Afrique Centrale: Violences en RDC - En un an, les cas de malnutrition ont doublé à Masisi

communiqué de presse

Depuis le début de l'année, plus de 800 enfants souffrant de malnutrition aigüe sévère sont admis tous les mois dans les hôpitaux de Mweso et Masisi, soit pratiquement le double en comparaison avec 2022. Théâtre de conflits armés depuis des années, cette zone a subi une nouvelle explosion de violence suite à la recrudescence d'affrontements au sein du mouvement M23. MSF y est présente depuis 15 ans, où elle fournit des soins médicaux gratuits.

La malnutrition n'est pas une problématique nouvelle dans le territoire de Masisi, situé dans l'est de la République du Congo, mais les équipes médicales constatent une augmentation inquiétante du nombre de cas de malnutrition aiguë sévère avec complications depuis le début de l'année. Entre janvier et septembre 2023, près de 7 500 enfants ont été pris en charge dans les hôpitaux de Masisi et Mweso, où MSF appuie le personnel du ministère de la Santé. Les équipes prennent en charge ces cas au sein de 3 unités intensives et 9 unités ambulatoires en fournissant des intrants nutritionnels et autres médicaments nécessaires. Elles sensibilisent également les communautés aux signes de la malnutrition.

« Mon enfant est tombé gravement malade mais ce qui m'a le plus marquée ce sont ses yeux : ils étaient enfoncés et vides. Alors je me suis précipitée au centre de santé et ils l'ont transféré à l'hôpital. C'est la première fois qu'un de mes enfants souffre de malnutrition », confie Micheline, déplacée, dont le fils a été hospitalisé à Mweso.

La situation nutritionnelle des enfants, en particulier dans les familles déplacées, s'est dégradée brutalement cette année, principalement suite à la détérioration du contexte sécuritaire impactant directement la situation socio-économique des populations. Le manque d'accès à des structures médicales fonctionnelles explique en partie cette aggravation ainsi que le manque d'intrants nutritionnels dans les centres de santés. Les autorités sanitaires peinent à soutenir les structures médicales et à les approvisionner régulièrement.

« Ma fille, Alice, a commencé à gonfler, progressivement, au visage puis dans tout le corps. Je l'ai emmenée au centre de santé où ils lui ont donné de la pâte d'arachide mais pas assez pour lui permettre de récupérer. A la quatrième visite, puisque son état s'était empiré, les médecins l'ont référée à l'hôpital de Masisi », décrit Mandela, son père.

L'absence d'une prise en charge précoce de la malnutrition modérée dans les centres de santé contribue à faire basculer les enfants dans une malnutrition aiguë sévère, accompagnée de complications, dont il est plus difficile de guérir.

« Ce sont des vases communicants : si les cas simples ne sont pas traités dans les centres de santé, le nombre d'hospitalisations augmente. Aujourd'hui, il y a presque autant d'admissions dans les unités intensives des hôpitaux qu'en ambulatoire dans les centres de santé. Or, la majorité des hospitalisations pourraient être évitées si les enfants étaient traités de manière préventive dans les centres de santé », explique le Dr Nadine Neema Mitutso, responsable des activités médicales à l'hôpital de Masisi.

A la sortie de l'hôpital, les familles sont confrontées aux mêmes difficultés d'accès à la nourriture et aux traitements nutritionnels, les risques de rechutes sont donc importants. « Pour mettre un terme à ce cercle vicieux, il est important qu'une réponse holistique soit apportée de la part de tous les acteurs dans la région à travers des solutions durables pour faire face aux besoins nutritionnels croissants de la population », explique Carole Zen Ruffinen, coordinatrice du projet MSF à Mweso.

Détérioration du contexte au cours des derniers mois

Depuis plusieurs mois, la progression du groupe M23 dans le territoire de Masisi a entraîné des déplacements massifs de populations et entrave l'accès aux structures médicales, marchés, champs et écoles. Cette situation expose les familles à une insécurité alimentaire permanente.

Le territoire de Masisi est caractérisé par ses collines verdoyantes, où l'agriculture reste l'activité économique principale. Ses communautés en dépendent pour pouvoir se nourrir. Ces derniers mois, l'accès aux terres est encore plus restreint à cause de la présence de porteurs d'armes qui gèrent de nombreux points de contrôle et de taxation sur les routes. Les habitants atteignent difficilement leurs terres et sont souvent contraints de les abandonner, laissant les récoltes derrière eux.

« À cause des hommes armés, je ne peux pas accéder aux champs tous les jours » témoigne Fahida, dont le fils est hospitalisé à Masisi. « Quand on prend la route, on a peur de rencontrer des hommes armés sur le trajet. Ils exigent de l'argent et peuvent même nous tuer ou nous violer »

Avec la réduction d'échanges commerciaux, la pénurie d'approvisionnement en denrées alimentaires a également entraîné une augmentation significative des prix, rendant l'accès à une alimentation adéquate encore plus difficile. Une portion de farine de manioc coûtait l'année dernière environ 500 francs, aujourd'hui ce prix a quadruplé et représente l'équivalent d'une journée de travail dans les champs, ce qui ne permet pas de nourrir une famille.

« Chez nous, on ne passait pas une seule journée sans manger. Mais ici, on n'a rien, notre vie est misérable », explique Sifa, qui a trouvé refuge au site de déplacés de Katale depuis quatre mois, fuyant les affrontements dans son village d'origine. « Il y a deux mois, ma fille Annika est décédée de malnutrition à l'hôpital. Elle avait 7 ans. Nous sommes arrivés trop tard... Je vous dis, la pauvreté va tous nous tuer » confie-t-elle.

MSF appelle les autres acteurs à assurer une présence opérationnelle durable afin de prévenir les conséquences désastreuses de la malnutrition. Il est urgent que les autorités congolaises et les bailleurs renforcent les capacités d'intervention médicale au niveau des structures sanitaires du territoire, notamment l'approvisionnement en intrants nutritionnels.

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