Brazzaville, République du Congo - La protection des forêts primaires et la restauration des forêts naturelles dégradées doivent être une priorité du sommet des trois bassins, une initiative sans précédent visant à créer une alliance mondiale engagée dans la revitalisation de 250 millions d'hectares d'écosystèmes terrestres et aquatiques. Pour y parvenir, il est essentiel que les droits et l'importance vitale des peuples autochtones et des communautés locales soient reconnus dans la sauvegarde et la restauration de ces forêts vitales.
Le sommet, qui se tiendra dans la capitale congolaise Brazzaville du 26 au 28 octobre et réunira des dirigeants des régions de l'Amazonie, du Congo et de Bornéo-Mékong-Asie du Sud-Est, coïncide avec la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes et et a pour but de renforcer les principes fondamentaux de la coopération Sud-Sud.[1][2]
Les nations forestières tropicales jouent un rôle central dans la lutte contre la déforestation et dans l'élaboration d'une gouvernance mondiale en matière de climat et de biodiversité. Et pour cause : les trois bassins (Amazonie, Congo, Bornéo-Mékong-Asie du Sud-Est) abritent collectivement 80 % des forêts tropicales du monde et deux tiers de la biodiversité terrestre.[3]
Irène Wabiwa, responsable du projet international pour le Bassin du Congo à Greenpeace Afrique:
"L'Amazonie, le bassin du Congo et les forêts tropicales indonésiennes ont besoin d'une véritable protection contre les menaces qui pèsent sur elles, à savoir la prolifération de l'agro-industrie et de l'industrie pétrolière, des infrastructures, de l'exploitation forestière et minière, mais aussi des projets de compensations carbone.
"Face aux crises du climat et de la biodiversité et aux injustices sociales persistantes contre les peuples autochtones et communautés locales, la protection des forêts primaires et la restauration écologique des forêts naturelles dégradées peuvent améliorer les perspectives pour la biodiversité, augmenter le stockage du carbone et améliorer la résilience et la stabilité des écosystèmes forestiers.[4]
"La protection de ces forêts peut aussi participer à réduire le risque d'émissions et de points de basculement. Par conséquent, la résolution de la crise du climat et de la biodiversité exige des plans et des solutions intégrés, car il existe des dépendances fonctionnelles entre la biodiversité, l'intégrité des écosystèmes et l'atténuation et l'adaptation au changement climatique."
Dans ce contexte, la reconnaissance du rôle fondamental des peuples autochtones, des communautés locales et d'autres groupes détenteurs de droits dans la protection et la restauration de ces forêts est de la plus haute importance. Toute proposition de conservation de ces forêts qui n'intègre pas la reconnaissance et la protection des droits des peuples autochtones et des communautés locales d'Afrique, d'Amérique latine et d'Indonésie ne peut aboutir. Plus de 75 % des forêts sont protégées par les peuples autochtones et les communautés locales, mais leur rôle et leurs connaissances en matière de protection de la nature et de la biodiversité ne sont pas encore suffisamment reconnus. Cela apparaît clairement lorsque l'on observe leur représentation minimale ou inexistante dans les sphères politiques, tant au niveau national qu'international.
En outre, seuls 17 % des fonds alloués à des projets de gestion des forêts au cours des dix dernières années incluent la participation des populations autochtones ou des organisations communautaires locales.[5] Les voix des peuples autochtones et des communautés locales doivent donc être entendues et amplifiées. Ils doivent également avoir accès aux ressources pour maintenir leurs actions autodéterminées de protection de la biodiversité et de lutte contre le changement climatique.
Arie Rompas, Chargé de campagne sur les forêts à Greenpeace Indonésie:
"Cependant, si l'on regarde l'agenda du sommet des trois bassins, les marchés du carbone y seront discutés. Il est évident qu'ils joueront un rôle central dans les discussions, étant perçus comme un outil majeur pour financer la protection et la restauration de la nature.
