Près de la moitié des pays du monde connaissent un déclin de leur système démocratique, selon un rapport sur la démocratie dans le monde publié ce jeudi par le think tank International IDEA, qui note pour cette année la plus longue « récession démocratique ».
Pour réaliser ce rapport sur « l'état global de la démocratie » et évaluer la situation des démocraties dans le monde, le think tank International IDEA, qui couvre la plupart des pays du monde, utilise plusieurs indicateurs démocratiques tels que les libertés civiles, l'indépendance judiciaire et la participation politique. Selon le rapport, « les fondements de la démocratie s'affaiblissent dans le monde entier », les problèmes « allant d'élections entachées d'irrégularités à des droits restreints ».
« C'est la sixième année de suite que nous voyons davantage de démocraties en déclin qu'en progrès », relève Michael Runey, co-auteur du rapport d'IDEA International, l'institut international pour la démocratie et l'assistance électorale. Il ajoute que cette tendance représente la plus longue « récession démocratique » jamais observée par l'organisation depuis qu'elle a commencé à collecter des données en 1975.
La moitié des pays souffrent de déclin démocratique
Sur 173 pays étudiés, 85 ont affiché de mauvais résultats en fonction d'au moins « un indicateur clé de performance démocratique au cours des cinq dernières années ». En ce qui concerne la représentation, le rapport pointe « un déclin notable », en particulier dans le domaine des élections et du bon fonctionnement des Parlements, mais aussi du principe d'État de droit, dont l'indépendance du système judiciaire des pays.
Les auteurs du rapport notent que des guerres civiles ou des effondrements d'États ont eu lieu en Afghanistan, à Haïti ou en Birmanie. Ils relèvent l'autoritarisme en Biélorussie, en Russie, au Cambodge, au Salvador, au Nicaragua, ou au Venezuela. Même la qualité des démocraties établies s'est érodée, les pouvoirs exécutifs tentant de supprimer les institutions compensatrices afin d'accaparer le pouvoir.
Les coups d'État africains, signe d'un recul
Le déclin des systèmes démocratiques à un niveau global peut s'illustrer par « la vague continue de coups d'État » au Burkina Faso, en Guinée, ou au Mali. Ces coups d'État, « ainsi que les conflits civils en Éthiopie et au Soudan, ont mis en évidence les défis de la consolidation démocratique », pointe le rapport. Tandis que la Gambie et la Zambie restent sur une trajectoire positive, un recul démocratique a été constaté au Bénin, aux Comores, sur l'île Maurice, ou en Tunisie.
Concernant les éléments permettant d'aller dans le sens de la démocratie, « la participation politique » dans ces États et des mouvements populaires peuvent jouer un rôle de contre-pouvoir. Le rapport souligne aussi que l'Union africaine (UA) et des instances économiques régionales « ont un rôle important à jouer dans l'établissement et le respect des normes démocratiques en Afrique ».
« Nous constatons également un recul dans les démocraties historiquement performantes d'Europe, d'Amérique du Nord et d'Asie », souligne Michael Runey. En Europe, les scores des démocraties comme l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni se sont détériorés. « Malgré le déclin en Hongrie et en Pologne, l'Europe centrale a été l'épicentre de la croissance démocratique, devenant la deuxième sous-région la plus performante en matière d'État de droit », souligne International IDEA.
La guerre en Ukraine, un impact significatif sur l'Europe
« Au sein du bloc, l'Union européenne (UE) a finalement pris des mesures concrètes dans le cadre des conflits en cours en matière d'État de droit avec la Hongrie et la Pologne », estime-t-il. L'Union européenne a aussi sollicité l'unité à l'intérieur de l'UE pour soutenir et aider l'Ukraine. Elle a pris des mesures pour relancer le processus d'élargissement et protéger les normes démocratiques dans ses États membres.
L'invasion de l'Ukraine par la Russie continuera d'avoir « un impact significatif sur la dynamique régionale et nationale en Europe dans les années à venir ». « Les préoccupations en matière de sécurité resteront primordiales, en particulier pour les pays voisins ou ceux impliqués dans des différends avec la Russie ou ses mandataires », note le rapport. En outre, les institutions européennes « continueront d'être mises à rude épreuve » par les crises successives : afflux de réfugiés ukrainiens, crise migratoire en Méditerranée, la crise énergétique, ou inflation et récessions.
Dans la catégorie des droits, les auteurs indiquent que la liberté d'expression et la liberté de réunion ont connu plusieurs baisses, sans qu'elles soient significatives au niveau global. Pour ce qui est de l'État de droit, des améliorations ont été constatées « après de nombreuses années de stagnation des niveaux de corruption », d'après le rapport. « Nous voyons des signes d'espoir dans des pays isolés dans le monde entier (...) Mais dans l'ensemble, le tableau reste très négatif », conclut-il.