Cote d'Ivoire: La chronique de Venance Konan - La colère de Gbagbo

20 Octobre 2023
opinion

Il paraît que Laurent Gbagbo et les siens ne sont pas du tout contents actuellement. Parce qu'ils estiment que les résultats qu'ils ont obtenus lors des dernières élections régionales et municipales ne reflèteraient absolument pas leur poids réel sur le terrain.

Par conséquent, s'ils ont perdu, c'est parce que leurs adversaires ont triché. Avec la complicité de la Commission électorale indépendante (CEI), si ce n'est pas elle-même qui serait l'instigatrice principale de la fraude. A propos de cette commission, le parti de Laurent Gbagbo et celui de son allié, le PDCI, avaient commencé à l'accuser de fraude avant même la publication des listes électorales.

On lui prêtait d'avoir inscrit des non -Ivoiriens sur les listes, tout en excluant des Ivoiriens. Et plus tard, lorsqu'à la publication des listes, on y constata des erreurs, sans conséquence, on voulut en faire une affaire d'État. La tactique est vieille comme le Fpi. Lorsque l'on part à une élection en sachant d'avance que l'on sera battu, on fait tout pour la discréditer à travers l'institution qui l'organise. Il y aura des élections dans deux ans. On dit que qui veut aller loin ménage sa monture. Alors on recommence dès aujourd'hui l'oeuvre de diabolisation de la CEI, dans l'espoir d'obtenir sa recomposition, voire sa dissolution, sinon son discrédit.

Tout cela est très limpide. J'espère seulement que des militants de Laurent Gbagbo ne prennent pas au sérieux ce que leurs leaders leur disent, à savoir qu'ils ont perdu les élections à cause de la fraude. Et j'espère aussi que Laurent Gbagbo et ses lieutenants ne se prennent pas eux-mêmes au sérieux en disant cela. Essayons de voir les choses avec lucidité. Qu'est-ce que Laurent Gbagbo pense représenter encore dans l'esprit des Ivoiriens ? En 1990, face à un Houphouët-Boigny devenu vieux, face à un parti unique qui venait de boucler 33 ans de pouvoir et se trouvait au bout de son parcours historique, Laurent Gbagbo et son Front populaire ivoirien (Fpi) avaient incarné l'espoir d'un changement aux yeux d'une partie de nos concitoyens.

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Mais les Ivoiriens ne le suivirent pas massivement, et il fallut attendre dix ans, à la faveur du coup d'État et de la naïveté de Robert Guéï pour que Laurent Gbagbo accède au pouvoir. Il a beau jeu de dire qu'il est arrivé au pouvoir démocratiquement, mais nous savons que l'on peut mettre tout ce que l'on veut sous le vocable « démocratiquement », et il sait que son élection fut tout sauf démocratique, puisque les candidats des deux plus grands partis de l'époque, le PDCI et le RDR ne furent pas autorisés à participer à la compétition.

Laurent Gbagbo a dirigé le pays pendant dix ans et nous l'avons vu à l'oeuvre. Après cela, il a passé une dizaine d'années hors du pays pour des ennuis judiciaires. Il est revenu au pays et tout le monde voit dans quel état physique et intellectuel il est. C'est un homme fatigué, usé, qui n'a plus de nouvelles propositions à faire aux Ivoiriens que nous voyons et entendons. Personne, à commencer par ses propres militants, n'a oublié l'humiliation qu'il a fait subir à sa femme, Simone, le jour de son arrivée à l'aéroport.

Aujourd'hui, les Ivoiriens expérimentent une autre façon de diriger le pays. Ils voient que l'on peut le doter d'infrastructures de qualité. Gbagbo et les siens ont beau dire et répéter que les Ivoiriens vivent dans la misère la plus noire depuis l'arrivée d'Alassane Ouattara, les concernés eux-mêmes savent où Gbagbo les avait laissés, et où ils sont arrivés avec Alassane Ouattara. Comment Gbagbo et ses lieutenants peuvent-ils croire que les Ivoiriens allaient de nouveau leur confier leur sort ? Qu'est-ce qui, dans leur discours, peut encore faire rêver ? Qu'incarne aujourd'hui Gbagbo pour que les Ivoiriens espèrent encore en lui ? Il incarne juste les heures les moins glorieuses de notre histoire. Et puis, sérieusement, qu'espérait-il en fragmentant son parti en quatre branches antagonistes avant d'aller aux élections ?

Si Gbagbo et les siens n'ont vraiment rien à dire, qu'ils se taisent donc. Nous, on travaille .

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