Ile Maurice: «Kot nou pou kit nou zanfan ?»

Au coeur d'une enquête et de la polémique: la garderie et l'école maternelle Babouche. L'établissement, situé à Rose-Hill, a dû fermer ses portes pour l'instant. Cela, suite à un incident survenu le lundi 9 octobre, où un bébé de neuf mois a eu les pieds brûlés après avoir été éclaboussé par de l'eau bouillante. Alors que l'enquête suit son cours, la fermeture soudaine de cet établissement par les autorités provoque une perturbation majeure et des dilemmes pour plusieurs parents dont les enfants fréquentaient l'école, et qui réclament sa réouverture.

Ils sont nombreux, les parents accompagnés de leurs enfants, à s'être rassemblés dans l'enceinte de l'école lorsque nous arrivons sur place vendredi. Il y a de l'animation, les cris des enfants résonnent, les petits semblent heureux de retrouver leurs amis pour un bref instant. Que pensent les parents de la polémique entourant les garderies, surtout ceux qui n'ont pas de permis, et qui se retrouvent dans l'actualité depuis plusieurs semaines ? Après l'incident survenu à Babouche, pourquoi réclament-ils la réouverture? Quid de la sécurité ? Est-ce une question de coûts ?

Non, cela n'a rien à voir. Les frais mensuels s'élèvent en fait à 5 000 roupies par enfant et il y en a environ 30 qui fréquentent l'école. En fait, l'établissement accueille sous un même toit des enfants sans difficulté d'apprentissage ainsi que ceux qui éprouvent des difficultés et des autrement capables, les réunissant dans un espace éducatif combiné, apprend-on.

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Joel, père d'un enfant de 3 ans atteint de trisomie 21, confie qu'il a été particulièrement difficile de trouver une école où l'on accueille les enfants - comme le sien - qui ont des difficultés d'apprentissage. «Monn al boukou plas zot finn dir mwa pa pran sa kalité zanfan-la, zot péna mem profeser pou get sa kalité zanfan-la. C'est alors que j'ai trouvé cet établissement, et lorsque j'y ai amené mon enfant, il a été accepté sans problème. En cinq mois, il s'est épanoui de façon formidable, il est devenu sociable, il était joyeux et toujours en train de jouer.»

Cependant, la fermeture soudaine de l'établissement a provoqué un déséquilibre majeur dans la vie de sa famille, raconte Joel. «Nous sommes conscients du fait qu'il y a eu un incident à l'école et nous partageons la souffrance des parents, tout en respectant le déroulement de l'enquête. Cependant, la fermeture abrupte de l'établissement a rendu les choses difficiles. Kot nou pou kit nou zanfan ? Mon épouse m'aide actuellement, mais nous avons du boulot, et ma mère est aveugle et ne peut m'aider. Mon enfant s'ennuie à la maison parce qu'il est privé de son espace d'apprentissage et de socialisation. Il n'y a jamais eu d'incident à l'école auparavant, et j'ai toujours trouvé mon enfant heureux et en sécurité. Il se peut qu'il y ait des divergences avec les autorités. Mais qu'advient-il de mon enfant ? Personn pa lé pran li.»

D'autres habitants du quartier ont pour l'instant choisi de déposer leurs enfants chez leurs voisins pendant la journée, moyennant un paiement. Pour M.R., grand-mère d'une fillette atteinte d'autisme, la fermeture de cette école constitue une punition collective infligée par les autorités. «Inn ariv enn maler, nou ena soufrans pou sa zanfan-la. Mais mon fils travaille, ma petite-fille est énervée à la maison et ne peut pas s'exprimer, li fer mové. À l'école, elle n'était pas reléguée dans un coin sans amis (...) Je fais de mon mieux pour m'occuper d'elle, mais qu'en est-il de ses progrès ? Eski gouvernman pou pran responsabilite ?»

C.D.A., haut cadre dans une entreprise et père d'un enfant de quatre ans atteint d'autisme mineur, se confie aussi. «Lorsqu'il avait deux ans et demi, il a été diagnostiqué et on lui a recommandé d'être inscrit dans une école normale plutôt que dans une école spécialisée. Nous l'avons inscrit dans une école chère où les enseignants étaient ultra qualifiés. Cependant, nous n'avons constaté aucun progrès pendant six mois, et l'école nous a dit qu'elle ne voyait pas d'avenir pour notre enfant et nous a fermé ses portes. Nous avons alors choisi de l'inscrire à Babouche, non par faute de moyens, mais après nous être assurés que l'école était sécurisée, appropriée et de qualité. En moins d'un an, mon enfant est devenu sociable, il établit un contact visuel, lit les mots et est amical», explique-t-il. Le père souligne également que «dans l'autre école, malgré un personnel hyper qualifié, il n'y avait ni compassion ni contact humain. Tout était basé sur des chiffres et un objectif à atteindre. Si l'objectif n'est pas atteint, l'enfant est exclu. Ayant embauché plus de 500 personnes au cours de ma carrière, je peux vous dire que ce ne sont pas les certificats qui priment, mais la passion, l'expérience et les compétences pour le travail. Cette question est discutable avec le ministère, mais les autorités auraient-elles dû interrompre brusquement le fonctionnement de l'école ? Je ne le pense pas. Il vaut mieux nous mettre tous autour d'une table et trouver une solution».

Par ailleurs, ils sont nombreux à s'interroger sur la responsabilité de chaque partie dans cette affaire. «Si l'école n'était pas enregistré auprès du ministère, les officiers n'ont-ils pas effectué un contrôle et ordonné sa fermeture ? Pourquoi attendre qu'un incident se produise ? Pourquoi laisser soudainement tant d'enfants dans le flou et la perplexité sans les prendre en charge» s'interroge un parent. Certains nous disent même que cette mesure apparaît comme un «quick fix» face aux nombreux cas médiatisés, concernant d'autres garderies ces derniers temps...

Kristelle Seerungen, elle, estime qu'il faut revoir toute la définition de ce qu'est une 'crèche illégale'. «Quand on parle de garderie illégale, elle se trouverait dans un petit coin isolé quelque part, dan enn lakaz, sans aucune structure. Ici, il s'agit d'une école bien connue, située dans un endroit de prestige, qui fonctionne au sein d'une structure appropriée, répondant à toutes les conditions requises. Il s'agit d'une école privée, avec un programme et un environnement différents, où chaque enfant, même différent, trouve sa place.» D'ajouter : «Nous sommes touchés en tant que parents par l'incident qui s'est produit, car cela peut arriver à n'importe qui, n'importe où, pas seulement à Babouche. On est de tout coeur avec les parents parce que c'est atroce. Mais c'est un accident, pas quelque chose d'intentionnel. La façon de faire des autorités est à déplorer. Où placer tous ces enfants ? Il y a des crèches qui sont vraiment illégales, qui fonctionnent sans permis ni mesures de sécurité, et où des cas de maltraitance d'enfants se produisent. Dir zot ferm tou ? Ils ne le feront pas ; seront-ils en mesure d'assumer la responsabilité de tous les enfants ? N'importe quelle autorité peut constater que Babouche est une structure adéquate. Nous lançons un appel aux autorités pour qu'elles ne pénalisent pas nos enfants. Nous continuerons à faire entendre notre voix. Si nou bes lébra, lotorité pa pou fer nanyé.»

Les parents affirment avoir écrit au ministère pour faire part de leurs inquiétudes et sont en attente d'une réponse. La présence sur place d'une élue du gouvernement dans la soirée de vendredi était également attendue. Mais elle n'est pas venue et les parents sont repartis avec leurs questions et leur déception...

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