Le Maroc a été frappé les 22 et 23 octobre par la tempête Bernard qui a causé de fortes rafales de vent, des orages, de violentes pluies ou encore des routes recouvertes de sable. De nombreux dégâts ont été relevés, principalement dans le nord-ouest du pays, de Casablanca à Agadir.
L'inquiétude est grande dans le royaume. Les rafales de vent et de sable ont atteint par endroits les 100 km/h, provoquant de très nombreux accidents sur l'autoroute entre Marrakech et Agadir. Malgré les alertes de la Direction générale de la météorologie émises samedi 21 octobre, beaucoup de Marocains ont pris la route, en ce week-end de retour de vacances. Les autorités n'ont pas encore communiqué de bilan précis, mais le manque de visibilité dû aux mouvements de sable a provoqué des accidents violents. Des images montrent ainsi la route jonchée de carcasses de voitures victimes de carambolages
Sur la côte, à Casablanca ou Rabat, la capitale, d'autres images montrent des arbres arrachés et un ciel orange. Les intempéries ont d'ailleurs entraîné le déroutage de plusieurs avions en direction de Marrakech. Aucun départ de l'aéroport Mohammed V de Casablanca n'a été possible entre 11h et 18h dimanche. La situation n'est pas encore revenue à la normale. Les météorologues estiment que la tempête quittera le Maroc d'ici ce mardi 24 octobre. En attendant, les autorités recommandent la plus grande prudence, notamment aux automobilistes.
Comment expliquer un phénomène aussi violent ? Est-il amené à se reproduire ? Pour y répondre, RFI a joint le professeur de climatologie à l'Université Hassan II de Casablanca et ancien membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec).
RFI : Quel est le phénomène qui a provoqué la tempête Bernard ?
Mohammed-Said Kerrouk : Ce qu'il s'est passé, c'est le déroulement habituel du système climatique pendant cette période d'automne. Il y a un déplacement de tout ce système de l'hémisphère nord vers les zones subtropicales. Ce mécanisme est habituel durant cette période, mais les données énergétiques ne le sont pas.
Les dernières années et principalement cette année, y compris depuis le mois de mai, nous vivons des vagues de chaleur et une température inhabituelles. Cette température inhabituelle est la conséquence immédiate de l'augmentation du bilan énergétique de la terre. À partir de là, il y a eu énormément d'énergie qui s'est accumulée dans notre atmosphère et il y a eu un choc. Il y a eu un cisaillement énergétique qui a créé beaucoup de vent, de vents très forts en altitude et qui s'est caractérisé, au sol, par cette dépression qui a évolué en tempête, la tempête Bernard.
Quelle est la forme qu'a prise cette tempête ?
Cette tempête au sol s'est caractérisée par un vent très fort, très puissant et qui a soulevé beaucoup de poussière au Maroc parce que le sol était sec, après plusieurs années de sécheresse. Il y a eu beaucoup de poussière qui a été soulevée dans toute l'atmosphère marocaine, se déplaçant même vers l'Europe.
Selon vous, ces phénomènes sont amenés à se reproduire. Que peut faire le Maroc pour s'y préparer ?
On ne peut rien faire, ni contre le vent, ni contre la poussière, ni contre la chaleur, ni contre la pluie qui revient avec un autre rythme. Ce qu'on peut faire, c'est tout d'abord être conscient que le climat a changé, que l'on est en train de vivre un nouveau climat et qu'il ne faut pas se référer à ce que l'on vivait auparavant. Il faudrait se préparer à cela, dans l'aménagement des villes ou encore dans le domaine de la santé. Il faudrait demander aux professionnels ce qu'il s'est passé hier dans les hôpitaux et qui continue de se passer maintenant pour découvrir quel est le problème réel de la poussière sur la santé.
Sur l'agriculture, là encore, les gens du terrain vont voir les dégâts. Les dégâts sur le plan physique, mais aussi sur le plan de l'évolution des plantes. Est-ce qu'on va continuer à développer des plantes qui sont détruites par le vent et qui sont aussi détruites par la poussière ? Et ainsi de suite. De cette manière, on en est conscient, on sait ce qui nous attend et on se prépare.