Ile Maurice: Comme une épée de Damoclès sur la tête des employés

Un bâtiment de l'horreur ! Le mot n'est pas trop fort pour qualifier l'édifice qui abrite la caserne des pompiers de Port-Louis. Un récent rapport émanant d'un ingénieur du ministère des Infrastructures publiques fait état d'un bâtiment en délabrement. Il recommande qu'une partie du bâtiment, soit le rez-de-chaussée et le premier étage, soit déclarée zone interdite. Car à n'importe quel moment, la dalle peut s'écrouler.

Le rapport est plus qu'accablant pour la sécurité de la cinquantaine d'employés qui y travaille. Le mur du garage qui se situe sur une gravité de pierre s'est déplacé et il doit être enlevé. Il doit y avoir «light cladding with all necessary bracings» , recommande l'ingénieur. Le bloc administratif qui abrite les bureaux est dans un état lamentable. Le balcon situé à l'arrière représente un véritable danger pour les employés et les personnes aux alentours. Le béton armé soutenant le plancher en porte-à-faux est délaminé et écaillé (delaminated and spalled).

La plupart des planches en bois sont complètement abîmées et on peut constater que des accessoires sont suspendus. Dans le rapport, il est fortement recommandé que l'auvent supérieur soit enlevé immédiatement. L'ingénieur qui a rédigé le rapport soutient que le Central Electricity Board, dont une partie du bâtiment est attenante à la caserne des pompiers, doit être également avisé du danger.

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Le négociateur de la National Trade Union Confederation, Narendranath Gopee, qui défend les intérêts des employés, a adressé une correspondance au Premier ministre dans laquelle il souligne les points forts du rapport. Il invite le Premier ministre à se rendre sur le site pour un constat de visu. Interrogé, le syndicaliste affirme que cela fait des années que les employés sont en danger d'un éventuel effondrement de ce bâtiment. «Nous avons tiré la sonnette d'alarme à plusieurs reprises, mais rien n'a été fait.» Il rappelle que déjà en 2006, le bâtiment avait été condamné.

Dans un premier temps, il était question de construire une nouvelle caserne à Colline-Monneron mais c'est un collège qui y a été construit. Ensuite, le morcellement Jin Fei a été choisi, mais le constat est que c'est assez éloigné de la capitale et qu'avec la congestion de l'autoroute, cela peut poser problème. Le Bulk Sugar Terminal avait été identifié, mais il n'y a pas eu de suite. Il y avait même un autre lieu qui avait été identifié, soit le terminal de Metro Express, mais aucune décision n'a pu être prise.

Au fil des années, la situation s'est aggravée et le personnel est en danger. «Je sais que ceux qui défendent le patrimoine sont contre la démolition du bâtiment, mais il faut voir la réalité en face. Si c'est possible, pourquoi ne pas rénover cet édifice tout en gardant son aspect structural de l'ère coloniale, mais tout doit être fait dans l'intérêt des travailleurs.»

Interrogé, le lord-maire, Mamode Isoop Nujurally, concède que c'est un bâtiment qui représente un danger. Il souligne que le dossier est étudié par les ingénieurs de la municipalité et que la décision qui s'impose sera prise. De son côté, Oomar Khooleegan, conseiller auprès du ministère des Collectivités locales, a indiqué qu'à ce stade aucune décision n'a été prise. Il reconnaît lui aussi que le bâtiment a fait son temps et a annoncé que même si l'édifice devrait être démoli, il y aura toujours la présence d'un skeleton staff basé à cet endroit.

La question que beaucoup se posent est de savoir pour encore combien de temps ces poutres pourront soutenir ce bâtiment en décrépitude.

Un colosse aux pieds d'argile

La structure pourrait aujourd'hui être sur le point de céder, mais son histoire demeure toujours riche, surtout pour les commerçants et les fonctionnaires qui passent chaque jour devant la caserne des pompiers située à la rue Maillard. Ils affirment même qu'ils sont aux premières loges lorsque les pompiers sont appelés à lutter contre un incendie ou à porter secours aux personnes en détresse.

«Nous entendons les sirènes, et en fonction de la manière dont elles sont utilisées, nous pouvons savoir si la situation est grave ou pas» , confie un employé de la mairie. Il ajoute que lorsque la caserne sera déplacée, une partie de l'âme de la ville disparaîtra. Il s'explique en disant : «Cela fait près de 40 ans que je travaille ici, et la caserne a toujours été présente, aussi loin que remontent mes souvenirs. Son histoire est profondément ancrée dans la ville de Port-Louis. La détruire reviendrait à nous amputer d'une partie de notre histoire.»

Un de ses collègues ajoute qu'ils reconnaissent tous que le bâtiment est en lambeaux. «Mais devait on en arriver à ce point ? Pourquoi, au fil des années, n'a-t-on pas pris la peine de restaurer les structures existantes, d'autant plus que, si je ne me trompe pas, ce bâtiment fait partie du patrimoine historique du pays.» En effet, la caserne des pompiers existe depuis 1906 et est ainsi un monument depuis plus de 115 ans dans la capitale.

«Vous savez, quand je pense à la caserne, je pense surtout aux joueurs de football qui ont défendu les couleurs de cette brigade de pompiers. Qui ne connaît pas l'histoire du club de la Fire Brigade ?» Pour anecdote, cette équipe a été la plus titrée de Maurice, avec 13 titres de champion dans ses vitrines, et a compté de nombreuses stars dans son effectif, telles que Désiré L'Enclume, Elvis Antoine, ou encore Jacques Jackson, pour n'en citer que quelques-unes.

Et ce ne sont pas seulement les passants qui ont des anecdotes à raconter à propos de ce bâtiment ; c'est également le cas de ceux qui y travaillent. Il est vrai qu'actuellement, la situation est telle que les pompiers se préoccupent de leur propre sécurité. «Tout s'effondre, et nous craignons que le toit nous tombe littéralement sur la tête. Même certaines toilettes ont été condamnées par les autorités. Malheureusement, ce bâtiment n'est plus une source de fierté pour notre équipe.» Cependant, ce pompier ajoute qu'il n'y a pas que des aspects négatifs à mentionner.

«Nous avons également notre propre histoire qui a été écrite entre ces murs en ruine. Nous nous souvenons toujours des vies que nous avons sauvées des flammes et des intempéries au fil de ces dernières années. Étant idéalement situés au coeur de Port-Louis, nous pouvons intervenir rapidement.» La grande question qui se pose pour lui et ses collègues est de savoir où ils seront affectés une fois que le bâtiment sera démoli ? «Notre devise est avant tout de sauver des vies humaines. La solidarité et le respect sont également nos principes directeurs. Accordez-nous la chance de continuer à les mettre en avant...»

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