Des regroupements de femmes, jeunes et la société civile ont échangé le samedi 14 octobre avec une délégation de la MONUSCO sur la fermeture de la base militaire et les bureaux de l'antenne de Lubero, dans la province du Nord-Kivu. Ces échanges visaient à recueillir les recommandations des communautés de base sur les projets qui peuvent être mis en place, pour pérenniser les acquis de la présence de la MONUSCO dans la zone.
Plusieurs recommandations ont été émises par les participants à la rencontre. Parmi celles-ci :
Créer un centre de formation professionnelle pour occuper les jeunes et leur retirer l'alibi selon lequel ils rejoignent souvent les groupes armés par manque d'occupations.
Plaider pour le renforcement des effectifs et capacités opérationnelles de la PNC et des FARDC.
Afin d'éviter des rumeurs et la désinformation, la communauté souhaite que les mouvements des équipes qui vont travailler au déménagement ne se fassent uniquement que pendant la journée.
Sensibiliser la communauté, "surtout les jeunes", à ces mouvements à venir pour éviter la suspicion et des comportements hostiles envers les convois de la MONUSCO.
Augmenter les sensibilisations à la lutte contre la désinformation, pour limiter les dégâts et la manipulation.
Renforcer les capacités des médias pour continuer à mener la bataille contre la désinformation et les discours de haine.
Regrets
Regrets et déception, sont les sentiments qui ressortent de cet échange entre la délégation de la MONUSCO et des responsables des différentes structures de défense des droits des femmes, de la jeunesse et de la société civile de Lubero. D'emblée, la délégation de la MONUSCO a fait remarquer que la Mission onusienne est arrivée en RDC à la demande du Gouvernement congolais, et qu'elle se retire à la suite de la demande du même Gouvernement. Mais pour les participants à cette réunion, cette fermeture annoncée de la base militaire de la MONUSCO à Lubero est prématurée.
John Kambale, coordonnateur de AJADERU/Kirumba estime, par exemple, qu'il est urgent de mettre en place des dispositifs pour pérenniser les acquis sécuritaires, notamment des alertes, pour mieux sécuriser la population. Il note aussi que la MONUSCO part alors que le Programme de désarmement, démobilisation et relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS) n'a pas encore démarré à Lubero. Cet acteur de la société civile fait aussi remarquer que la base militaire de Mulo ferme alors que l'autorité de l'Etat n'est pas encore restaurée et que des groupes armés écument une bonne partie du territoire.
« Ce que nous subissons aujourd'hui est le fruit de la manipulation de politiciens. Le tableau est sombre, la situation sécuritaire est passée du vert au rouge. Pour accéder à leurs champs, les agriculteurs sont obligés par les miliciens de payer 1 000 francs congolais pour certains, 10 voire 50 USD pour d'autres, en fonction du type de champs qu'ils possèdent. La situation est sombre dans le territoire de Lubero qui semble avoir été sacrifié par les politiciens. Au lieu de voir le nombre de groupes armés se réduire, ici, on assiste plutôt à une multiplication de ces groupes armés. Je peux vous dire que 80 à 90% du territoire de Lubero est sous le contrôle des groupes armés », a fait remarquer John Kambale.
Des infrastructures qui soulagent la population
Jackson Mumbere, président de la société civile noyau de Lubero préfère retenir les réalisations de la MONUSCO dans la zone. Entre autres, la construction d'infrastructures d'intérêt commun comme des marchés publics, la réhabilitation de routes, la construction des maisons de formation pour les femmes, ... mais pas que.
« Depuis l'installation de cette base de la MONUSCO à Lubero, il y a eu une franche collaboration entre la population et la MONUSCO. La mission nous a servi de pont entre nous, civils et les autorités. Elle nous a formés sur le système d'alerte précoce, protection des civils, droits de l'homme, plaidoyer, dialogue communautaire, résolution pacifique des conflits, ... », a détaillé Jackson Mumbere.
Pour Bernadette Kurhabe, vice-présidente du Conseil territorial de la jeunesse, sa structure avait encore besoin de la MONUSCO pour certaines formations.
« Sincèrement, pour nous, femmes, c'est douloureux, car la MONUSCO a tellement aidé les femmes ici. Je prends seulement le cas des différentes formations dont nous avons bénéficié, de la construction d'une maison pour les femmes, nous qui n'avions pas d'endroit où nous rencontrer, des marchés grâce auxquels nous ne subissons plus des intempéries aujourd'hui », a-t-elle ajouté.
Au 31 décembre 2023, il n'y aura plus une présence du personnel de la MONUSCO dans l'antenne de Lubero.