L'Union européenne (UE) veut durcir le ton contre la junte nigérienne qui a renversé le président Mohamed Bazoum, le 26 juillet dernier à Niamey. En effet, après les sanctions générales qui se sont traduites par la suspension de son aide budgétaire et la cessation de la coopération sécuritaire avec le pays, l'UE envisage des sanctions ciblées contre les auteurs du coup d'Etat au Niger.
Les ministres européens des Affaires étrangères en ont acté, le 23 octobre dernier, la constitution du cadre juridique qui ouvre ainsi la voie à des sanctions pouvant aller du gel des avoirs des personnes indexées, à l'interdiction de voyager dans l'espace communautaire européen, ou encore de bénéficier de l'envoi d'argent venu de l'Union européenne.
Une menace qui reste pour le moment impersonnelle, mais qui met clairement dans le collimateur des 27, les leaders de la junte qui ont installé leurs pénates au palais présidentiel de Niamey en violation de l'ordre constitutionnel. Ainsi que ceux de leurs soutiens « dont les actions portent atteinte à l'ordre constitutionnel, à la démocratie et à l'Etat de droit, ou constituent de graves violations ou abus des droits de l'Homme ».
Ce n'est pas la première fois que Bruxelles entreprend de frapper des putschistes africains au portefeuille
Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette décision de l'UE est un nouveau palier dans l'avalanche de sanctions visant à contraindre les militaires nigériens à rendre le pouvoir. Et cela n'est pas de bon augure pour les tombeurs de Mohamed Bazoum qui ont du mouron à se faire.
Car, au-delà de la mauvaise publicité pour le Niger, ces sanctions ciblées qui visent à restreindre la liberté de mouvement des intéressés, resteront toujours comme une épée de Damoclès sur la tête de ceux qui auraient le malheur de voir leurs noms sur la black list de l'UE. En même temps, c'est une décision qui ne manque pas d'interroger.
D'autant plus qu'au-delà de la portée des sanctions envisagées, se pose la question de leur efficacité sur les putschistes nigériens qui semblent plus que jamais décidés à assumer leur coup de force.
Ces sanctions seront-elles en mesure de contraindre le Général Abdourahamane Tchiani et ses frères d'armes à revoir leur copie ? Ou bien feront-elles sur leurs galons, le même effet que celui de l'eau sur les plumes d'un canard ?
Deux questions fondamentales qui méritent d'autant plus d'être posées que ce genre de sanctions de l'UE ne sont pas inédites. En tout cas, ce n'est pas la première fois que Bruxelles entreprend de frapper des putschistes africains au portefeuille par le gel de leurs avoirs et l'interdiction de voyager dans son espace communautaire.
On l'a déjà vu au Mali où les mêmes types de sanctions prises en février 2022 par l'UE contre une demi-dizaine de hautes personnalités de la transition malienne, au nombre desquelles le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga et les colonels Malick Diaw et Ismaël Wagué, entre autres, considérés comme des instigateurs du coup d'Etat, paraissent loin d'avoir eu les effets escomptés.
C'est une mesure qui pourrait donner plus de poids et de force à la CEDEAO
Et ce, au regard de la détermination desdites personnalités, à défendre, plus d'un an après la prise de ces décisions punitives, une transition dont l'épilogue tarde encore à se dessiner. C'est dire si l'Union européenne doit savoir tirer leçon de l'histoire par rapport à ces sanctions qui paraissent aussi inopérantes qu'improductives.
Et le revers de la médaille est qu'en plus de paraître un acharnement contre le Niger, ces sanctions pourraient concourir à affermir la légitimité des putschistes aux yeux de leurs populations et à renforcer la résilience de ces dernières derrière leurs dirigeants.
Attention donc à l'effet boomerang ! En attendant, c'est une mesure qui pourrait donner plus de poids et de force à la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) qui est sur la brèche, dans sa croisade contre les coups d'Etat dans son espace géographique.
Cela dit, on se demande si en réitérant avec force son alignement sur la position de l'organisation sous-régionale, l'UE ne cherche pas à se rattraper de « l'impair » relatif au pont humanitaire aérien de la semaine dernière, qui l'a vue voler au secours des populations nigériennes avec « des fournitures sanitaires essentielles » en vue de « renforcer la réponse humanitaire » dans ce pays où « les stocks de produits vitaux s'épuisent rapidement ».
Ce qui avait semblé contrarier les plans de la CEDEAO qui est engagée depuis le début dans un bras de fer contre la junte et qui est dans la logique de serrer toutes les vis de l'isolement du Niger pour contraindre le plus vite possible les militaires à la restitution du pouvoir en vue du rétablissement de l'ordre constitutionnel.
A moins qu'une telle démarche de l'UE ne réponde d'une volonté de s'abriter sous le parapluie de la CEDEAO, pour se mettre à l'abri d'éventuelles critiques.