Ile Maurice: «L'âge est un facteur prédisposant à la fragilité mais n'en est pas une condition sine qua none»

La 14e conférence de l'Association de chirurgie thoracique et vasculaire de l'océan Indien (VASCO) aura lieu du 1er au 4 novembre à l'hôtel Maritim de Balaclava. Cette année, son thème principal est la fragilité chez les personnes âgées. Le chirurgien thoracique et vasculaire, le Dr Reuben Veerapen, nous en parle.

Pourquoi avoir choisi le thème de la fragilité cette année ?

C'est un aspect de plus en plus fréquent de notre pratique quotidienne, aussi bien à La Réunion qu'à Maurice, dû à la population vieillissante et à l'augmentation de l'espérance de vie. Dans ma patientèle, la moyenne d'âge est de 75 ans, avec des patients de plus de 90 ans, opérés très régulièrement. Mes consoeurs et confrères, aussi bien en cabinet de ville qu'en établissement de santé, se posent tous les mêmes questions: faut-il être maximaliste dans le traitement, qu'il soit médical ou invasif ou faut-il s'arrêter et être fataliste chez ces patients fragiles ? La bonne réponse se situe sûrement entre les deux, dépendant de l'état général, de la volonté et des capacités de notre patient. Le but c'est de vieillir en bonne santé, en permettant de garder une certaine autonomie et de pouvoir vivre en faisant ce qui est important et ce qui nous procure un bien-être pour chacun d'entre nous, comme, marcher, sortir, avoir des activités de loisir, mémoriser, lire... malgré les maladies chroniques. Ce congrès permettra, à travers ses 70 présentations en séance plénière et des sessions annexes avec des experts locaux et internationaux, de répondre à ce questionnement.

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Dans votre communiqué de presse, vous dites que «la fragilité n'égale pas personnes âgées de manière systématique, c'est une vulnérabilité augmentée due à une multitude de facteurs». Quels sont ces facteurs ?

Effectivement, on peut avoir des patients très âgés, qui ont un très bon état général, d'autres qui deviennent fragiles dus à une déficience de certaines capacités fonctionnelles et si rien n'est fait, ils deviendront dépendants et nécessiteront des soins lourds et complexes. A contrario, on a des patients de 60 ans, qui sont déjà très dépendants. L'âge est un facteur prédisposant à la fragilité mais n'en est pas une condition sine qua none. Les cinq facteurs primordiaux qui font basculer vers la fragilité sont la perte ou la diminution de la mobilité/locomotion, la perte de la vitalité, l'atteinte de la capacité neurosensorielle, soit la vue et l'ouïe, la perte du bien-être psycho-social et les troubles de la cognition, à savoir l'orientation temporelle et la mémoire. Il est indispensable de détecter ces facteurs de fragilité, d'y remédier pour permettre de conserver ce bien-être de vivre.

Quels sont les risques qui guettent les personnes âgées de nos jours et comment empêcher qu'elles deviennent dépendantes ?

Les évènements qui précipitent les patients vers la dépendance sont multiples mais les principaux sont le stress lié à un évènement intercurrent, par exemple une hospitalisation, une intervention chirurgicale, un choc émotionnel mais aussi des signes qu'il faut savoir détecter, par exemple, la perte involontaire de poids, le ralentissement de la vitesse de déplacement, la sensation subjective d'épuisement, la perte du tonus musculaire, la sédentarité. Chacun de ces signes doit être aussitôt pris en charge et un plan personnalisé de réadaptation-traitement clinique et social doit être mis en place. D'ailleurs, la Société française de gérontologie et de gériatrie propose de définir la fragilité comme un syndrome clinique : «la fragilité se définit par une diminution des capacités physiologiques de réserve, qui altère les mécanismes d'adaptation au stress. Son expression clinique est modulée par les comorbidités et des facteurs psychologiques, sociaux, économiques et comportementaux. L'âge est considéré comme un déterminant de fragilité mais n'explique pas à lui seul ce syndrome.»

Comment prévenir l'acharnement thérapeutique chez les personnes âgées ?

C'est une question majeure, qui préoccupe nos sociétés. Il faut d'une part évaluer cliniquement son patient en fonction de son état physiologique et non en fonction de son âge. Certains de mes patients ont 60 ans mais sont bien plus dépendants que des patients de 85 ans et plus. Il faut également écouter nos patients, leurs souhaits et désirs, et l'entourage - plutôt une personne de confiance - et établir des objectifs. En fonction de tout cela, on établira un plan personnalisé de soins dans le cadre de ce qu'on appelle maintenant de la décision médicale partagée, c'est-à-dire qu'entre soignants et soignés, le patient est acteur de sa prise en charge. Cela permet d'éviter l'acharnement thérapeutique mais c'est beaucoup plus facile à dire qu'à faire en pratique.

Quels thèmes seront abordés au cours de cette conférence et qui vous tiennent à coeur ?

Je voulais, à travers cette 14e édition, faire ressortir cette différence souvent méconnue entre patients âgés et fragiles et montrer que si on se donne les moyens, on arrive à renverser la situation qui aboutit à la dépendance. Cela permet de concevoir le «bien vieillir». On traitera bien sûr de la pathologie cardiovasculaire au sens large du terme chez les patients âgés avec les différentes pathologies vasculaires et cardiaques spécifiques du grand âge et leurs traitements. Que ce soit pour le diabète, l'hypertension, les problèmes de cholestérol, les problèmes d'insuffisance cardiaque ou d'AVC, entre autres. Je tenais aussi à ce qu'on débatte de la fin de vie. Nous aurons une conférence animée par un juriste et portant sur cette question et également une table ronde qui traitera de l'éthique, de la gestion médicale et juridique au cours de ce moment important qu'est la fin de vie, avec la participation du Dr Vicky Naga, gériatre spécialisé en soins palliatifs et directeur médical de l'unité des soins palliatifs à la Clinique Ferrière de Bon Secours.

Quels seront les domaines d'expertise de vos principaux intervenants ?

Nous aurons quelques experts de Maurice et de la Réunion mais également des référents européens en cardio-gériatrie, en gériatrie, en cardiologie, en diabétologie, en néphrologie, en chirurgie vasculaire, en radiologie, en oto-rhino-laryngologie et des juristes, entre autres. Nous souhaitons être le plus transversal possible en balayant les différents aspects de la pathologie cardiovasculaire du patient âgé.

Quelles sont vos attentes par rapport à cette conférence ?

Notre but est d'apporter de l'expertise médico-chirurgicale sur l'océan Indien autour de thématiques sans cesse renouvelées. Nous essayons d'être le plus pratique possible avec des présentations destinées aussi bien aux médecins généralistes qu'aux spécialistes d'organe. Et nous avons en tête de permettre les échanges entre les médecins/experts des différentes îles de l'océan Indien. Tout cela devrait permettre de faire prendre conscience qu'il y a une population de patients âgés, trop souvent traitée avec fatalisme, qui va croissant et qui nécessite des soins spécifiques.

Cela fait 14 ans que la VASCO organise de telles conférences d'envergure. À quoi mesurez-vous leur succès ?

L'année dernière, le congrès consacré à la femme avait connu un très grand succès avec plus de 250 médecins participants. J'espère que nous connaîtrons le même succès cette année. À la Réunion, on avait déjà atteint la capacité maximale de participants, un mois à peine après l'ouverture des inscriptions et nous avons chaque année une longue liste d'attente.

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