Congo-Kinshasa: Les échographes portables donnent de l'espoir aux femmes enceintes en pleine crise

PROVINCE DU NORD-KIVU, République démocratique du Congo - « Ici, la plupart des femmes n'ont jamais passé d'échographie de leur vie, même si elles ont en moyenne accouché plus de cinq fois chacune », explique Charmante Sibamza, sage-femme à Nyiragongo, dans la province du Nord-Kivu.

Plus de 20 femmes enceintes attendent sur des bancs au centre de santé de Kanyaruchinya pour bénéficier de consultations avec l'une des deux sages-femmes présentes. On ressent l'enthousiasme de ces femmes, car les sages-femmes ont auparavant animé une session de groupe expliquant l'importance de ces consultations, et notamment du nouvel échographe portable.

« C'est mon septième accouchement, mais c'est la première fois que je passe une échographie », raconte Anita Bosco, 35 ans, qui regarde très attentivement les images sur l'écran d'un téléphone portable.

« Je suis ravie d'apprendre que je vais avoir des jumeaux, mais aussi de connaître la date de mon terme. Je vais pouvoir mieux préparer la naissance de mes bébés [...] et je vais devoir trouver de nouvelles ressources car la famille s'agrandit vite ! »

Le mari de Mme Bosco a perdu son emploi : il transportait des produits à vélo, mais l'insécurité grandissante due à la crise que traverse actuellement la République démocratique du Congo rend tout déplacement beaucoup trop dangereux. À cause de sa grossesse, Mme Bosco ne peut plus aider sa famille en vendant du charbon en bord de route comme elle le faisait.

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Comme beaucoup de personnes de sa communauté, cette situation l'a rendue très vulnérable, et les services gratuits que propose le centre offrent un répit bien rare. Ce centre est soutenu par l'UNFPA, l'Agence des Nations Unies en charge de la santé sexuelle et reproductive.

Dans les provinces orientales d'Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, le conflit en cours a forcé près de 5,5 millions de personnes à fuir leur domicile ; parmi elles, on compte 220 000 femmes enceintes qui n'ont qu'un accès très limité aux soins de santé les plus essentiels, une situation qui peut mettre leur vie en danger.

Des soins de santé humanitaires sur mesure

Le centre de santé de Kanyaruchinya est situé près du camp de fortune de Bujari, dans les environs de Goma, installé pour les personnes déplacées par les violences en forte hausse dans l'est du pays. Des services de santé sexuelle et reproductive, notamment des soins obstétricaux d'urgence, de la planification familiale et une aide en cas de viol, sont proposés aux femmes et aux filles issues tant des communautés réfugiées que des communautés d'accueil. La plupart d'entre elles ont été déracinées de nombreuses fois et ont des revenus très faibles.

Les échographes sont une version simplifiée des appareils habituellement présents dans les maternités. Comme ils fonctionnent via un téléphone portable connecté à une sonde, ce sont des appareils légers et portables très adaptés aux contextes humanitaires précaires, dans lesquels l'électricité est souvent rare et peu fiable, et l'accès aux établissements de santé médiocre voire inexistant.

Mme Sibamza, qui fait partie des 15 prestataires de santé qualifié·e·s du centre, utilise les échographes dans les établissements de santé et dans trois cliniques mobiles déjà mises en place par l'UNFPA sur les sites de déplacement du Nord-Kivu.

« Cela permettra de réduire les décès maternels », explique-t-elle. « Ces appareils aident à détecter les problèmes éventuels pendant la grossesse ou l'accouchement, et de prendre des décisions adaptées. »

Nikamiye Twiyombe, 35 ans, fait partie de celles qui ont fui et sont déplacées à l'intérieur de leur propre pays ; elle a abandonné sa maison du village de Kibumba et a marché huit heures pour rejoindre le camp de Kanyaruchinya, où elle est actuellement réfugiée avec des dizaines de milliers d'autres personnes.

Pour Mme Twiyombe, avoir accès à une technologie de ce genre en plein milieu d'un camp pour personnes déplacées est une source de réconfort bienvenue.

« C'est la première fois que je passe un examen avec cette machine », dit-elle. « On m'a montré que le bébé bouge, qu'il est vivant, et on m'a donné la date de mon terme, en octobre. »

Aider les femmes et les filles les plus vulnérables

Financées par le Japon, ces six échographes ont permis d'effectuer plus de 600 examens depuis leur lancement en juin 2023. Au premier semestre 2023, le centre de santé a reçu près de 2 200 femmes pour des consultations prénatales et a enregistré plus de 1 100 naissances, encadrées par du personnel qualifié.

« Je suis vraiment heureuse », déclare Mme Twiyombe à l'UNFPA. « La grossesse est un moment d'incertitude, mais grâce à cet appareil, je suis rassurée : j'ai vu le bébé bouger de mes propres yeux. »

Le centre de santé de Kanyaruchinya permet de combler des lacunes dangereuses dans la santé maternelle en République démocratique du Congo, en particulier dans les zones ravagées par le conflit. Le pays présentait déjà l'un des taux de mortalité maternelle les plus élevés du monde avant la crise actuelle - on y compte en effet trois femmes qui meurent toutes les heures de complications liées à la grossesse ou à l'accouchement.

L'UNFPA reste présente sur le terrain pour améliorer les conditions de vie de millions de femmes et de filles, et a lancé un appel à financements de plus de 18 millions de dollars avant la fin 2023, afin de renforcer les services de santé reproductive et de prévenir et prendre en charge la flambée de violences sexuelles dans les provinces orientales.

À ce jour, un cinquième seulement de cet appel a été honoré.

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