Désormais ancien premier vice-président du Social Democratic Front (SDF), candidat malheureux à l'élection présidentielle camerounaise d'octobre 2018, le nouveau patron de cette formation politique d'opposition, 54 ans, est attendu sur des chantiers aussi délicats que l'implantation du parti, avant les élections prévues en 2025.
Pour ses partisans et lui, c'est entendu : pas besoin de s'attarder sur le processus et les opérations électoraux qui l'ont porté à la présidence du Social Democratic Front (SDF), le 29 octobre 2023. Malgré les critiques virulentes suscitées par ses adversaires sur la sincérité et la transparence du scrutin, l'équipe à Joshua Osih se dit prête à implémenter la vision de son nouveau champion qui prône « la continuité dans un parti transformé et plus déterminé ». Tel était leur slogan de campagne. Voici venu le temps de son implémentation.
Et les chantiers sont nombreux, de l'avis même des proches du successeur de John Fru Ndi.« Il est clair qu'il faudrait au plus vite finir le travail d'implantation du parti sur l'ensemble du territoire national, redorer son image de marque dans l'opinion publique et réunir l'ensemble de la famille de gauche », explique Louis-Marie Kakdeu, deuxième vice-président national, fraîchement élu.
Dans cette perspective, selon les informations de RFI, le parti envisage le rapprochement avec la société civile, les syndicats, et d'autres formations politiques partageant avec le SDF, « l'idéologie social-démocrate ».
« Rafler la mise dans toutes les élections locales »
À l'évidence, l'autre terrain sur lequel est attendue la nouvelle équipe constituée autour de Joshua Osih a trait aux prochaines échéances électorales, notamment les municipales, les législatives et la présidentielle prévues en 2025. Si, du moins, le calendrier prévisionnel est respecté. « Il faudra se mettre en ordre de bataille pour les prochaines élections. Le nouveau leadership entend non pas demander aux militants de se concentrer sur les présidentielles en vue de l'élection d'un "messie", mais aller vers les militants pour les structurer et leur permettre de rafler la mise dans toutes les élections locales en vue de prendre le contrôle des exécutifs municipaux, régionaux et législatifs. Les Camerounais semblent avoir oublié la nature semi-présidentielle du régime qui permettrait de prendre le contrôle du gouvernement en cas de victoire locale », souligne le deuxième vice-président du SDF.
Les défis qui attendent le Social Democratic Front, dans ces perspectives qu'il trace, sont connus de certains spécialistes. Le SDF devrait « rassembler toutes ses tendances et se réconcilier avec les cadres exclus ; (re)mobiliser ses fiefs traditionnels avec un nouveau discours de fracture, cassure et rupture avec le système gouvernant ; travailler un nouveau projet politique, ambitieux, moderne et réaliste qui tienne compte du contexte sociopolitique actuel, en sollicitant les experts ; chercher des vrais partenaires économiques qui peuvent aider au financement des activités du parti car le travail à faire dans un premier temps est immense, qui allie marketing des circonscriptions et marketing des militants et sympathisants pour asseoir une vraie base militante du loin du militantisme en trompe-l'oeil », analyse le politologue Michel Oyane, de l'Université de Yaoundé II-Soa.
Il n'est pourtant pas sûr que la « réconciliation » dont parle l'universitaire, soit une sinécure. Le nouvel exécutif se veut formel : « Nous voudrons être clairs : il n'y a pas de fractions au sein du SDF. On ne peut le dire d'autant que certains ne sont plus du parti ou lorsqu'ils ont déjà créé leurs propres partis. Lorsque dans une famille certains claquent la porte suite à un désaccord, on prend acte. Mais il n'y a absolument aucun problème s'ils veulent revenir discuter à la maison. Ils n'ont qu'à sonner à la porte, et on leur ouvrira conformément aux procédures en vigueur dans nos statuts », affirme Louis-Marie Kakdeu.
Pourtant, le fait n'est pas passé inaperçu. La veille de l'ouverture du Congrès du SDF, Jean-Michel Nintcheu, député à l'Assemblée nationale, initialement élu sous la bannière de ce parti, lançait le Front pour le changement du Cameroun (FCC), nouvelle appellation du Rassemblement pour la République (RAP), créé en 1992. Or, M. Nintcheu faisait jusque-là partie des figures de proue du Groupe des 27, se considérant comme « le SDF originel », constitué de hauts cadres de ce parti, crédités d'appréciables états de service politiques, et ouvertement opposés à John Fru Ndi de son vivant et à Joshua Osih, tous deux accusés d'avoir dévoyé le combat politique du parti. Autant dire que la rupture est désormais consommée.
Le nouveau président du SDF projette une image contrastée
Depuis de longues années, le nouveau président du SDF projette une image contrastée. C'est probablement l'un des points sur lesquels pourrait se jouer l'avenir même du SDF. « Dire que l'avenir est brumeux, c'est peu dire. En tant que valeur et pensée politique, ce parti n'aura plus de vitalité. Le SDF ne sera plus au rendez-vous de la République du fait de l'incohérence permanente désormais installée à sa tête. Il n'y a plus rien à espérer. Je ne vois plus personne à une élection quelconque. C'est désormais une coquille vide qui sera résolument et irréversiblement vers le collaborationnisme avec le RDPC [Rassemblement démocratique du peuple camerounais, parti au pouvoir, NDLR] », prédit Jean-Robert Wafo pendant longtemps membre du Shadow cabinet, gouvernement de l'ombre, et proche de Jean-Michel Nintcheu.
« Le président Osih est plutôt du centre-gauche. L'expérience politique nous montre que le pouvoir ne se trouve pas aux extrêmes. Cette expérience est progressivement partagée par les opportunistes qui avaient envahi la plantation abandonnée par nos devanciers du SDF. On les voit se recentrer, ce qui veut dire que la perception de la collaboration évoluera aussi. Il faut savoir que le président Osih a été victime du bashing que l'on réserve à toute personne accusée d'être le dauphin », nuance M. Kakdeu.
Les prochaines élections sont encore lointaines. Mais elles constitueront certainement le premier indicateur de performance du SDF post-Fru Ndi.