Ile Maurice: La cruciale question du paiement de la pension de vieillesse

Comment fera le gouvernement pour financer les aides sous la CSG ? Comment fera-t-il pour augmenter la pension de vieillesse ? Ritish Ramful et Aadil Ameer Meea ont leur petite idée là-dessus...

Au Parlement mardi, le ministre des Finances, répondant à une question du député travailliste Ritish Ramful et une du député MMM Aadil Ameer Meea, a surpris en annonçant que le fonds de la Contribution sociale généralisée (CSG) est épuisé. Cela, après les paiements de plusieurs prestations auxquelles la CSG était destinée, mais aussi pour d'autres, y compris l'augmentation de la pension de vieillesse. Cette dernière, au montant de Rs 9 milliards, est la plus grosse ponction du fonds CSG. De plus, Rs 6,54 milliards ont été payées pour la CSG Income Allowance, Rs 2,8 milliards comme CSG Retirement Benefit et Rs 2,7 milliards pour financer le Home Ownership Scheme, pour ne citer que les plus gros chiffres.

Au total, Rs 25 milliards ont été payées en moins de deux ans, entre 2021 ou autres dates ultérieures, dépendant de la date de l'introduction des différentes aides sociales, et le 30 septembre 2023. Alors que ces mêmes Rs 25 milliards ont été collectées en trois ans et trois mois - entre juin 2020 et septembre 2023. «Comment le gouvernement ferat-il pour financer le paiement de ces aides sociales pour 2023-2024 ?», a voulu savoir d'abord Ritish Ramful, puis Aadil Ameer Meea mardi à l'Assemblée nationale (AN), ce dernier rappelant au ministre des Finances que la dette publique a déjà atteint Rs 500 milliards (NdlR : Rs 516 milliards sont prévues pour 2023-2024). «Ne vous inquiétez pas», a tenté de rassurer Renganaden Payadachy. «Nous trouverons l'argent. Nous ne sommes pas ici pour dire qu'il n'y a pas d'argent.» Tout en ajoutant que les déboursements ont été nécessaires pour rétablir le pouvoir d'achat de la population qui subit l'inflation, notamment en raison de la guerre en Ukraine. Il a même souligné que le gouvernement augmentera la pension de vieillesse, comme promis.

%

Comment fera le Grand argentier ? Il parle de la disponibilité des fonds du Consolidated Fund (NdlR : le Trésor), approvisionné, entre autres, par les impôts, taxes et TVA ainsi que d'autres revenus. Ce que Padayachy veut dire donc, c'est que les pensions et autres allocations seront aussi financées par les revenus fiscaux de l'État. «Le fonds national de pension a toujours été utilisé pour 'rembourser' aux travailleurs leur pension contributive (NPF)», explique Ritish Ramful «et les travailleurs retraités touchaient cette pension en plus de leur pension de vieillesse, que le gouvernement finançait à travers le Consolidated Fund.Alors que maintenant, la CSG qui a remplacé le NPF est versée dans le Consolidated Fund non pas pour rembourser aux travailleurs leur pension contributive mais pour payer les autres aides sociales.» Le ministre des Finances «a dilapidé les fonds de pension des travailleurs».

Ritish Ramful rappelle que «lorsqu'on a introduit la CSG, le ministre des Finances nous a promis que ce fonds servirait à mettre sur pied un plan de pension durable car selon lui, les NPF/NSF ne l'étaient pas». Pour le député, «la CSG version Padayachy n'est ni une contribution pour la pension, ni une prestation sociale, mais une taxe sur les travailleurs, les employeurs et les self-employed. Le but, c'est d'augmenter les revenus de l'État pour financer le déficit budgétaire, comme mentionné par le FMI dans son Staff Report à la page 9».

Ritish Ramful et Aadil Ameer Meea soulignent en choeur que ce fonds de la CSG est devenu «unsustainable» en l'espace de trois ans. «En France, la CSG a pris 50 ans pour devenir déficitaire», s'insurge Ritish Ramful qui rappelle que le FMI avait pourtant, dans ce même Staff Report de juillet 2022, alerté le gouvernement sur le danger que représentait la situation de la CSG avec une contribution équivalant à 1,5 % du PIB et des décaissements de 8,4% du PIB (Voir extrait).

Si plus d'argent sera puisé du Consolidated Fund, «comment alors financer les autres dépenses récurrentes comme les Rs 30 milliards qui seront allouées aux corps paraétatiques déficitaires (CEB, CWA, etc.) et les conseils régionaux après l'abolition de la taxe immobilière ?», se demande Ritish Ramful. Le ministre des Finances se fie aussi à la croissance économique qui rapportera selon lui plus de revenus fiscaux. Aadil Ameer Meea se dit sceptique : «Pour combler ce gros trou, il faudra une croissance d'au moins deux chiffres. Pour moi, ce n'est pas réalisable. Sauf si nous découvrons du pétrole !» Le député mauve pense que compter sur la croissance pour remplir les caisses de l'État est dangereux. «Le ministre compte en fait sur la consommation pour récolter plus de TVA. Or, toute hausse de consommation causera un autre problème, encore plus grave : l'aggravation du déficit de la balance des paiements car notre pays importe beaucoup, ce qui entraînera à son tour la baisse de la valeur de la roupie et par conséquent l'exacerbation de l'inflation.»

Le député mauve est d'avis que le ministre sait qu'il ne pourra pas compter que sur la croissance économique et le Consolidated Fund, qui n'est pas inépuisable. Comment fera Renganaden Padayachy ? «Soit il augmente les impôts ou les contributions à la CSG, soit il emprunte encore plus. Cependant, il ne le fera pas durant une année électorale. Il le fera si le MSM revient au pouvoir.» Si c'est l'opposition qui remporte les législatives ? «Ce sera au nouveau gouvernement de prendre des mesures. C'est une politique économique 'après moi le déluge.'»

Au cas où le gouvernement actuel se résout à l'emprunt, «Maurice tombera dans le cercle vicieux de la dette», clame Ameer Meea. «Il faudra rembourser les capitaux plus les intérêts. Et si l'on emprunte en devises, il faudra repayer plus si ces devises continuent à s'apprécier, ou plutôt la roupie à se déprécier, comme c'est la tendance inexorable actuellement.» Le député de Port-Louis nous cite l'adage «Today's debt is tomorrow's taxes». Il faut noter que dans le Budget, Rs 24 milliards sont prévues comme emprunts pour 2023-2024, la moitié venant de l'étranger.

Ramful n'exclut pas, tout comme Ameer Meea, la possibilité d'une hausse de la contribution à la CSG ou des impôts. Ou alors, la suppression pure et simple des CSG Income Allowance, CSG Retirement Benefit et autres Home Ownership Scheme. «Mais tout cela après les élections. On dira que ces mesures étaient temporaires en raison de la guerre et de l'inflation.» Tout en soulignant que ces paiements ne sont que des allocations et non permanentes, «et qu'il peut donc les enlever facilement».

Un économiste qui a voulu garder l'anonymat se pose les mêmes questions mais d'un point de vue purement économique : «Comment financer ces générosités en 2023-2024 dont certaines ont été utilisées pour gagner les élections en 2019 - et que le Privy Council a trouvé raisonnables -? Je ne vois pas d'issue sans des mesures de rigueur. À moins que le gouvernement se calme un peu au niveau des 'développements infrastructurels'.»

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.