Ile Maurice: Le combat d'un Mauricien contre l'obscurantisme

Sa vie personnelle a été exposée sur la place publique et sa famille a été menacée par des extrémistes.

C'est ce qu'Ibrahim Subdurally, 30 ans, affirme dans une vidéo qu'il a postée sur ses plateformes sociales, cette semaine.

La genèse de cette histoire : sa sexualité, alors que la justice vient de prononcer un jugement historique.

Cela fait plus d'une décennie qu'il a quitté Maurice pour compléter ses études supérieures en Angleterre. Depuis, il n'est revenu au pays qu'en vacances.

Au fil des ans, Ibrahim a fait son coming out auprès de ses parents.

Son père et sa soeur l'ont accepté et ont rencontré l'amour de sa vie. Ils se sont dit oui cette année.

Les photos et la vidéo de la cérémonie ont été postées en ligne. C'est là que tout s'est emballé.

La semaine dernière, la vidéo de son mariage a commencé à circuler sur WhatsApp.

Certains groupes religieux dénonçaient un mariage contre les religions. Puis, l'affaire a été reprise dans un lieu de culte. Le nom de son père, qui a une quincaillerie, est cité. La chose se complique.

Ses parents sont menacés, plusieurs personnes appellent au boycott du commerce de son père.

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«Mais mon père ne m'a rien dit à ce moment-là. Il ne voulait pas m'inquiéter. Nous avons toujours été très proches, très complices. Nous avions une relation spéciale», avance Ibrahim.

Mais la campagne de haine contre sa famille s'accentue.

Les vidéos et photos de son mariage atterrissent sur Facebook.

Des centaines de personnes, hommes et femmes, commencent alors à donner leur avis sur la vie personnelle de deux hommes qu'ils ne connaissent pas.

Les références aux livres sacrés et autres cités mythiques détruites pleuvent.

Les paroles sacrées sont souvent accompagnées d'injures et de mots déplacés. Les palabres s'enchaînent.

Son père finit par céder. Entouré de quatre religieux, il est contraint de faire une vidéo d'excuses, où il parle de ses problèmes familiaux.

«Je sais qu'il a été forcé à faire cela. Lorsque ce problème a commencé, il était fort. Il m'a dit que cela le rapproche de son créateur. Mais après cette vidéo, on ne se parle plus du tout. D'ailleurs, tous les membres de ma famille ont coupé les ponts avec moi. Mes frères ont commencé à m'insulter. J'aimerais bien savoir quelle religion demande aux gens de briser des liens familiaux», déplore Ibrahim Subdurally, dépité.

C'est là qu'il décide de faire sa vidéo pour dénoncer les extrémistes.

«Je ne suis pas la première victime. À chaque fois qu'une chose pareille se produit, la victime fait le dos rond pour ne pas aggraver la situation. Il faut que ça cesse. Je ne vais pas me taire alors que ce sont ceux d'en face qui font du mal et sont en tort.»

Il rappelle que les propos tenus et le langage utilisé par ces personnes sont contraires aux enseignements de ces mêmes religions qu'ils pensent représenter.

«Je ne demande à personne de me supporter ou d'être d'accord avec moi. Je ne demande que le respect, car moi, je respecte tout le monde.»

Malgré tout, Ibrahim Subdurally se dit calme. Autant l'étalage de sa vie en public l'avait mis mal à l'aise et les menaces envers ses parents, qui n'ont rien fait, l'ont bouleversé, cette fois-ci, il n'y a rien de tout cela.

«Je n'efface pas les commentaires de haine. Je m'y attendais. Cela ne m'affecte pas car c'est moi qui ai décidé de parler et de dénoncer cette persécution d'un autre âge. Donc, j'ai le contrôle sur ce qui se passe.»

Il y a certes des messages d'encouragement, mais moins que ce qu'il espérait.

La seule chose qui le gêne, c'est la vidéo d'excuses de son père, où il revient sur le mariage de son fils.

«Il a dit des choses, à ce moment-là, qui ont gâché toute une vie de souvenirs», déplore-t-il.

«Il faut que les gens comprennent ce qu'est le respect. La religion d'une personne n'impose des restrictions que sur elle, pas sur les autres. Sinon, chacun imposera ce que lui dicte son livre sacré et la société ne fonctionnera plus.»

Ibrahim Subdurally a déjà pris contact avec les associations locales pour savoir ce qu'il peut faire légalement contre ceux qui ont participé à cette campagne de haine et de lynchage.

«Il faut vraiment que les Mauriciens comprennent que l'obscurantisme ne doit plus être cautionné. Aujourd'hui c'est la sexualité. Demain ce sera quoi ? Ils vont traîner ceux qui divorcent dans la boue ? La police morale n'a pas sa place en 2023.»

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