Burkina Faso: Situation nationale - Lâcheté républicaine !

Le meeting que projetait d'organiser le collectif d'organisations syndicales et de la société civile sous la houlette de la CGT-B n'aura donc pas lieu.

Ainsi, en ont décidé les organisateurs qui ont opté de surseoir au rassemblement en vue suite à une correspondance du Président de la délégation spéciale (PDS) de la commune de Ouagadougou les y invitant.

Question d'opportunité, invoque le PDS, en raison, entre autres, du « contexte sécuritaire », « des risques sérieux d'affrontements » et de « l'accentuation de la fracture sociale entre différentes composantes de la population ».

Toutefois, il s'est bien gardé d'interdire purement et simplement la manifestation, renvoyant Moussa Diallo et ses camarades à leur « patriotisme » et à leur « sens élevé de la responsabilité ».

Pour mémoire, sitôt l'annonce du meeting faite le samedi 14 octobre 2023 à l'occasion de la rentrée syndicale de la CGT-B, sitôt une violence inouïe a déferlé à travers les réseaux sociaux. En atteste ce foisonnement de vidéos de partisans du capitaine Ibrahim Traoré tenant des propos comminatoires, l'écume aux lèvres, et aiguisant des machettes pour hacher les initiateurs de la manifestation. N'en sont pas non plus épargnés tous ceux qui oseraient répondre présent au rendez-vous du 31 octobre 2023 à la Bourse du travail pour ce meeting d'interpellation du gouvernement sur certains aspects de sa gouvernance. Tout cela, comme pour narguer la puissance publique, à visage découvert, sans que personne n'élève la voix pour s'indigner de cette avalanche de haine et du risque de bain de sang. Personne n'est sorti de ce silence assourdissant pour ramener les auteurs de ces menaces à la raison ou au besoin engager des poursuites judiciaires à leur encontre.

« Sens élevé de la responsabilité » ? Eh bien, restons-y !

Qu'est-ce que le PDS, « garant de l'ordre public », comme il l'a lui-même rappelé dans sa correspondance, a entrepris comme démarche ou posé comme acte pour dissuader les Interahamwe et autres « Tonton Macoutes » en puissance ? Rien !

Qu'ont donc fait le gouvernement, la justice, les autorités coutumières et religieuses pour conjurer l'abomination qui se profilait à l'horizon ? Rien !

En invitant le collectif d'organisations syndicales et de la société civile à surseoir à leur mot d'ordre de meeting, on a tout simplement préféré la solution de la facilité.

Au regard des motifs énumérés par le premier responsable de la commune de Ouagadougou, les organisateurs n'avaient d'autre choix que de renoncer à leur droit à « la liberté de réunion et de manifestation sur la voie publique ».

Si a contrario ils avaient maintenu le rassemblement que ne leur aurait-on pas reproché en cas d'incident ?

On aurait vite fait de jeter l'anathème sur des « apatrides » et « des ennemis de la Transition » dont le seul tort a été d'avoir voulu faire entendre leur voix discordante sur la conduite des affaires de l'Etat. Et conséquemment, absoudre à bon compte les « machetteurs » qui, présentement, doivent sans nul doute crier victoire autour d'un barbecue.

C'est une forme de lâcheté républicaine qui consiste à ne pas assumer entièrement sa responsabilité, à museler les uns quand les autres peuvent occuper l'espace public, contrôler les véhicules des usagers de la route et proférer des menaces de mort contre des citoyens qui ont les mêmes droits et devoirs qu'eux.

Oui, c'est de la lâcheté républicaine et le contexte sécuritaire, brandi à tout va pour justifier toutes sortes de mesures, ne saurait être une excuse absolutoire.

Ne nous méprenons pas. La lutte contre le terrorisme n'est antinomique ni de l'équité dont doit faire preuve l'Etat vis-à-vis de tous, ni de l'exigence d'être à l'écoute de tous.

Sauf à nous convaincre que nous avons des dirigeants infaillibles, qui ne sauraient se tromper. Et ce fait, quiconque ose la moindre critique ou la moindre suggestion est suspecté de menées subversives ou d'être de connivence avec les ennemis du MPSR 2.

On ne le dirait jamais assez, les ennemis de la Transition ne sont pas forcément ceux qui osent porter la contradiction. Si ennemis il y a, ils sont plutôt à rechercher dans le camp des prétendus inconditionnels d'IB, toutes catégories confondues, dont l'esprit de flagornerie, de courtisanerie et de sectarisme crée autant d'obstacles aux missions assignées à la Transition.

En effet, comment peut-on appeler à l'union sacrée de tous les Burkinabè pour venir à bout de l'hydre terroriste tout en distinguant dans le même temps des citoyens de première zone et de seconde zone, des patriotes et des apatrides tout aussi présumés les uns que les autres ?

Le paradoxe n'a que trop duré.

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