Madagascar: Contre vents et marées, le CEDS a 20 ans

« Les plus belles années de la vie sont celles qu'on n'a pas vécues. Espérons que nous allons les livre ensemble » : paroles paradoxales et voeu énigmatique que ceux de Solofo Rasoarahona au vingtième anniversaire du CEDS (Centre d'Études Diplomatiques et Stratégiques).

Il faudra bien lui rendre hommage, un jour. Autant que ce soit maintenant, en cet «An XX» de «son» CEDS. L'incontournable ou l'insubmersible Solofo Rasoarahona, ainsi que tous les autres surnoms qui lui sont déjà autant de réputations. Celle-ci, par exemple, de ne pas jockeyer les «soavaly be tongotra». Il y a du vrai, mais pas toujours : votre serviteur peut en témoigner par l'absurde, toujours à portée de sollicitude (et de sollicitations), depuis la première promotion, sans occuper de prestigieux strapontin.

Solofo Rasoarahona et le sens du décorum ou comment tricoter par petites touches d'improvisations, pas toujours heureuses parce que parfois incompréhensibles de prime abord, par petites touches donc un rituel qui se rectifie lui-même et qui, chaque année au mois d'octobre, devient plus ancien et un peu plus accepté. Quoique : à vouloir trop faire circuler la parole entre de trop nombreux orateurs, la cérémonie s'appesantit en longueur et langueur. Attention à l'ennui. À revoir, ce point, Délégué Général.

Il faut le voir, aujourd'hui comme au premier jour, superviser la liste des invités et s'inquiéter du plan des tables : «Grande soirée du CEDS», devenue rendez-vous mondain, oblige. Tout Auditeur digne de ce nom se doit d'avoir entendu parler de la fameuse «table d'honneur». C'est ainsi que le CEDS s'est également bâti en «Réseau et Connaissance» : réseau des connaissances, et connaissance des savoirs.

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En vingt ans, et comme dit le général Roger Ralala, Major de la Une, «le CEDS est devenu cette plateforme improbable qui rassemble des cadres d'origines et de formations aussi diverses que variées, amenés à confronter leurs acquis, à être ébranlés dans leurs certitudes, ces certitudes qui nous empêchent parfois, sinon souvent, de regarder dans la même direction, un terreau de pratiques fertiles à la production intellectuelle collective».

Alors qu'on s'interrogeait sur «les vicissitudes d'un contexte socio-politique pas toujours facile», évoquées par Roger Ralala, c'est Solofo Rasoarahona qui les précisera sans qu'on en sache davantage : «les innombrables coups bas de certaines personnes qui nous visaient à travers le CEDS». Lui faisant citer William Jennings Bryan : «le plus humble citoyen, quand il est revêtu de l'armure d'une cause juste, est plus fort que toutes les armées de l'erreur»...

La consécration ultime, c'est d'obtenir d'un Raymond Ranjeva, anciennement Recteur de l'Université d'Antananarivo, son parrainage, même s'il préfère le mot-concept de «Raiamandreny» que seule la langue malgache pourrait pleinement rendre : «Parrain, je le suis, j'en suis fier, et j'en suis reconnaissant». Il reste au CEDS à se constituer un curriculum académique à la hauteur de cet universitaire par excellence.

Étudiant à l'Université d'Antananarivo durant quatre ans, j'avais longtemps ignoré que le campus (dit) d'Ankatso abritait un haut-lieu symbolique : le lieu-dit «Ampitifirana». C'est là que, le 19 juillet 1948, et en compagnie de quatre autres nationalistes, Samuel Rakotondrabe, fut fusillé par l'administration coloniale.

Et pourtant, dans son discours (qui fut déjà une conférence inaugurale, comme à l'accoutumée), le Professeur Raymond Ranjeva tint à rappeler la place particulière qu'occupe la mémoire de Samuel Rakotondrabe chez les juristes : ses compagnons d'infortune, et lui-même, furent en effet fusillés avant la tenue du procès des parlementaires du MDRM (Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache), empêchant de faire toute la lumière sur les «évènements» de 1947.

J'avais cependant quelque excuse puisque ce n'est que depuis 2018 que la République malgache honore les victimes d'Ampitifirana. Entretemps, nous aurons donc oublié la célébrissime conférence de Renan, le 11 mars 1882, à la Sorbonne. À part les passages bien connus à propos «des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore ; dans le passé, un héritage de gloire et de regrets, dans l'avenir, un même programme à réaliser», on oblitère trop souvent cette autre maxime : «Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime (...) La souffrance en commun unit plus que la joie. En fait de souvenirs nationaux, les deuils valent mieux que les triomphes, car ils imposent des devoirs».

Samuel Rakotondrabe (1901-1948) est un martyr peu connu. Mais, face au peloton d'exécution, il refusa le bandeau sur les yeux et l'histoire retiendra qu'il cria «Vive Madagascar» avant de mourir. «Vous vous assignez là une bien grande responsabilité» dira Roger Ralala, s'adressant à la 19ème promotion, qui a choisi un tel personnage comme nom de baptême. Semblant lui répondre, Raymond Ranjeva de conclure : «Vivant, le célèbre martyr ne les aurait pas reniés».

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