Ile Maurice: Oeuvrer dans l'ombre pour mieux cerner les battements de coeur de l'hôtel

Le 27 octobre, le Sofitel L'Impérial à Flic-en-Flac fêtera son 32e anniversaire. Parmi ses plus anciens employés se trouve Paulette Tang, recrutée dix mois après l'ouverture. Nommée par la suite assistante personnelle du «General Manager», cette littéraire n'a jamais voulu aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte car autant elle apprécie le côté exclusif d'avoir à gérer l'agenda du directeur, autant son poste lui permet d'avoir un regard global sur les opérations. Portrait d'une quinquagénaire bien dans sa tête et surtout dans ses chaussures.

Paulette Tang est une femme discrète, que ce soit dans sa façon de s'exprimer ou dans celle de se mouvoir. Elle n'aime pas attirer l'attention sur elle, si bien qu'elle officie généralement dans le back-office, loin des regards. On sent que c'est dans son tempérament que d'essayer de se fondre dans le décor. D'ailleurs, faire cet exercice avec l'express lui coûte car, dit-elle, «je n'aime pas me mettre en avant» . Or, pour marquer un évènement de cette envergure comme le 32e anniversaire de l'hôtel, elle doit bien consentir à ce «petit sacrifice».

Cette Portlouisienne née Chan et dont la mère Noëllie était journaliste au Chinese Daily News et le père France, originaire de Chine, commerçant, vient d'une fratrie comptant neuf enfants. Paulette Tang a suivi sa scolarité primaire et secondaire au Couvent de Lorette de Port-Louis. Très portée sur la littérature anglaise et française, elle a d'ailleurs opté pour les deux comme matières principales en Form VI , soit un total de 14 textes à étudier, et l'art.

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Vu ses excellents résultats de fin d'études, mère Monique Desvaux, la principale d'alors de l'école, lui a proposé de rester et d'enseigner. Le fait qu'une enseignante parte en congé de maternité l'a incitée à accepter d'effectuer ce remplacement. C'est ainsi qu'elle a enseigné les Social Studies , l'anglais et le français aux élèves de Form I à III et l'art à ceux de Form VI . Paulette Tang a pris tellement de plaisir à enseigner et ses élèves ont donné tellement de bons résultats qu'à la fin du remplacement, on lui a offert un poste permanent d'enseignante. Elle a hésité.

Un monde fascinant

Dans la foulée, cette amoureuse de l'écriture et férue de lecture est tombée sur des articles de presse élogieux annonçant l'ouverture du Sofitel L'Impérial. Elle en a été fascinée. Son cousin, qui était chef au Ming Court, restaurant chinois dans ce palace de Flic-en-Flac, a essayé de la convaincre de postuler au Sofitel L'Impérial car, lui a-t-il dit, les propriétaires taïwanais avaient plusieurs postes à pourvoir, dont celui d'assistante. Le tourisme était à l'époque en plein essor et elle était consciente que c'était un secteur dynamique. Comme elle voulait sortir des quatre murs du couvent, elle s'est dit qu'elle tenterait l'aventure rien que pour deux ans.

Elle a passé l'entretien pour être secrétaire à la restauration car «j'adore la cuisine» et, à sa surprise, elle a été retenue. C'est ainsi que son aventure a commencé au Sofitel L'Impérial. Le directeur d'exploitation de l'époque, le Français Édouard Bon, lui a fait dactylographier les menus pour les clients en anglais, en français et même en allemand, langue qu'elle a apprise. Elle a assisté à diverses réunions liées à la restauration et cet emploi du temps est devenu le sien. Il n'y avait que le long trajet en autobus de Port-Louis à Flic-en-Flac et vice-versa qui la fatiguait. Mais elle a tenu bon car l'hôtellerie lui a ouvert les portes d'un monde fascinant.

Les années ont passé et Paulette Tang, qui cumulait aussi le poste de Liaison Assistant, s'est sentie de plus en plus à l'aise parmi le personnel de l'hôtel. «On était comme une famille.» Au bout de 15 ans, on lui a proposé le poste de Food and Beverage Manager . Épouse et mère comblée de deux enfants en bas âge, elle a bien évidemment cherché conseil auprès de son époux Laval, qui lui exerce comme directeur financier dans un autre hôtel de Flic-en-Flac. D'un commun accord, ils ont décidé qu'elle devait décliner cette promotion afin d'être plus présente auprès de leurs enfants et ainsi mieux veiller à leur éducation et à leur bien-être. Aujourd'hui, leur fille Rebecca a 27 ans et suit les traces de son père alors que leur fils Dean, 24 ans, poursuit une carrière dans l'informatique en Australie.

