Selon les associations et organisations de défense des droits de l'homme, les détenus d'opinion au Sénégal seraient encore plus de 1 000 depuis les violentes manifestations de l'opposition en juin 2023. Depuis, les rassemblements avaient été systématiquement interdits. Ce vendredi 27 octobre, c'était donc la première fois depuis le mois de mai qu'une marche de partisans de l'opposition était autorisée.
Après une autorisation délivrée tardivement par les autorités, ils étaient plusieurs centaines - entre 300 et 500 Sénégalais - venus répondre à l'appel du mouvement des Forces vives du Sénégal F24, un collectif qui regroupe des dizaines d'organisations politiques et de défense des droits de l'homme.
Brandissant des banderoles aux couleurs du Sénégal, ces manifestants ont demandé la libération de ceux qu'ils qualifient de « détenus d'opinion ». Beaucoup de jeunes, des partisans du Pastef, le parti d'Ousmane Sonko, et des leaders de ce parti dissous, font partie du millier de personnes toujours derrière les barreaux à Dakar, mais aussi dans d'autres villes du pays, selon les organisateurs de cette marche.
Kilifeu, chanteur de rap et parmi les membres-fondateurs du mouvement Y en a marre, était dans la rue : « Ils ont tout tenté pour nous décourager. Nous n'allons jamais arrêter de nous mobiliser, de manifester pour réclamer justice. »
Mame Diara, mère de famille, a vu son cousin de 21 ans se faire arrêter à l'université en juin, mais aussi beaucoup d'autres. Elle assure que leur seul crime a été de soutenir l'opposition. Elle est écoeurée : « Ce n'est pas normal, ils n'ont rien fait ! On prend les gens et on les met en prison comme ça ! Il y en a beaucoup, beaucoup. Des enfants, des jeunes de 21 ans, des enfants qui vont à l'école, des étudiants, des mamans ! Ça fait mal au coeur. »
« Libérez Sonko ! »
« Ils sont détenus depuis plusieurs mois sans même avoir vu un juge », s'est insurgé le père d'un jeune homme arrêté depuis plus d'un an et demi déjà et toujours en détention préventive.
Beaucoup de manifestants ont aussi brandi des pancartes à l'effigie d'Ousmane Sonko. À leur passage, Alpha Dieng est sorti pour apporter son soutien : « Je suis un ancien conseiller du président Senghor. La façon dont on traite les opposants n'est pas normale ! Il faut qu'on libère Sonko, on n'est pas arrivé à prouver ce qu'on lui reproche ! Sa seule faute est d'autre un opposant, l'opposant le plus dangereux du Sénégal. »
« Libérez Sonko », « Sonko, tu nous manques », ont chanté les manifestants jusqu'en début de soirée, avant d'être dispersés sans heurts. Arrêté fin juillet et condamné pour « appel à l'insurrection », l'opposant est, lui aussi, détenu pour des raisons politiques, aux yeux des manifestants. Ousmane Sonko a repris il y a une semaine sa grève de la faim et est actuellement dans un état « très faible », toujours hospitalisé en service de réanimation.