Ile Maurice: La réplique de Pravind Jugnauth

La dernière hausse des prix des carburants, qui fait gronder la rue, vient confirmer, s'il le fallait, que les élections générales ne sont aucunement «derrière la porte». Dans un contexte où la douloureuse inflation frappe les différentes franges de l'électorat à différents niveaux, il devient clair que le gouvernement ne souhaite pas les affronter sans avoir desserré la ceinture et délié les cordons de sa bourse. Pour le moment, ce n'est pas possible. Les indicateurs macroéconomiques et le contexte mondial ne sont pas favorables.

D'ailleurs, face aux 7 000 retraités réunis dimanche au centre Swami Vivekananda, le Premier ministre a maintenu la promesse de Rs 13 500 de pension de vieillesse, sans toutefois préciser l'échéance de cette augmentation. En mobilisant 142 autobus pour faire converger les vieux des quatre coins du pays à Pailles, Pravind Jugnauth donne la réplique aux partis de l'opposition parlementaire qui pensent avoir le vent en poupe en termes de mobilisation, surtout après Mare-d'Albert et Centre-de-Flacq.

En ciblant les 260 000 membres du troisième âge que compte Maurice, le gouvernement a compris que, davantage que les autres franges ou segments de l'électorat, les vieux ne sont pas des idéologues, encore moins des die-hard, mais sont avant tout des pragmatiques, qui ont besoin de pouvoir vivre confortablement, sans avoir à dépendre de leurs proches. Pour les convaincre, il est préférable de leur donner une brioche, des fruits, une perspective en termes de revenus mensuels et de mesures sociales, au lieu de leur donner un take-away de briani, souvent froid et huileux, qui n'est pas en adéquation avec le discours premier ministériel selon lequel il faut vivre sainement en s'adonnant au sport.

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Profitant de la forte présence des aînés, Pravind Jugnauth a tenté d'orienter l'opinion par rapport à l'affaire Suren Dayal qui est devant le Privy Council, et qui pourrait être une épine dans son pied. Mais, en bon opportuniste, le PM s'est réfugié derrière le bouclier social et moral : «L'opposition ne veut pas qu'on vous donne davantage d'argent. Ils appellent cela un "bribe electoral". La Cour suprême les a déboutés, mais ils ont porté l'affaire devant le Privy Council et tentent de faire croire que vous seriez corrompus...»

Hormis la décision imminente du Privy Council, sur laquelle il n'a aucune prise, d'où son irritation manifeste lorsque ce sujet est évoqué, Pravind Jugnauth détient un avantage incontestable sur ses adversaires : il est le seul à choisir la date des prochaines élections, prévues vraisemblablement soit à la fin de 2024, soit en début de 2025. Son dernier remaniement ministériel, en demi-teinte, est un trompe-l'oeil. Il a choisi de ne pas froisser grand monde au sein de son équipe, avec un Maneesh Gobin qui grimpe (!) dans la hiérarchie gouvernementale, grâce au portefeuille des Affaires étrangères, qui s'avère, en fait, une véritable sinécure pour ministres problématiques (comme jadis Lutchmeenaraidoo ou Bodha).

Au coeur du dilemme actuel, et indépendamment de l'émergence de nouveaux acteurs sur la scène politique, se trouve une question dominante : Jugnauth sera-t-il capable de maintenir le pouvoir ou Navin Ramgoolam parviendra-til à guider l'alliance PTr-MMM-PMSD vers la victoire ? Les troisième, quatrième et cinquième forces semblent incapables de s'unir en raison des ego surdimensionnés de chaque côté, même si certains analystes tendent à surestimer, sur le papier, les forces éparpillées de la doctrine «Ni Pravind, ni Navin».

Le Sun Trust, entre-temps, va jouer toutes ses cartes pour ne pas perdre le pouvoir. De la marche à pied pour tous aux mesures répressives contre les opposants, de la perversion des institutions et des socioculturels aux annonces ministérielles sur les développements infrastructurels et l'obéissance accrue de la MBC, tout indique que la véritable bataille se prépare avec minutie. Avec des moyens encore plus vastes qu'en 2019, grâce au soutien des Indiens et aux promesses d'un bail renégocié pour Diego Garcia, qui se chiffrerait en milliards de dollars.

La gouvernance MSM aspire à renforcer sa base dans les circonscriptions 4-14, tout en tentant de briser l'élan de l'opposition dans les zones urbaines. Derrière le remaniement ministériel se profile une stratégie qui va bien au-delà de la simple «stag party» de Grand-Bassin. Il s'agit principalement de renforcer la caste Vaish, majoritaire au pouvoir, tant au niveau central que sur le terrain électoral. Cependant, Rajanah Dhaliah, arrêté par l'ICAC pour trafic d'influence, n'aurait pas l'intention de tomber seul. Bien qu'il ait perdu son siège de PPS, il demeure député du MSM.

Au sein du parti, l'on ajoute que l'exclusion d'Ivan Collendavelloo du cabinet et la mise à l'écart de son parti révèlent que Pravind Jugnauth a décidé de faire une croix sur le ML au profit du duo Ganoo-Obeegadoo, en privilégiant particulièrement Ganoo en raison de son ancrage dans la circonscription n°14. Pravind Jugnauth a un plan de bataille pratiquement fignolé et sait déjà sur qui il peut compter pour la bataille ultime. Il risque non seulement le PMO, mais joue aussi et surtout son avenir et celui de sa dynastie.

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