Tanzanie: Déclaration orale lors de la 77ème Session ordinaire de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples

communiqué de presse

Vos Excellences, Honorable Président, Honorables Commissaires, tous les distingués participants et invités présents,

Nous nous réjouissons de l'opportunité qui nous est donnée de pouvoir échanger avec la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (Commission africaine) lors de sa 77ème session.

Si nous notons des améliorations sur plusieurs questions de droits humains de part et d'autre du continent, notre organisation souhaiterait toutefois souligner aujourd'hui un certain nombre de préoccupations qui, selon nous, devraient faire l'objet d'un suivi attentif par la Commission.

Plus tôt cette année, nous avons publié un rapport examinant comment le déplacement forcé des Chagossiens, un peuple autochtone des îles Chagos, par les États-Unis d'Amérique et le Royaume-Uni, ainsi que la persécution raciale et le blocage continu de leur retour par le Royaume-Uni, constituent tous des crimes contre l'humanité persistants.

Traitant de la persistance de crimes commis dans un contexte de domination coloniale, le rapport appelle en outre ces gouvernements à accorder des réparations complètes, à commencer par le droit au retour des Chagossiens. La question des réparations est un aspect essentiel de la justice pour le peuple chagossien.

Leur expulsion forcée de leurs îles ainsi que la perte de leurs moyens de subsistance a causé de grandes souffrances. Nous invitons le Groupe de travail sur les populations autochtones et la Commission africaine dans son ensemble à appeler à la réparation de ces préjudices historiques persistants, à reconnaître les Chagossiens en tant que peuple autochtone et à aider la communauté chagossienne à reconstruire sa vie sur ses îles d'origine.

En Tanzanie, les autorités ont eu recours à des procédés illégaux, notamment des passages à tabac, des fusillades, des violences sexuelles, des arrestations arbitraires et la réduction des services vitaux de santé et d'éducation, pour expulser de force les communautés maasaï de leurs terres dans le Ngorongoro.

La Commission africaine a exprimé, à juste titre, ses inquiétudes vis-à-vis de la consultation inadéquate menée par le gouvernement auprès des communautés affectées, et a souligné que la participation significative et inclusive de ces communautés devrait être au coeur de tout modèle de préservation.

Il est essentiel que la Commission africaine continue de faire des recommandations spécifiques et respectueuses des droits humains au gouvernement tanzanien en vue de mettre fin à toutes les expulsions et déplacements forcés des communautés maasaï, consulter de manière significative les communautés affectées et garantir le respect de leurs droits à la terre, aux moyens de subsistance et à la culture.

Nous restons par ailleurs profondément préoccupées par la situation humanitaire et des droits humains au Sahel, où des acteurs non-étatiques et étatiques, notamment des groupes islamistes armés, les forces de sécurité nationales, des milices pro-gouvernementales et des mercenaires étrangers, ont bafoué les lois de la guerre en menant des attaques meurtrières contre des civils.

L'absence de responsabilisation pour les crimes graves commis par toutes les parties belligérantes alimente la violence et encourage les auteurs de crimes à en commettre de nouveaux.

Les putschistes militaires dans la région continuent de restreindre les droits fondamentaux, notamment le droit à la liberté d'expression, limitant ainsi la surveillance indépendante de toutes sortes d'abus.

Au Rwanda, nous avons publié un rapport qui documente la répression extraterritoriale de Kigali, qui consiste en un large éventail de tactiques déployées par les autorités rwandaises et leurs intermédiaires pour cibler les détracteurs, réels ou perçus, à l'étranger.

Ces tactiques, qui incluent la violence physique comme les meurtres et les disparitions forcées, la surveillance, le recours abusif aux mécanismes d'application de la loi, le harcèlement en ligne et les abus cruels contre les proches au Rwanda, lorsqu'elles sont utilisées conjointement, forment un écosystème mondial de répression visant à museler les voix dissidentes et à dissuader les détracteurs potentiels.

Nous accueillerons positivement une déclaration de votre institution appelant à la fin complète de la répression extraterritoriale exercée par des membres de l'Union africaine, notamment le Rwanda, et à une enquête à l'échelle du continent sur les cas d'attaques contre des Rwandais à l'étranger.

Le conflit au Soudan entre les Forces armées soudanaises (Sudanese Armed Forces, SAF) et les Forces de soutien rapide (Rapid Support Forces, RSF) préoccupe vivement Human Rights Watch. Depuis le déclenchement du conflit, il y a six mois, les parties belligérantes ont continué à se battre dans des zones densément peuplées, ciblant sans discernement les civils et les biens de caractère civil, détruisant des infrastructures essentielles, notamment de santé, entraînant le déplacement de millions de personnes de la capitale du pays et de ses villes soeurs.

Les attaques à l'arme explosive lourde se poursuivent au moment où nous parlons. Les parties belligérantes bloquent toutes deux un accès humanitaire pourtant essentiel.

Au Darfour occidental, les RSF et les milices arabes alliées ont pris pour cible les Massalits et d'autres communautés non arabes, tuant et blessant des civils - notamment des femmes et des enfants en fuite - et incendiant des villes.

Elles ont commis des violences sexuelles et basées sur le genre contre des femmes et des filles, les ciblant en raison de leur appartenance ethnique et parfois en raison de leur activisme.

La gravité de ces événements nécessite une action urgente de la CADHP, notamment des rapports réguliers sur la situation.

Nous espérons que la Commission recevra un soutien essentiel pour garantir une réponse robuste à la situation, notamment de la part des gouvernements concernés, du Conseil de paix et de sécurité de l'UA et de la société civile.

Nous tenons à remercier la Commission, qui assure un mandat vital en faveur des droits humains sur tout notre continent, pour l'attention accordée à notre déclaration et nous nous réjouissons de la poursuite de notre collaboration.

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