La Mission des Nations unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA) a entamé mardi dernier la seconde phase de son retrait total du pays. La première avait commencé en août 2023, après l'adoption de la résolution 2690 de l'ONU qui a mis fin à la mission, à la demande des autorités maliennes. Ce retrait devrait être total d'ici le 31 décembre prochain.
C'est véritablement une gageure pour le commandement de cette force multinationale d'avoir, dans l'ordre, à retirer environ 13 000 Casques bleus, organiser le licenciement de plus de 1750 membres du personnel civil, délocaliser 5500 containers d'équipements divers et déplacer 4000 véhicules en moins de 6 mois. De fait, démobiliser dans ce laps de temps des milliers d'hommes et du matériel lourd sur des milliers de kilomètres ne pose pas qu'un problème de logistique mais aussi de paix et de sécurité, si l'on connaît le rôle qui a été celui de la MINUSMA.
En effet, la Résolution 2100 du Conseil de sécurité de l'ONU, adoptée le 25 juin 2013, conférait d'abord à la Mission le mandat de stabilisation des principales villes du pays et la restauration de l'autorité de l'Etat. A la signature de l'accord d'Alger entre le gouvernement malien et la Coordination des mouvements de l'Azawad en juin 2015, la MINUSMA fut investie du suivi de l'application de cet accord pour la paix et la réconciliation dans le pays. Elle a aussi joué un rôle dans l'accompagnement des réformes politiques, le processus électoral et l'appui à la transition quand fut perpétré le coup d'Etat de 2020.
C'est donc une mission multidimensionnelle qui se termine quelque peu en queue de poisson, car nonobstant les efforts des Forces armées maliennes (FAMA), la paix n'est pas totalement revenue dans le pays et des localités entières ont toujours besoin de stabilisation, notamment au Nord.
C'est connu, depuis l'annonce du retrait de la MINUSMA, on a assisté à un net regain de tension entre la Coordination des mouvements de l'Azawad et les FAMA. La dernière citée a toujours reproché aux autorités maliennes la non-mise en oeuvre de nombreux points de l'Accord d'Alger, non sans mobiliser ou remobiliser ses troupes pour occuper les localités et les villes qui étaient sous contrôle de l'ONU. En réponse, l'armée malienne a organisé un important déploiement de troupes avec de grands moyens logistiques, en l'occurrence une colonne militaire qui se dirige vers le Nord. L'objectif est d'occuper le terrain que va laisser la MINUSMA.
Il y a donc plus qu'une rivalité, c'est une hostilité ouverte entre la CMA et les FAMA pour combler le vide que laisse ou laissera la MINUSMA. Il s'agit d'occuper les villes d'Aguelhok, d'Ansongo, de Ménaka, d'Anefis et surtout de Kidal, dans la région de Tessalit, au nord du pays. Le commandement des FAMA a annoncé, début octobre, qu'elles contrôlaient Anéfis et ont Kidal dans le viseur.
Elles doivent cependant faire face à la recrudescence des attaques contre leurs positions par les troupes de la CMA et du Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans (GSIM). Des menaces qui poussent le commandement de la MINUSMA à accélérer le désengagement de la mission, non sans un agacement exprimé par la hiérarchie des FAMA qui lui reproche de mettre en péril le processus entamé de retrait coordonné, menaçant la sécurité et la stabilité dans la localité d'Aguelhok notamment. La MINUSMA devrait libérer, dans les jours à venir, la ville de Kidal, la capitale régionale qui a longtemps été la place forte de la CMA. La rivalité, l'hostilité, voire les affrontements entre les FAMA et les troupes de la CMA pourraient alors s'accentuer. De là à dire que les accords d'Alger sont à vau-l'eau, il y a un pas vite franchi.