MARRAKECH — Les pays africains devraient promouvoir un mouvement de solidarité commun mobilisant l'expertise Sud-Sud qui permettrait d'atteindre une souveraineté sanitaire sur le continent.
C'est l'une des résolutions formulées par les participants à la 2e conférence africaine sur la réduction des risques sanitaires, organisée du 27 au 29 septembre à Marrakech au Maroc.
Les travaux visaient entre autres à développer un cadre africain commun basé sur les expériences des pays et les avis des experts dans le domaine de la santé publique.
"L'esprit de collaboration Sud-Sud, c'est d'utiliser les expertises déjà présentes en Afrique pour résoudre les problèmes de l'Afrique"BRania Mamdouh, professeure de psychiatrie à la Faculté de médecine de l'université du Caires
Selon le ministre marocain de la Santé, Khalid Aït Taleb, l'Afrique a vécu lors de la crise de la COVID-19 « une certaine discrimination dans la gestion des vaccins » et « il n'y a pas lieu que ça se reproduise ».
Au Maroc, ajoute-t-il, « il y a une volonté royale pour une souveraineté sanitaire continentale... L'Afrique ne peut que compter sur elle et aujourd'hui, l'heure de l'Afrique a sonné ».
« Chaque pays a du potentiel qu'il peut mettre en oeuvre et en conjugaison avec les autres, nous pouvons avoir une seule politique [sanitaire], une seule feuille de route qui peut déboucher sur une charte continentale en matière de santé...Nous souhaitons offrir une bonne et meilleure santé aux citoyens africains », conclut Khalid Aït Taleb.
La crise sanitaire qui a ébranlé le monde dès 2020 a surtout montré que le virus n'a pas de frontières, a rappelé Imane Kendili, présidente de l'African Global Health qui co-organisait les travaux en partenariat avec les ministères marocains de la Santé et de l'Agriculture.
« La pandémie a montré que la santé est une affaire de tous. Que ce n'était pas seulement les experts dans leur tour d'ivoire et les politiques dans une tour d'ivoire encore plus grande. C'est main dans la main que nous pouvons tous avancer », déclare-t-elle.
Dès lors, pour que l'Afrique atteigne cette souveraineté sanitaire, Imane Kendili souligne qu'il « est nécessaire d'investir davantage dans la santé, ce qui requiert une action gouvernementale dans chaque pays, mais aussi une contribution internationale de la part des autres continents ».
Elle ajoute qu'une collaboration est également attendue en termes de transfert de technologie et de connaissances préalables acquises dans d'autres parties du monde, afin de promouvoir un plus grand développement continental dans ce domaine.
Rania Mamdouh, professeure de psychiatrie à la Faculté de médecine de l'université du Caire en Egypte, relève que l'Afrique a montré qu'elle avait de l'expertise et de l'expérience.
« Je pense que c'est beaucoup plus logique et pratique d'utiliser notre solution africaine pour résoudre notre problème africain », précise la psychiatre.
« Nous avons plusieurs centres d'excellence et de recherche en Afrique du Sud, au Maroc, en Egypte, en Algérie etc. L'esprit de collaboration Sud-Sud, c'est d'utiliser les expertises déjà présentes en Afrique pour résoudre les problèmes de l'Afrique », renchérit-elle.
Eau, environnement et sécurité alimentaire
Les participants préconisent également une collaboration solide sous la direction de leaders et d'experts africains, tant publics que privés, pour le développement de la santé en Afrique.
Ils prescrivent en outre l'adoption d'une charte panafricaine sur la réduction des risques sanitaires, laquelle intégrerait tous les aspects médicaux, sociaux, économiques et psychologiques liés à la santé des communautés africaines.
Cette conférence était placée sous le thème : « Eau, Environnement et Sécurité alimentaire », trois grands défis que l'Afrique doit également relever.
Cela passe par « l'entraide entre nos nations, par une profonde prise de conscience qu'ensemble, nous sommes à la hauteur des défis de ce siècle », affirme Imane Kendili.
René Yao N'guettia, conseiller spécial du ministre d'État, ministre de l'Agriculture et du Développement rural de Côte d'Ivoire, a surtout retenu qu'il faut tirer une leçon des crises actuelles..
« Compte tenu de la situation en Ukraine et la pandémie, il a été démontré qu'il est plutôt nécessaire d'avoir une production au niveau des Etats. Il a également été proposé d'avoir, en Afrique, une politique commune de production agricole », confie-t-il.
Au sujet de l'accès des populations à l'eau potable, Tchari Koli Malloum, chef de division chargé de la coordination des actions des ONG au Tchad, affirme que la coopération Sud-Sud est « très importante ».
« Quand nous voyons le Maroc, il a une avance significative sur beaucoup de pays. Le Tchad dispose peut-être de plus de ressources en eau que le Maroc, mais l'accès à l'eau potable est très limité », dit-il.
D'où son plaidoyer : « Les technologies dont disposent le Maroc et d'autres pays africains, ils peuvent les partager avec les pays qui n'en disposent pas. Cela pourrait faciliter l'accès à l'eau potable en Afrique ».