Un regard de femme

Ce refus c'était quelque part reculer pour mieux sauter car cinq ans après, on lui a proposé le poste de Personal Assistant (PA) du General Manager (GM), offre qu'elle a acceptée. «Je connaissais déjà les rouages de l'hôtel et là, en devenant PA, on devient plus exclusif. On s'occupe de l'agenda du GM mais on a également le regard global. On sait ce qui se passe et on fait la liaison avec tous les chefs de département et on facilite les interactions.» Jusqu'ici, elle a travaillé avec quatre GM : Frédéric Clément, Christophe Carlier, Jolanda Sadni Ziane, qui n'a fait que 18 mois car une promotion l'a ramenée dans son pays d'origine, les Pays-Bas, où elle avait encore de la famille, et Antonio Ferreira de Sousa, qui est encore là et qui a d'abord fait l'ouverture du SO Mauritius de Bel-Ombre avant de venir au Sofitel L'Impérial de Flic-en-Flac. Si Paulette Tang s'est beaucoup enrichie professionnellement au contact de chacun d'eux, elle s'est sentie plus proche de Jolanda Sadni Ziane et d'Antonio Ferreira de Sousa. «Tous ces GM étaient différents mais je dirai que le regard d'une femme est plus subtil. Et puis, j'ai beaucoup apprécié travailler avec Jolanda Sadni Ziane et avec mon actuel GM, qui est pétri de bon sens et très humain. Les autres GM étaient très professionnels aussi mais ils gardaient une certaine distance. Ces deux-là sont plus chaleureux.»

Elle est particulièrement reconnaissante envers Antonio Ferreira de Sousa qui l'a encouragée, il y a deux ans, à dispenser des formations aux nouvelles recrues de l'hôtel. C'est avec bonheur qu'elle retourne en classe tous les mois pour partager son expérience et relater avec passion l'histoire du Sofitel L'Imperial et son évolution au cours des 30 dernières années, évoquer avec eux le passage des célébrités dans les murs de ce palace, à l'instar du prince Edward, de Jacques et Bernadette Chirac, de Sonia Gandhi et de plusieurs vedettes françaises et comme bollywoodiennes dont Amitabh Bachchan, Shah Rukh Khan, Aishwarya Rai, etc. Elle s'efforce, durant ces sessions de formation, d'insuffler les valeurs du groupe Accor/Sofitel aux jeunes recrues de l'hôtellerie et de leur transmettre la «passion de l'excellence, une des valeurs prédominantes du groupe».

Paulette Tang est également proche de la famille des Repeaters , ces clients fidèles qui reviennent année après année sous le soleil de Wolmar. «Un tiers de notre clientèle est constitué de ces hôtes venus de tous les horizons pour un premier séjour et qui repartent conquis et qui vouent ensuite à L'Imperial et à ses équipes, une indéfectible loyauté.»

Les moments les plus durs vécus ont été l'épidémie du Chikungunya vers 2007-2008, où «l'hôtel était presque désert. Un article de Paris-Match a fait beaucoup de mal à Maurice. Une psychose s'était installée. Nous avons profité de ce temps mort pour faire le personnel suivre des formations d'actualisation de connaissances» , et bien entendu la pandémie du Covid-19. «Heureusement qu'avant le Covid-19, on avait projeté de rénover 70 des 189 chambres et d'installer une piscine chauffée pour adultes uniquement. Le Covid-19 a précipité cette rénovation, qui a duré un an. Nous en avons profité pour prendre nos congés et pour faire l'audit des travaux, c'est-à-dire avoir l'oeil à tous les détails et veiller à éliminer les risques pour les clients.» Ce qui a aidé le personnel à surmonter ces temps durs, dit-elle, ce sont les encouragements des propriétaires de l'hôtel, qui étaient confiants, à chaque fois, que la situation s'améliorerait.

Paulette Tang a eu plusieurs propositions d'embauche, notamment de l'hôtel Oberoi, qui n'était qu'à 15 minutes de la maison familiale à Port-Louis. Si elle y a pensé à un moment, toujours en raison du trajet fatiguant entre Port-Louis et Flic-en-Flac, elle n'a jamais donné suite à ces offres. «Je me suis attachée aux gens et à cet hôtel. Nous sommes une famille et ça, on ne peut le monnayer. Pour moi, cela n'a pas de prix. Je me sens utile et j'aime cette famille qui me le rend bien. Je suis le maillon d'une chaîne qui figure dans une mécanique bien huilée. Et puis, je fais partie de cette vieille garde qui est fidèle à une entreprise. Cela se perd de nos jours.» Paulette Tang ne se voit pas s'arrêter de travailler. Mais elle est réaliste. «Je sais qu'il y a un compte à rebours. Je sais qu'un jour cela va s'arrêter et quand cela va arriver, je serai très triste. Entretemps, j'apprécie chaque jour que Dieu me donne dans cette somptueuse maison qu'est le Sofitel L'Imperial et je me console en me disant que jusqu'ici, je contribue à concrétiser le rêve des clients, en m'assurant que leur séjour se passe bien. Quand ils partent et que je vois qu'ils ont la larme à l'oeil, je me dis que notre mission a été accomplie...»

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