La pandémie de Covid-19 a inauguré la période la plus sombre de ce 21e siècle, tuant près de 7 millions de personnes et plongeant le monde dans sa plus grave crise économique depuis la Seconde Guerre monde. Paradoxalement, jamais la solidarité mondiale n'a été aussi forte. C'était une période de paix. Du moins en apparence. Car, dans les pays traditionnellement affectés par les conflits armés, le feu couvait sous les cendres. Les réponses apportées par les États face à la Covid-19 contenaient les germes de la discrimination et nourrissaient l'antagonisme.
En Israël, le sentiment anti-Palestinien s'est exacerbé. Cela s'est vérifié lors du programme de vaccination contre le coronavirus. En janvier 2021, Amnesty International tirait la sonnette d'alarme, rappelant à Israël qu'il ne pouvait ignorer ses obligations internationales et devait s'assurer que les vaccins sont distribués dans les territoires occupés de Cisjordanie et de Gaza. Au total, on estimait que les 5 millions de Palestiniens en Cisjordanie et vivant dans la bande de Gaza n'étaient pas encore vaccinés alors que la couverture vaccinale en Israël était, à l'époque, considérée comme étant la plus élevée au monde.
En mai 2021, une fois encore, les Palestiniens étaient persécutés. Cette fois-ci, dans la région de Jérusalem-Est, plus d'un millier de Palestiniens étaient expulsés de leurs maisons pour permettre l'expansion des colonies israéliennes et ce, sur la base d'une loi archaïque remontant à 1950 adoptée dans le sillage de la première guerre israélo-arabe de 1948 et qui interdit aux Palestiniens de récupérer leurs propriétés perdues durant ce conflit. Malgré les cris d'orfraie des Nations unies sur la violation du droit international qu'implique une telle démarche, les opprimés se sont retrouvés à la rue.
Bien entendu, rien ne saurait justifier le déchaînement de violence de la part des combattants du Hamas qui, le 7 octobre, ont déclenché l'opération «Déluge Al-Aqsa», lançant 5 000 roquettes en direction d'Israël, infiltrant le pays, massacrant tout sur leur passage et prenant quelque 150 otages. La riposte israélienne orchestrée par le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, mué en chef de guerre, a été tout aussi sanglante. L'opération «Épées de fer» a jusqu'ici fait plus de 2 400 morts à Gaza, majoritairement des civils transformés en chairs à canon, et provoqué le déplacement de plus de 1 million d'autochtones. Si bien que les États-Unis, alliés traditionnels d'Israël, ont demandé au Tsahal, l'armée israélienne, de «respecter les règles de la guerre».
Alors que les forces terrestres composées de 300 000 soldats s'apprêtent à marcher sur l'enclave palestinienne pour débusquer les combattants du Hamas, la tension est à son paroxysme au Proche-Orient. La principale crainte, c'est que le Hezbollah, faction terroriste proche du Hamas et sur lequel reposent des suspicions d'avoir lancé des roquettes sur des positions stratégiques du Tsahal à partir du Liban, ne décide d'entrer dans ce conflit armé.
Outre les pertes de vies humaines, l'embrasement au Proche-Orient pourrait avoir de lourdes répercussions économiques. En fin de semaine dernière, la directrice générale du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva, a soutenu que cette guerre constitue «un nouveau nuage dans un horizon déjà peu ensoleillé». Ce conflit, a-t-elle prévenu, pourrait représenter une sérieuse menace pour l'économie mondiale.
L'une des premières conséquences de conflit entre Israël et le Hamas, c'est la flambée des cours pétroliers. Depuis le 7 octobre, le prix du baril a grimpé de près de 6 % et oscillait autour des 90 dollars en début de semaine. Certes, il ne s'agit pas d'une hausse fulgurante car, pour le moment, le conflit se limite à la région de Gaza. Les pays limitrophes comme l'Égypte et la Jordanie semblent vouloir observer une position de neutralité, mais si l'axe de la résistance Hamas-Hezbollah se précise, le conflit pourrait prendre une toute autre envergure et s'étendre au Liban, voire jusqu'à l'Iran. Pour Phil Flynn, Senior Energy Analyst de Price Futures Group, la récente déclaration du numéro 2 du Hezbollah est inquiétante et laisse à penser que ce mouvement pourrait prochainement passer à l'offensive.
Au niveau du cabinet Excel Futures, on estime que si l'on découvre que l'Iran a participé à l'attaque du Hamas, cela pourrait entraîner des représailles. «Je ne pense pas que les États-Unis vont attaquer l'Iran, mais Israël le pourrait», évoque Mark Waggoner, analyste d'Excel Futures. D'un point de vue politico-financier, la crise au Proche-Orient profite à l'Iran, qui produit quelque 3,5 millions de barils par jour et, à ce titre, va encaisser gros dans l'éventualité d'une flambée des cours pétroliers.
Même si, à ce stade, la perspective d'un baril à 100 dollars n'est pas d'actualité, il n'en demeure pas moins que le prix actuel du pétrole reste préjudiciable pour Maurice, notamment du point de vue de notre balance courante. L'autre source d'inquiétude, c'est que la zone du conflit ne se propage comme une traînée de poudre ; ce risque est réel ! D'ailleurs, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, n'écarte pas le scénario catastrophe d'un embrasement de toute la région. Cela pourrait alors donner lieu à un ralentissement des activités cargo dans le canal de Suez. Compte tenu du fait que plus de 1 000 millions de tonnes de marchandises sont acheminées via le canal de Suez par an, un éventuel ralentissement au niveau de cette route maritime, voire son blocage, pourrait faire repartir à la hausse les prix du fret, que ce soit au départ de l'Asie, de l'Europe ou des États-Unis. De plus, le temps de transit risque d'être allongé d'une trentaine de jours, avec un impact sur le prix du fret. Il faut également savoir qu'environ la moitié des exportations à destination de l'Union européenne passent par le canal de Suez.
Par ailleurs, certains analystes craignent que le conflit israélo-palestinien ne vienne créer encore plus d'incertitudes sur les marchés financiers avec pour finalité que cela renforce le statut du dollar comme valeur refuge. Un tel scénario implique que les produits importés par Maurice vont se renchérir. À un moment où l'inflation montre des signes d'un affaiblissement avec Statistics Mauritius anticipant un taux d'inflation de 7,2 % pour 2023, on se serait bien fait l'économie d'une nouvelle flambée des prix !