Cameroun: Scandale financier à l'hôtel Hilton de Yaoundé - Un ancien employé accusé de malversations

18 Octobre 2023

L'établissement hôtelier accuse son ex employé d'avoir organisé des malversations financières ayant entrainé des pertes financières importantes. Le mis en cause, qui clame son innocence, aurait perverti un système offrant des gratifications aux clients de la chaine hôtelière à travers le monde. La conjoncture provoquée par la crise du Covid 19 à l'origine de la découverte du scandale.

Daniel Soppo Lobe est dans de sales draps. Ancien employé du prestigieux hôtel Hilton de Yaoundé, il a été traduit en justice par son employeur. Ce dernier lui reproche des faits qualifiés d'abus de confiance aggravé, notamment le fait pour lui d'avoir spolié l'hôtel Hilton de Yaoundé d'un montant de 47,6 millions de francs. Cette somme représente des avantages financiers prétendument offerts à des clients fictifs au moment où l'activité de l'entreprise était pourtant au ralenti.

Le mis en cause, qui est privé de liberté depuis plusieurs années, plaide non coupable. Le 29 septembre 2023, le Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi, qui connait de cette affaire, a ouvert les débats publics en présence des deux parties opposées au procès ainsi que de leurs avocats respectifs. Le mis en cause n'a pas encore donné sa version des faits.

Joseph Adong, le directeur financier et représentant de l'hôtel Hilton à cette audience, a relaté au tribunal les faits au centre de la présente procédure. De son récit, il ressort que Daniel Soppo Lobe a été recruté à l'hôtel Hilton de Yaoundé en qualité de réceptionniste. Il était chargé d'assurer le confort des clients et de leur proposer des prestations offertes par l'hôtel. Au moment des faits, l'hôtel Hilton de Yaoundé, en accord avec ses partenaires étrangers, s'était connecté au système «H-O Nord» dont le but est de fidéliser la clientèle à travers le réseau Hilton dans le monde entier.

Ce système consiste à distribuer des points aux clients qui séjournent à l'hôtel et organisent des manifestations. «Pour gagner des points, il faut dépenser et se fidéliser. Les points sont convertis en argent et sont valables dans tous les Hôtels Hilton du monde», a déclaré le témoin de l'accusation.

Corona Virus

Le directeur financier de l'hôtel Hilton a expliqué au juge que le système «H-O Nord» est géré par les réceptionnistes titulaires chacun d'un «identifiant» et d'un «mot de passe». «Avant d'entrer dans le système, chaque réceptionniste devait faire entrer son identifiant et son mot de passe. Ils ont alors la possibilité d'attribuer les points à des comptes des clients ayant séjourné à l'hôtel au moins une fois. Et, en fonction des dépenses générées au cours des évènements organisés au sein de l'établissement hôtelier, les clients bénéficiaient d'un pourcentage, payable en nombre de points.»

En octobre 2020, le bureau d'enquête des hôtels Hilton basé au Etats Unis d'Amérique (USA) a détecté un dysfonctionnement du système «H-O Nord» au Hilton de Yaoundé. Il s'agit, explique le témoin, des mouvements indus dans le système de distribution des points pour ce qui est de l'organisation des évènements au sein de l'hôtel. A cette période-là, déclare le témoin, il n'y avait presque plus d'évènements au Hilton de Yaoundé à cause de la pandémie de Corona Virus. L'alerte venue des USA sera l'élément déclencheur d'une enquête contre Daniel Soppo Lobe, le réceptionniste de l'hôtel Hilton.

En effet, selon le directeur financier de l'hôtel Hilton de Yaoundé, il a été découvert au cours de l'enquête que seul l'identifiant et le mot de passe de Daniel Soppo Lobe ont servi à distribuer des points aux clients fictifs. «Les points sont attribués manuellement. Les responsables de l'hôtel se sont aperçu que la distribution des points n'a pas suivi le canal normal. L'accusé a utilisé cette faille pour distribuer des points à des comptes fictifs appartenant à des personnes qui n'ont jamais séjourné à l'hôtel ou organisé un quelconque évènement. Lorsqu'on convertit ces points en argent, Daniel Soppo Lobe a spolié l'hôtel Hilton de Yaoundé à hauteur de 47,6 millions de francs», a conclu le témoin.

Extraits informatiques

Pour soutenir l'accusation, l'avocat de l'hôtel Hilton a versé au dossier de la procédure une pluie de documents présentés comme des pièces à conviction. Ce sont des extraits du système informatique de l'hôtel, qui ont été authentifiés par l'Agence nationale des Technologies de l'information et de communication (Antic), selon l'avocat de l'hôtel. Ces extraits démontreraient les distributions frauduleuses des points imputées à l'accusé.

Interrogé sur ces malversations par sa hiérarchie, a précisé le témoin, Daniel Soppo Lobe n'avait pas pu s'expliquer. Il avait plutôt démissionné avant de fondre dans la nature, jusqu'à ce qu'il soit interpellé au cours de l'enquête et conduit à la prison centrale de Yaoundé Kondengui, où il médite sur son sort depuis tout ce temps.

L'avocat de la défense, qui devrait procéder au contre-interrogatoire du directeur financier du Hilton après que ce dernier ait épuisé les questions de l'avocat de l'hôtel, a sollicité un ajournement de cet exercice, le temps pour lui de prendre connaissance en profondeur des documents présentés aux juges. «C'est une panoplie de documents qui a été produite au tribunal et nous devons les examiner pièce par pièce, avec mon client, afin de mieux préparer sa défense», a soutenu Me Beyas Beyas Jonas, l'avocat de Daniel Soppo Lobe.

La prochaine audience est prévue le 29 décembre 2023, à cette fin. «Nous sommes obligés de respecter les droits de la défense», a sobrement commenté le juge avant d'accéder à la demande de Me Beyas Beyas devant le représentant du Hilton, qui souhaitait manifestement en finir avec le tribunal.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.