L'Union européenne pourrait bientôt prendre des sanctions contre les militaires au pouvoir au Niger. Les Etats-Unis veulent maintenir le contact avec eux.
Européens et Américains ne sont pas sur la même longueur d'onde quant au règlement de la crise au Niger.
L'Union européenne a adopté, ce lundi (23.10.2023), un cadre juridique qui ouvre la voie à des sanctions contre des personnalités et organisations, qui s'opposent à la démocratie et au retour à l'ordre constitutionnel.
Ces sanctions vont consister en un gel de leurs avoirs dans l'Union européenne, une interdiction de mise à disposition de fonds, et une interdiction de pénétrer sur le territoire de l'UE.
"Nos priorités sont claires : libération du Président Mohamed Bazoum et de sa famille, retour à l'ordre constitutionnel, appui à la population", a posté Josep Borrell, responsable de la politique étrangère de l'UE sur X, ex-Twitter.
Pour l'instant, aucun nom n'est avancé. Il s'agit juste d'un cadre réglementaire.
Les 27 avaient fermement condamné la prise de pouvoir, le 26 juillet, par les militaires.
Dans la foulée du putsch, Bruxelles avait suspendu son aide budgétaire au pays et cessé toute coopération sécuritaire.
Mais l'analyste Kag Sanoussi ne croit pas à l'efficacité d'éventuelles sanctions.
"Aucune décision ne fait plier un pouvoir en place. Les sanctions de la Cédéao sont les sanctions les plus dures. Mais aujourd'hui, le Niger continue, certes avec des difficultés. Je ne pense pas que les sanctions permettent de changer radicalement la face d'un pays. Les sanctions sont des éléments qui peuvent entrer dans la négociation. "
Maintenir la pression
Pour le chercheur Seidik Abba, l'annonce d'éventuelles sanctions traduit toutefois un certain agacement de la part des Européens.
"Nous sommes à quelques jours du troisième mois du coup d'Etat militaire et on n'a aucune visibilité ni sur la période de transition, ni sur les modalités de la transition, ni sur le devenir politique du Niger. Je ne suis pas étonné. Après avoir perdu patience, cette décision de sanctionner me semble être un élément de pression pour accélérer le calendrier d'un retour à l'ordre constitutionnel normal."
L'Union européenne maintient cependant son aide humanitaire. Elle dit avoir fourni 58 tonnes de matériels sanitaires essentiels, y compris des médicaments dans le cadre d'un pont aérien humanitaire en ce mois d'octobre.
L'ombre de la Russie et de Wagner...
Après avoir mis plus de deux mois pour reconnaître le coup d'Etat militaire, Washington avait tout de même annoncé la suspension de la majeure partie de son aide au développement au Niger.
Cependant, les Etats-Unis entendent maintenir le dialogue avec la junte militaire, si l'on s'en tient aux propos du directeur des Affaires africaines au Conseil de la sécurité nationale américain, Judd Devermont, dans une interview au quotidien britannique Financial Times.
Pour lui, pas question que les militaires américains quittent le Niger, il y va de nos intérêts, dit en substance le diplomate.
"Ce n'est pas étonnant parce que chacun joue sa carte dans cette sous-région. Les enjeux pour les Américains sont de pouvoir rester à Niamey et d'éviter surtout qu'on accule la junte et qu'elle se jette dans les bras de la Russie et de Wagner. C'est une ligne à ne pas franchir et les Américains ont tout fait pour qu'on n'en arrive pas là", estime le chercheur Seidik Abba.
"Si nous quittons le Niger, il ne s'agit pas seulement de la sécurité des Nigériens, il s'agit également des conséquences pour le Ghana, le Togo et le Bénin", affirme ainsi Judd Devermont, le directeur des Affaires africaines au Conseil de la sécurité nationale.
Environ un millier de soldats américains sont présents au Niger dans la cadre de la lutte contre le terrorisme.