Burundi: Comment le président mise sur l'élevage de lapins pour sortir son pays de l'extrême pauvreté

Évariste Ndayishimiye, président Burundais (photot d'archives).

Au Burundi, le président Évariste Ndayishimiye a lancé depuis bientôt une année un immense chantier : sortir d'ici cinq ans les Burundais de la pauvreté par l'élevage de lapins. Un immense défi dans ce pays parmi les plus pauvres au monde et où, traditionnellement, on élève plutôt vaches et petit bétail. Un programme qui ne va toutefois pas assez vite aux yeux des autorités. Explications.

Au Burundi, le ministre de l'Intérieur, du développement communal et de la sécurité publique a donc voulu dynamiser ce programme, selon une correspondance dont RFI a une copie, en donnant à tous les services qui relèvent de ses compétences jusqu'au 31 octobre, pour qu'ils donnent l'exemple en se mettant à l'élevage des lapins.

Cette directive ministérielle s'adresse à tous les services du sommet à la base de ce département plutôt tentaculaire, des gouverneurs de province aux chefs de quartiers ou encore des commissariats aux positions de police érigés partout sur l'ensemble du territoire burundais.

Quatre jours pour construire un clapier avec cinq lapins

D'ici quatre jours maintenant, toutes ces entités doivent avoir construit à côté de leurs bureaux ou campements, un clapier qui abrite au moins cinq lapins, écrit le ministre Martin Ninteretse, dans sa correspondance adressée aux milliers de responsables administratifs ou de police sous ses ordres.

C'est « pour prêche » dit-il, par le bon exemple dans le but de « vulgariser le programme » du président de la République, sa vision pour sortir les Burundais de l'extrême pauvreté dans laquelle ils vivent aujourd'hui, comme Évariste Ndayishimiye le rappelait il y a peu.

« Nous serons tous millionnaires »

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« L'objectif est d'arriver à dépecer au moins 200 000 lapins par jour, avait affirmé le chef de l'État. Et si nous parvenons à mettre sur pied une usine qui conditionne cette viande de lapin pour l'exportation, cela va générer une telle richesse qu'au bout de cinq ans, chaque Burundais aura un revenu d'un million de FBu [francs burundais, NDLR]. Nous serons tous millionnaires ».

Un million de francs burundais, soit l'équivalent de 335 euros par mois : de quoi faire rêver dans ce pays classé parmi les plus pauvres au monde, et dont 76 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale.

De hauts cadres de l'État, mais aussi de simples citoyens, se sont donc lancés dans l'élevage de lapins, ont bénéficié de crédits d'organismes divers, notamment de la Banque d'investissements pour les jeunes (Bije), basée à Gitega, et assurent aujourd'hui faire des bénéfices. Ce dont ils remercient le président burundais.

« Culturellement, les Burundais ne mangent pas de lapin et ne savent pas les élever »

Mais de nombreux activistes de la société civile considèrent qu'il agit d'un projet irréaliste et mal préparé : il n'existe aucune étude de faisabilité pour un projet censé sortir les Burundais de la pauvreté, pointe l'un d'eux. « Culturellement, les Burundais ne mangent pas du lapin, la très grande majorité ne sait pas comment les élever », constate un opposant politique, qui n'a pas voulu décliner son identité. « Élever des lapins devrait être un petit programme sectoriel du ministère de l'Agriculture. C'est irréaliste de penser que ça puisse être l'alpha et l'omega pour sortir les Burundais de la pauvreté », a-t-il ajouté.

« Son excellence, le président, a fait de l'agriculture son cheval de bataille pour sortir le pays de la pauvreté, c'est pour cela qu'il appelle tous les responsables du pays, que ce soient les membres du gouvernement, du parlement, les intellectuels, etc, à retrousser leurs manches et à retourner chez eux, à l'intérieur du pays, pour s'adonner à l'agriculture et montrer la voie à suivre aux paysans », explique de son côté Jean-Baptiste N., un haut cadre burundais.

Une figure de la société civile, qui a préféré garder l'anonymat, estime que le projet présidentiel d'élevage de lapins pour sortir les Burundais de la pauvreté est « totalement irréaliste, lancé sans aucune étude de marché préalable et qui n'a aucune chance de réussir ».

Des photos du président s'adonnant à l'agriculture et l'élevage « pour donner l'exemple »

Plus de 80 % de la population du Burundi, pays le moins urbanisé du monde, vit toujours d'une agriculture de subsistance très peu productive, toujours selon les chiffres de la Banque mondiale.

Le site Internet ou le compte X de la présidence montrent donc régulièrement le général-major Évariste Ndayishimiye dans ses nombreuses propriétés terriennes où il s'adonne à l'agriculture et à l'élevage moderne, « pour donner l'exemple » aux Burundais, selon le discours officiel.

Ce qui suscite la polémique sur les réseaux sociaux. Ses nombreux soutiens le portent aux nues pour « sa grande vision » et sa détermination à sortir le pays de la pauvreté, alors que ses détracteurs parlent d'un président « à côté de la plaque » et qui s'occupe des détails au lieu de la politique globale du pays.

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