"Nous savons que la marchandisation de la nature et les violations des droits de l'homme vont proliférer si les marchés du carbone deviennent le principal mécanisme de financement pour protéger et restaurer la nature."
"Il est essentiel de mettre en avant des approches non marchandes, en ligne avec l'Accord de Paris, pour financer la protection et la restauration de la nature, au lieu de dépendre de marchés du carbone non réglementés. Dans cette perspective, il faut que nous puissions repérer et promouvoir les initiatives de financement qui visent à soutenir les peuples autochtones et les communautés locales engagés dans la préservation et la restauration de leurs forêts et ressources naturelles."[6]
Dans la perspective de la CDB 16 et de la COP 30, il est donc impératif de développer une voie de gouvernance alternative pour traiter les questions liées aux forêts et aux terres. Cela nécessite d'adresser des demandes spécifiques aux dirigeants politiques mondiaux pour protéger et restaurer les forêts. Ces demandes devront inclure un financement prévisible et accessible aux peuples autochtones et communautés locales, tout en garantissant la reconnaissance de leurs droits et leur rôle dans cet effort de protection et de restauration des forêts.
Romulo Batista, Chargé de Campagne à Greenpeace Brésil :
"Le sommet des trois bassins offre une opportunité unique de renforcer la coopération entre les pays du Sud global et de construire une voie de gouvernance alternative. Cet objectif ne pourra être réalisé que si les dirigeants s'éloignent résolument des industries extractives et autres activités qui accélèrent la destruction de la biodiversité et menacent les peuples autochtones et les communautés locales".
Victorine Che Thoener, Chargée de Campagne Forêts chez Greenpeace International et cheffe de la délégation de Greenpeace à Brazzaville.
"Nous exhortons les gouvernements des pays des trois bassins à protéger et à restaurer les forêts, en veillant notamment à la reconnaissance des droits et du rôle des peuples autochtones et des communautés locales dans cette mission. Ces gouvernements doivent se concentrer sur la mise en oeuvre d'approches alternatives, durables et non marchandes de financement de la biodiversité tout en encourageant l'action collective."
FIN
Notes:
[1] La Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes, qui s'étend de 2021 à 2030, appelle à une mobilisation mondiale en faveur de la sauvegarde et de la restauration des écosystèmes. 2030 est également la date fixée pour la réalisation des objectifs de développement durable, que les scientifiques ont également identifiés comme la fenêtre critique pour éviter un changement climatique catastrophique. Le sommet des trois bassins se place donc dans le contexte de cet effort mondial de restauration des écosystèmes de la biodiversité d'ici à 2030. The UN Decade on Ecosystem Restoration
[2] La coopération Sud-Sud (CSS) fait référence à la coopération et à l'échange de ressources, d'informations et de technologies entre les pays du Sud pour faire face à des problématiques telles que le changement climatique. What is 'South-South cooperation' and why does it matter? | UN DESA
[3] Site officiel du sommet des trois bassins: thethreebasinsummit.com
[4] La définition de "forêt primaire" de la Convention sur la Diversité Biologique; La définition de "forêt naturelle" de la Division des statistiques des Nations unies
[5] Rainforest Foundation Norway (2021) Falling Short: Donor funding for Indigenous Peoples and local communities to secure tenure rights and manage forests in tropical countries (2011-2020)
[6] Une approche fondée sur les droits est un modèle qui souligne l'importance de l'engagement du public, de l'accessibilité de l'information et de l'accès à la justice dans l'élaboration des décisions relatives au climat et à la biodiversité. Une approche basée sur les droits comprend la reconnaissance des droits territoriaux des peuples autochtones et des communautés locales, ainsi que leur rôle dans la protection et la restauration de la biodiversité.
Contacts:
Victorine Che Thoener,
Senior Portfolio Manager,
Greenpeace International, [email protected]
Melissa Hamdi,
Stagiaire pour la campagne sur l'alimentation et les forêts,
Greenpeace International, [email protected]
Raphael Mavambu,
Media et Communication,
Greenpeace Afrique, [email protected]