Le manque d'effectifs dans la santé publique préoccupe depuis le Covid-19 et risque de s'aggraver au fil des années. Entre la migration de certains et le «Continuous Professional Development» en vigueur depuis juillet, plusieurs tirent la sonnette d'alarme.
Le manque d'effectifs dans les centres de santé publics est bel et bien une réalité aujourd'hui. Ce ne sont pas les nombreux syndicats du secteur qui diront le contraire. D'ailleurs, le ministère de la Santé a récemment concédé que le manque d'infirmiers est un vrai problème, expliquant qu'il avait du mal à recruter en sus des départs à la retraite et des décès. Du côté des principaux concernés, cependant, les raisons sont diverses.
Premièrement, explique Bholanath Jeewuth, secrétaire de la Nurses' Union, le manque se fait surtout sentir lorsqu'il faut faire des heures supplémentaires. «Nous avons un système de banque de personnes et nous n'avons plus beaucoup de monde pour les faire...» Il abonde dans le même sens que le ministère en disant qu'il y a eu des recrutements mais ce n'est pas suffisant. De plus, ajoute-t-il, des centaines de personnes ont tout quitté pour recommencer à l'étranger. «Il y a eu un exode vers le Canada, l'Angleterre ou plus récemment vers l'Irlande.» Et ce n'est que le début car l'Angleterre ne demande plus de passer les examens d'IELTS (International English Language Testing System) pour être éligible. «Ce qui rend le recrutement plus facile et accessible pour les infirmiers mauriciens.»
Rashid Goolamally, président de la Senior Nursing Staff Association, va plus loin. Il parle d'une différence immense dans le salaire d'un infirmier du public et celui du privé. Outre ceux qui émigrent, d'autres migrent vers des cliniques privées. «Le salaire de base d'un infirmier dans le public est de Rs 19 525, alors que dans le privé, il avoisine les Rs 30 000. Nous avons soumis nos recommandations au PRB et suggéré que notre salaire de base soit aligné sur celui du privé.»
Il explique également que le «burn-out» du personnel est une triste réalité qui aurait poussé nombre d'entre eux à démissionner récemment. «Selon les dernières informations obtenues, ceux travaillant dans le shift du soir sont stressés et développent l'hypertension.» Durant ce shift, il arrive qu'il n'y ait que deux à trois infirmiers par salle, indique le syndicaliste. «Beaucoup préfèrent prendre leur congé ou sont absents pour cause de maladie. Faites un constat dans plusieurs hôpitaux et vous verrez la situation.»
Mais ce qui est source de réelle inquiétude, c'est l'entrée en vigueur des «regulations» sous la Nursing Council Act concernant le Continuous Professional Development (CPD) depuis juillet. Le CPD est obligatoire pour les infirmiers et sages-femmes. Comme les médecins, ils doivent avoir dix points par année pour que leur licence soit renouvelée. Cette année, exceptionnellement, ils doivent obtenir cinq points pour pouvoir exercer après janvier 2024. Ce qui n'est pas chose facile, car il n'y aurait eu aucune information officielle sur cette nouvelle mesure. «Chaque hôpital essaie tant bien que mal de faire des cours, mais ce n'est pas bien structuré. À Rodrigues, par exemple, cela crée la panique chez nos collègues qui peinent à comptabiliser leurs points. Ki pou arivé si pa rési gagn sa sink pwin-la? Nou pou rétrouv nou ek bann infirmié ki pa pou kapav exersé lané prosenn. Donc, encore moins de personnel dans le public.»
Le président de la Senior Nursing Staff Association explique que le problème avec le CPD est que le personnel doit suivre ces cours obligatoires dans leurs jours de congé. Un fardeau et du stress additionnel pour les infirmiers. Des centaines d'autres n'arrivent pas à avoir les cours. «À notre niveau, on donne des cours le premier et le troisième samedi du mois qui accommode chacun 80 personnes. Tous n'arrivent pas à trouver une session. Le Nursing Council devrait mettre en place une bonne structure pour que tous puissent suivre ces cours...»
Cependant, le président du Nursing Council, Dhunraj Foolchand, estime qu'il n'y a aucun problème avec le CPD car cette année, «près de 95 % des infirmiers ont presque eu leurs cinq points...» «L'année prochaine, ajoute-t-il, le Nursing Council ne sera pas engagé dans cette démarche et ce sera aux établissements de santé de continuer sur le modèle du Medical Council en ce sens.»
En chiffres : 4 400 infirmiers pour 3 800 médecins
Selon les derniers chiffres officiels (voir tableau), le pays comptait 4 400 infirmiers contre 3 800 médecins en 2022. «Ce qui démontre un grand manque d'infirmiers car chaque médecin doit être attaché à trois infirmiers - ratio 1:3 adopté dans plusieurs pays - qui n'est pas respecté à Maurice», expliquent nos sources. Sur les 4 400 infirmiers, au moins 200 à 300 ne sont plus dans le domaine ou sont déjà partis exercer à l'étranger.
Nursing council : Les Rs 654 100 de la discorde
Les dépenses du Nursing Council pour l'année 2022 font jaser avec une somme de Rs 654 100 comme la «chairperson allowance». Son président, Dhunraj Foolchand, qui en est à son quatrième mandat, a-t-il touché une telle somme en un an ? se demandent plusieurs. Selon lui, il n'en est rien. «Je reçois Rs 13 000 comme allocation par mois. Ces Rs 654 100 sont pour tous les membres du conseil, pas juste pour moi.» Selon lui, avec les élections prévues le 14 octobre, ses adversaires essaieraient de lui nuire. «Toutes les dépenses sont approuvées par le board. Vous pouvez vérifier. Je ne sais pas comment un tel document confidentiel a pu fuiter...»