Ce 2 novembre 2023 marque le 10ème anniversaire de l'assassinat des journalistes français que sont Gislaine Dupont et Claude Verlon. En rappel, les deux reporteurs de Radio France Internationale (RFI) en mission de reportage dans le septentrion malien sous occupation djihadiste, avaient été enlevés et tués en 2013, près de Kidal, dans des conditions qui comportent de nombreuses zones d'ombres et qui demandent encore à être élucidées.
Dix ans après, le temps semble en avoir rajouté à l'opacité du dossier judiciaire qui n'est pas loin d'être aujourd'hui un dossier oublié, malgré les multiples relances des parents des victimes et de leurs amis réunis en Association « Les amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon ». Ces personnes n'ont eu de cesse de demander la déclassification de documents frappés du sceau du secret- défense.
Toujours est-il que dix ans après, le dossier piétine et le mystère reste encore entier au point que l'on se demande si l'on saura un jour la vérité dans cette ténébreuse affaire. La question mérite d'autant plus d'être posée qu'en dix ans, beaucoup de vents ont soufflé sur les dunes de sable du désert malien, qui ont pu effacer des indices matériels qui auraient pu contribuer à l'avancée de l'enquête en vue de la manifestation de la vérité.
Paris pourrait avoir des choses à cacher dans ce dossier sensible
Toute chose qui rend encore plus difficile le travail du juge déjà confronté aux conséquences de la brouille diplomatique entre Paris et Bamako, qui a vu la suspension de la coopération judiciaire entre les deux capitales. Et en l'absence de cette coopération judiciaire, il y a des raisons de croire que le dossier est bien parti pour prendre encore plus du plomb dans l'aile, si ce n'est pour être définitivement enterré.
Car, si le meurtre des deux journalistes a été revendiqué par Al Qaïda, l'attitude peu coopératrice de l'Elysée qui est au coeur du dossier pour avoir été au centre de la lutte contre le terrorisme au Sahel au moment des faits, ne manque pas d'interroger. En effet, pourquoi l'Exécutif français montre-t-il autant de frilosité dans ce dossier ? Pourquoi, malgré le fait qu'il s'agit de l'assassinat de deux ressortissants français, le dossier n'a-t-il jamais paru une priorité pour Paris ? Toujours est-il qu'en traînant les pieds pour lever le secret-défense qui, du reste, n'a été que partiel par la déclassification de données téléphoniques seulement huit ans après les faits, Paris pourrait avoir des choses à cacher dans ce dossier sensible.
Une hypothèse d'autant plus fondée que la responsabilité de l'armée française dans le dénouement sanglant de l'enlèvement des deux journalistes, est plus que sujette à caution. C'est dire si au-delà de la lenteur et des difficultés du dossier judiciaire à connaître une avancée significative, il pourrait y avoir un manque de volonté de tirer au clair cette affaire que l'on a voulu faire passer pour une prise d'otage ratée par des djihadistes, qui aurait mal tourné. C'est pourquoi chaque anniversaire de ce double assassinat reste fortement interpellateur pour les autorités françaises.
C'est un crime qui ne saurait rester impuni
Et elles ont d'autant plus intérêt à élucider l'énigme que la dimension politique que tend à prendre le dossier, fait nourrir de réelles craintes que les deux journalistes n'aient été sacrifiés pour des raisons d'Etat. C'est pourquoi l'on peut comprendre la colère à la limite de la rage, des familles des victimes qui ne veulent pas lâcher prise. Même si certains ne sont pas loin de se laisser gagner par le désespoir de ne jamais connaître les tenants et les aboutissants de cette ténébreuse affaire qui ne leur permet pas encore de faire le deuil de leurs disparus. A quand donc la manifestation de la vérité ? Bien malin qui saurait répondre à cette question.
En tout état de cause, la journée du 2 novembre, décrétée par les Nations unies Journée internationale de la fin de l'impunité pour les crimes commis contre des journalistes, en mémoire des deux journalistes français, ne peut pas avoir plus de résonance dix ans après le double meurtre de Kidal, au moment où Ghislaine Dupont et Claude Verlon attendent toujours de dormir en paix, par la manifestation de toute la vérité sur leur horrible assassinat. Et surtout, attendent que justice leur soit rendue ainsi qu'à leurs familles dont la détermination à connaître la vérité, reste constante.
En tous les cas, c'est un crime qui ne saurait rester impuni. En attendant, ce 2 novembre 2023, un hommage leur sera rendu une fois de plus à travers la désignation des lauréats de la dixième édition de la Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon, qui se tient cette année à Abidjan en Côte d'Ivoire, et qui permet de former, bon an mal an, une vingtaine de stagiaires africains au métier de journaliste et de technicien de reportage.
Et au-delà des deux lauréats qui seront désignés aujourd'hui dans la capitale économique ivoirienne, c'est tout un métier qui est célébré, lequel fait preuve de résilience dans un environnement de plus en difficile pour le journalisme.