu'à Marrakech puis Agadir.
Les sujets comme l'intégration des énergies renouvelables sont tout aussi importants. Il est certain que le Maroc a des ambitions pour 2030. Ça permettra de s'assurer qu'elles sont tenues ou même peut-être dépassées d'ici là. Nous verrons quelle image le Maroc voudrait projeter en 2030.
- Justement, comment prévoyez-vous cette image ?
Je pense que c'est l'image d'un pays qui est leader sur la transition énergétique. D'un pays qui est un point d'entrée et un pont entre l'Europe et l'Afrique.
Un pays qui a des infrastructures de niveau mondial. Et un pays où je pense que l'enjeu sera aussi sur des sujets d'inclusion.