Les citoyens réclament « beaucoup plus » d'action climatique de la part des pays riches, du secteur privé ainsi que des dirigeants politiques.
Key findings
- Des proportions significatives d'Africains déclarent que les sécheresses (47%) et les inondations (35%) ont empiré dans leur région au cours de la dernière décennie. o Les citoyens ruraux et pauvres sont particulièrement susceptibles de signaler des sécheresses de plus en plus intenses, tout comme les travailleurs du secteur agricole. Copyright ©Afrobarometer 2023 3 o L'aggravation des sécheresses est la plus préoccupante à Madagascar (86%), au Cabo Verde (80%), au Niger (73%) et en Tunisie (69%), tandis que les inondations plus graves sont le plus souvent signalées au Lesotho (73%), à Maurice (68%), en Gambie (62%) et au Niger (62%).
- En moyenne à travers 39 pays, la moitié environ (51%) des répondants déclarent avoir entendu parler des changements climatiques. o La conscience des changements climatiques varie de 22% en Tunisie à 80% aux Seychelles. Elle est particulièrement faible parmi les citoyens économiquement défavorisés et moins instruits, les résidents ruraux et les femmes.
- Parmi les personnes qui ont conscience des changements climatiques, plus de sept sur 10 (72%) déclarent qu'ils détériorent les conditions de vie dans leur pays. C'est l'opinion majoritaire dans 34 des 39 pays sondés, jusqu'à 91% des citoyens à Madagascar.
- Parmi les personnes qui ont conscience des changements climatiques : o Environ trois quarts des répondants affirment que les citoyens peuvent contribuer à atténuer les changements climatiques (77%) et que leur gouvernement devrait agir dès maintenant pour atténuer les changements climatiques, même à très grands frais (74%). o La plupart des gens attribuent la responsabilité principale de la lutte contre les changements climatiques à leur gouvernement (44%) ou aux citoyens lambda (30%). o De grandes majorités exigent « beaucoup plus » d'actions contre les changements climatiques de la part de leur gouvernement (77%), des pays développés (71%) et du monde des affaires (69%).
- Seul un tiers environ des Africains (36%) déclarent que leur gouvernement s'attaque « plutôt bien » ou « très bien » à la question des changements climatique.
Les changements climatiques sont l'un des défis les plus pressants auxquels l'Afrique est confrontée aujourd'hui. Le continent est responsable de moins de 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais il est l'une des régions les plus vulnérables aux changements climatiques, dont il devrait subir certains des impacts les plus graves (Notre Dame Global Adaptation Initiative, 2023). Selon le dernier rapport du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC) des Nations Unies, des hausses de température imputables aux changements climatiques dus à l'homme ont été détectées dans toute l'Afrique, et plusieurs régions se sont réchauffées plus rapidement que la moyenne mondiale (Trisos et al., 2023). L'élévation du niveau de la mer a rendu les villes d'Afrique de l'Est, de l'Ouest et du Nord particulièrement vulnérables, et les variations des régimes pluviométriques ont aggravé les sécheresses et les inondations sur l'ensemble du continent.
Ces changements ont eu des effets désastreux sur la vie des gens, leurs moyens de subsistance et l'environnement, aggravés par les faibles
capacités d'adaptation de l'Afrique. En 2022, l'Afrique du Nord a été frappée par des chaleurs extrêmes, alimentant des incendies de forêt en Algérie et en Tunisie. La Corne de l'Afrique a connu sa pire sécheresse depuis 40 ans. En Somalie, près de 1,2 million de personnes ont été déplacées en raison des effets catastrophiques de la sécheresse sur les moyens de subsistance des éleveurs et des agriculteurs (Organisation Météorologique Mondiale, 2023). Des cyclones tropicaux ont semé la mort et la destruction au Mozambique et au Malawi (Davies, 2022). Ces répercussions ne se limitent pas aux zones rurales : 70% environ des villes africaines sont très vulnérables aux chocs climatiques (Gu, Gerland, Pelletier & Cohen, 2015 ; Trisos et al., 2023). Les coûts humains des changements climatiques devraient s'accroître au cours des prochaines décennies. Selon le rapport du GIEC, « de nombreux pays africains devraient faire face à des risques aggravés liés à la réduction des productions alimentaires (cultures, élevage et pêche), à la hausse de la mortalité due à la chaleur, à la perte de productivité de la main-d'oeuvre due à la chaleur et aux inondations dues à l'élévation du niveau de la mer, en particulier en Afrique de l'Ouest » (Trisos et al., 2023, p. 1290).
Il urge donc que les pays africains renforcent d'urgence leurs capacités de résistance et d'adaptation aux changements climatiques (Stringer et al., 2023). Cela nécessitera des ressources financières et des interventions coordonnées en Afrique de la part des gouvernements, des entreprises, de la société civile et des citoyens lambda. Malheureusement, les pays développés, qui contribuent le plus au réchauffement de la planète, n'ont pas encore honoré leur promesse de mobiliser des fonds suffisants pour l'action climatique en Afrique (OCDE, 2023). Mais même si les promesses existantes étaient tenues, elles devront être accompagnées d'interventions de la part des pays africains pour atténuer efficacement les effets des changements climatiques.
Lors du récent Sommet Africain sur le Climat (2023) qui s'est tenu à Nairobi, au Kenya, les dirigeants africains ont de nouveau insisté sur la nécessité d'accélérer et d'intensifier les mesures d'adaptation au climat. Le renforcement des capacités nationales à répondre à la gravité croissante des impacts climatiques nécessite l'adhésion des citoyens et des dirigeants politiques (Centre mondial sur l'adaptation, 2023), ce qui dépend de la conscience des changements climatiques et de la compréhension des risques climatiques par le public.
Les résultats du dernier round d'enquêtes menées par Afrobarometer dans 39 pays africains révèlent qu'au cours de la dernière décennie, de nombreux Africains ont connu des sécheresses et des inondations plus sévères. Cependant, ces expériences ne se traduisent pas nécessairement par une plus grande prise de conscience de la menace : Seule la moitié des répondants déclarent avoir entendu parler des changements climatiques.
Parmi les citoyens qui ont conscience des changements climatiques, la plupart attendent de leur gouvernement qu'il prenne l'initiative de s'attaquer à leurs causes et à leurs conséquences, et qu'il le fasse de manière plus décisive qu'il ne l'a fait jusqu'à présent. Ils sont prêts à soutenir les mesures gouvernementales visant à atténuer les changements climatiques, même si elles sont onéreuses ou préjudiciables à l'économie.
Mais les Africains attendent également « beaucoup plus » d'actions en faveur du climat de la part des entreprises et des industries, des pays développés et des citoyens lambda, ce qui montre bien qu'ils considèrent les changements climatiques comme un enjeu commun à toute la planète.
Alfred Kwadzo Torsu Alfred Kwadzo is a student in Michigan State University's master of public policy analysis program and a research assistant for Afrobarometer.
Matthias Krönke Matthias Krönke is a PhD candidate at the University of Cape Town and a researcher in the Afrobarometer Analysis Unit.