Au Mali, le départ de la Minusma de ses camps situés dans la région de Kidal donne lieu à des batailles sur le terrain, c'est le cas autour de la base de Tessalit, avec des échanges de tirs lundi et ce mardi matin entre l'armée malienne et les rebelles du Cadre stratégique permanent. Mais l'affrontement se joue également dans les couloirs diplomatiques maliens et onusiens. Explications.
C'est le quatrième vol de l'armée malienne qui atterrit à Tessalit depuis le jeudi 12 octobre 2023. L'armée achemine par les airs ses renforts : soldats maliens, supplétifs de Wagner, véhicules et matériel.
Comme le lundi 16 octobre, de source onusienne, l'avion Fama s'est posé vers 6h30 avant de redécoller un quart d'heure plus tard, malgré les tirs des rebelles du CSP positionnés autour de la base, et en bénéficiant indirectement de la présence de la Minusma, en charge de la sécurité de la piste, et qui n'avait pas été avertie de l'arrivée de cet avion.
L'armée malienne et la Minusma, qui disposent de leurs camps respectifs et mitoyens à Tessalit, se partagent l'utilisation de la piste.
Désengagement en cours à Tessalit et Aguelhoc
La Minusma a annoncé lundi soir avoir « entamé », « dans un climat de haute tension », son retrait des bases de Tessalit et Aguelhoc.
Aucun détail sur les modalités ni sur la date à laquelle ce retrait en cours doit être achevé, afin de ne pas nuire à la sécurité des troupes. Une source onusienne précise toutefois que « la priorité, ce sont les hommes puis, si possible, le matériel sensible » et « par voie aérienne, pas le choix ».
La Minusma envisage aussi d'« accélérer » son départ de la base de Kidal, le fief des groupes rebelles, « prévu à l'origine pour la mi-novembre ».
Dans un communiqué distinct publié hier, les Nations unies indiquent avoir « intensifié » leurs contacts avec les autorités maliennes de transition pour leur faire part de leurs « préoccupations » et « souligner leur responsabilité s'agissant de la sécurité des casques bleus » pour ce désengagement.
« Respecter le plan de retrait »
De son côté, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, tape du poing sur la table et rappelle à la Minusma son « obligation de respecter scrupuleusement le plan de retrait » et les délais fixés. C'est ce qu'il a répété dans une « note d'information » diffusée hier soir, assurant également que « le gouvernement coopère pleinement avec les Nations unies, notamment en ce qui concerne les autorisations pour les convois logistiques en appui au désengagement ».
Convois bloqués par les autorités
Pourtant, dans la même note, le ministre justifie le blocage, à Gao, de convois pour lesquels la Minusma attend des autorisations depuis le 24 septembre, comme l'avait déjà déploré la Minusma pendant le week-end.
Abdoulaye Diop invoque « la situation sécuritaire » et conclut avec intransigeance : « Les autorisations seront délivrées en fonction des améliorations constatées. »
Ces convois sont censés transporter du matériel onusien - véhicules et armements notamment -appartenant aux pays contributeurs de troupes. En l'occurrence, en grande partie, au Tchad.
Si ces équipements n'étaient pas rapatriés dans leur pays d'origine dans les délais, l'armée malienne pourrait espérer en récupérer une partie. Les armes, elles, c'est la règle onusienne, devraient être détruites. L'avenir de ce matériel est donc un enjeu immédiat.
« Bouclier »
La présence des casques bleus à Tessalit, Aguelhoc et Kidal, en est un autre. L'armée malienne compte récupérer ces emprises au nom de la souveraineté nationale. Les rebelles du CSP veulent l'en empêcher en vertu des dispositions de l'accord de paix de 2015. Dans ce contexte, les deux belligérants se livrent à une bataille en forme de course pour la récupération de ces bases. Une course ponctuée d'affrontements - le CSP a attaqué plusieurs camps militaires maliens ces dernières semaines - et de simples échanges de tirs - comme hier et ce matin à Tessalit, où la présence de la Minusma retient toute offensive rebelle. « Ils se servent de la Minusma comme bouclier », commente avec colère un cadre onusien.
Une analyse partagée par les rebelles du CSP, qui vont toutefois plus loin puisqu'ils perçoivent les retards déjà accumulés dans le retrait des Casques bleus et l'arrivée de mercenaires de Wagner à Tessalit comme une forme de « complicité » de la mission onusienne.
Nations unies, autorités maliennes de transition et rebelles du CSP n'ont donc pas les mêmes objectifs mais ils partagent au moins un message immédiat : tous affichent leur volonté que le départ de la Minusma de la région de Kidal se fasse au plus vite.