Triste et inquiétant bilan. De janvier à octobre 2023, 108 décès ont été enregistrés sur les routes, marquant une hausse significative par rapport à la même période en 2022, où 83 décès avaient été recensés. Les piétons et les pilotes de deux-roues représentent la majorité des victimes. Constat alarmant à la clé : 80 % de ces tragédies sont dus à la négligence des conducteurs. Parmi les facteurs responsables d'accidents, l'excès de vitesse, l'utilisation du téléphone portable au volant, la conduite sous l'influence de l'alcool et/ou de substances illicites. Au-delà des pertes en vies humaines, ces chiffres mettent en lumière la gravité de la situation routière à Maurice.
Dans ce contexte, une nouvelle campagne nationale de sensibilisation sur la sécurité routière a été lancée le 18 octobre : «Stop Accidents Tous Concernés». Ce, afin de réduire le nombre d'accidents. Elle devrait durer jusqu'à la fin de l'année. Pour garantir la vigilance, des opérations crackdown sont au programme. L'inspecteur Boodhub explique que «le 21 octobre à 3 heures du matin, une équipe a 'ciblé' les véhicules sortant de Grand-Baie en direction de Port-Louis, surtout pour traquer ceux qui conduisaient sous l'influence de l'alcool ou de drogue». De plus, un projet de loi «assez complexe» est en préparation, a souligné le ministre du Transport, Alan Ganoo, lors du lancement de la campagne, en mentionnant le permis probatoire.
Manoj Rajcoomar, président de l'Association des moniteurs d'autoécole, qui compte 40 ans d'expérience comme moniteur, avait précédemment recommandé l'instauration d'un permis probatoire de deux ans. «Nous sommes satisfaits dans le sens où, malgré le retard, la pertinence de ce type de permis est reconnue. Mais si cette mesure avait déjà été mise en oeuvre, elle aurait peut-être déjà contribué à sensibiliser de nombreux conducteurs et à produire des résultats.»
Barlen Munusami, ex-sergent - qui a longtemps servi à la Traffic Branch avant de prendre sa retraite, auteur du Guide complet du conducteur, ouvrage maintes fois réédité, et expert en sécurité routière - relève que le permis probatoire est appliqué dans divers pays. Il précise que ce permis vise principalement les personnes obtenant un permis de conduire pour la première fois. Les jeunes constituent la majorité de ceux qui obtiennent leur permis pour la première fois.
Beaucoup de personnes âgées de 55 à 60 ans décident d'apprendre à conduire, bien que cela représente un nombre relativement faible. «Cela cible principalement les jeunes. Car ils ont un attrait pour le défi, l'excès de vitesse, la recherche de sensations fortes et l'adrénaline, précisément ce qu'on leur demande de ne pas faire. Une fois qu'ils ont obtenu leur permis, ils semblent oublier les principes de prudence et de courtoisie sur la route, se livrant à des comportements imprudents.».
Donc, «pendant une période donnée, généralement de deux ans, le titulaire est soumis à une période d'observation. Cela signifie qu'il ne peut pas commettre d'infractions graves». Certaines conditions, qui s'appliquent au détenteur de ce type permis, varient d'un pays à l'autre. Par exemple, cite-t-il, certains pays imposent des restrictions telles que l'interdiction de conduire après minuit, de transporter des passagers ou d'avoir un seul passager à bord et de ne pas dépasser certaines limitations de vitesse. «La route comprend toutes sortes de conducteurs. Ainsi cette phase d'apprentissage permet au détenteur du permis probatoire de mieux comprendre les dangers de la route. Après cette période d'apprentissage, il acquiert la maturité et l'expérience nécessaires.»
Forger de bonnes habitudes
Manoj Rajcoomar ajoute que lorsqu'une personne apprend à conduire en adoptant de bonnes habitudes, une fois qu'elle a obtenu son permis, le fait d'être en période probatoire l'oblige à conduire - et à se conduire - de manière responsable en faisant preuve de prudence pour que son permis soit confirmé/validé. Il pense que «le permis probatoire doit être accompagné de mesures qui le rendent efficace». Il estime «qu'il faudrait aussi une indication sur la voiture, comme le 'L' pour le learner. Pour ceux détenant un permis probatoire, l'on peut utiliser un'P'».
Selon Barlen Munusami, ce permis temporaire aiderait à réduire le nombre d'accidents. «Le permis probatoire représente de nombreux avantages, car il incite les jeunes et d'autres personnes qui viennent d'obtenir leur permis à réfléchir au fait qu'ils ne sont pas encore de véritables conducteurs et qu'il y a une période supplémentaire d'apprentissage avant de pouvoir être considéré comme tel.» Toutefois, une lacune pourrait être qu'une personne qui ne conduit pas souvent ne commettrait ainsi aucune infraction, ce qui fausserait la donne. Par manque de pratique en détenant un permis, elle peut représenter un risque, avance-t-il. Considérer le permis probatoire de manière isolée ne serait donc pas suffisant. «Ceux qui travaillent sur ce dossier doivent le considérer dans son ensemble.»