A Vélingara, l'on dénombre officiellement 754 personnes dont 518 femmes vivant avec le VIH du Sida. Dans ce lot, figurent des enfants et adolescents malades qui gardent néanmoins la foi de recouvrer un jour la santé.
VELINGARA - Amadou Ly vit trois années interminables à souffrir, englué dans le marais de l'angoisse, entre la maladie qui l'a terrassé là-bas et le monde d'ici où il ne se reconnaît plus. «C'est positif». Ce bout de phrase, une tache indélébile qui habite ses nuits, ses jours, sa vie. Le jeune, la vingtaine entamée, vit une image, une seule, toujours la même, obsédante à l'infini. Celle de l'horreur, d'une rencontre avec le néant... A force de cogiter sur ce fichu virus de VIH (Virus de l'Immunodéficience Humaine), Amadou n'a plus goût à la vie. Il demeure reclus, évasif et ne sort presque plus de la maison familiale nichée au coeur de la commune de Vélingara dans la région de Kolda. Sa seule motivation, le soutien de sa famille. Son espérance, la Miséricorde d'Allah.
«Le croyant doit rendre grâce à Dieu dans la santé comme dans la maladie», glisse-t-il, la voix grelottante, le front plissé. Mais sa plaie du coeur est profonde. Béante. Le moral au plus bas. Assisté par une maman fatiguée, le jeune vélingarois surmonte difficilement ses journées depuis qu'il a été testé positif au Vih Sida. Amadou vit sa sérologie avec foi. «Je m'en remets au Maître du destin. Mais pour dire vrai, mes journées sont devenues cauchemardesques. Je ne vis pas, je m'accroche en réalité» confesse le jeune homme.
A Vélingara, les chiffres sont effarants. Malgré les énormes efforts consentis par les autorités sanitaires pour contrer la maladie, le Sida continue sa poussée. Durant le premier semestre 2022, le District sanitaire de Vélingara a dénombré 754 personnes vivant avec le Vih suivies, dont 20 enfants de 0 à 14 ans, 518 femmes (13 femmes enceintes) et 12 enfants nés de mères séropositives. Selon le Dr Oumar Sané, médecin chef du district sanitaire de Vélingara, en termes de performance médicale, 85 pourcents des personnes vivantes avec le Vih connaissent leur statut sérologique contre 17 pourcents chez les enfants. Il ajoute que 71 pourcents des personnes vivantes avec le Vih qui connaissent leur statut sérologique, sont sous traitement Arv contre 100 pourcents chez les enfants. Toujours selon lui, 90 pourcents des patients sous traitement Arv ont une charge virale indétectable contre 50 pourcents chez les enfants.
Ces statistiques (dé)montrent la poussée virale du Sida dans la zone. La position géographique de Vélingara est un atout commercial. Cependant, cette partie Sud du pays constitue un lieu de transit d'hommes et de femmes très dense grâce à ses deux grands marchés hebdomadaires (Diaobé et Manda Douane). C'est donc un carrefour de brassages, de rencontres et de partages où se croisent différentes nationalités, du Sénégal, des deux Guinées et de la Gambie.
Ce melting-pot fait de Vélingara une zone à risque sanitaire. C'est d'ailleurs un secret de Polichinelle. La région de Kolda fait partie parmi les régions les plus touchées par le Sida dans le pays. Pis, les régions de Kolda et Ziguinchor (1,5 pourcents), Kaffrine (0,9) et Tambacounda (0,8) et Kédougou (0,6) présentent des taux de prévalence au-dessus de la moyenne nationale, selon une enquête du Secrétariat exécutif du Conseil nationale de lutte contre le Sida intitulée : «Situation épidémiologique du VIH au Sénégal 2017-2018».
Depuis la publication de cette enquête, beaucoup de choses ont évolué. Le Dr Oumar Sané, médecin chef du District sanitaire de Vélingara rassure que les résultats de la riposte sont satisfaisants mais reconnaît néanmoins que les défis persistent. Il urge donc, préconise-t-il, d'égaliser et de «pousser» pour l'égalité. Il s'agit, selon lui, de rattraper le retard dans la prise en charge des enfants vivants avec le Vih et d'éliminer la transmission de la mère à l'enfant. Mais aussi et surtout de favoriser l'accès aux soins pour les populations les plus marginalisée et l'accès à l'information pour les jeunes filles et adolescents.
A peine 19 ans, Diari Diallo a vu sa vie basculer. Ses rêves d'enfant s'écrouler comme un château de cartes. Puisque quand le toubib l'a testé positif du Vih Sida, elle ne vit plus comme une personne normale. Pour Diari, tomber malade n'est pas une fatalité. Et en bonne musulmane, elle garde une foi inébranlable. Seulement, geint-elle, c'est l'oeil méfiant de la société qui tue à petit feu les «damnés» du Sida. Diari Diallo : «Je l'ai fait une fois sans me protéger et ça m'a été fatale. Je conseille aux jeunes de se protéger, ou mieux s'abstenir et surtout oser faire le test. J'ai le soutien de mes proches mais il est difficile de surmonter chaque jour qui naisse. Vivre avec une telle maladie est une fatalité». Désormais, la jeune élève dans une école de la place suit son traitement médical et rêve sérieusement de recouvrer définitivement la santé. De reprendre encore le sourire. De (re)vivre...