Les faits remontent à l'été 2021. En effet, soupçonné d'avoir déclenché un incendie dans la Kabylie dans le Nord-Est de l'Algérie, un artiste a décidé d'aller prêter main forte à des villageois qui luttaient contre les flammes, avant de se présenter volontairement à la police.
Mais il était très loin d'imaginer qu'il comptait ses dernières heures. Car, Djamel Ben Ismaël, puisque c'est de lui qu'il s'agit, sera extirpé du fourgon des flics qui s'évertuaient à le protéger, pour être roué de coups avant d'être ensuite brûlé vif par une foule en colère.
Et non contents de l'avoir lynché à mort, ses bourreaux décident de faire des selfies avec son cadavre qu'ils font circuler sur les réseaux sociaux. Plus d'un an après de drame qui avait provoqué une onde de choc, s'ouvrit, plus précisément en novembre 2022, le procès de ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Ben Ismaël. Sur les 94 prévenus, 49 seront condamnés à la peine capitale, sept acquittés.
Les autres avaient écopé de peines allant de trois à 20 ans de prison ferme. Mais à l'issue du procès en appel qui s'est tenu le 23 octobre dernier, ce sont finalement 38 personnes qui ont été condamnées à la peine de mort pour le lynchage à mort de Djamel Ben Ismaël.
Ce n'est que justice, est-on tenté de dire. Contrairement à leur victime, les bourreaux, eux, doivent s'estimer heureux. Car, eux, au moins, ont eu droit à un procès équitable. Et ce n'est pas tout. En lieu et place de la peine capitale, leurs condamnations seront commuées en prison à vie et cela, grâce à un moratoire sur l'application de la peine de mort en vigueur depuis 1993 en Algérie.
La vindicte populaire n'a pas sa place dans un Etat de droit
Cela dit, on espère que ces condamnations à la pelle serviront de leçon aux uns et aux autres dans une Algérie où la violence semble avoir pignon sur rue au point que certains pensent disposer du droit de vie et de mort sur les autres.
En tout cas, la vindicte populaire n'a pas sa place dans un Etat de droit où la vie humaine est reconnue pour être sacrée si bien que personne ne peut l'ôter à autrui. Les mouvements de foule, il faut s'en méfier. Car, pour paraphraser Gaston Bachelard, « ils pensent mal. Ils ne pensent même pas ; tant généralement, ils n'arrivent pas à distinguer le vrai du faux ».
C'est ce que les sociologues appellent mouvement sui generis. Et c'est ce qui explique que très souvent, des innocents sont tués en lieu et place des coupables qui en profitent pour prendre le large.
C'est malheureusement le cas de Djamel Ben Ismaël qui a payé le prix de sa vie, pour des faits dont il n'est pas coupable. Certes, il n'est plus de ce monde. Mais ses bourreaux, qui pensaient mener une opération de salubrité publique, ont vu leur vie basculer ; tant ils sont condamnés à passer tout le reste de leur vie derrière les barreaux.
Or, on n'en serait pas arrivé là si les uns et les autres avaient laissé Djamel Ben Ismaël répondre des faits qui lui étaient reprochés devant la Justice. C'est la preuve qu'en toute chose, il faut savoir raison garder. Car, il est des moments où la passivité vaut mieux que mille regrets.