Congo-Kinshasa: L'organisation Journalistes en danger dresse un bilan négatif pour la presse sous Félix Tshisekedi

Des journaux africains (photo d'archives)

À l'occasion de la Journée internationale pour la fin de l'impunité des crimes commis contre les journalistes, date choisie en mémoire de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, journalistes de RFI assassinés au Mali le 2 novembre 2013, en République démocratique du Congo, l'organisation Journalistes en danger (JED) publie son rapport annuel 2023 et déplore plus de 500 atteintes à la liberté de la presse en cinq ans durant le premier mandat de Félix Tshisekedi.

Symboliquement, une chaise est restée vide, ce jeudi 2 novembre 2023, à Kinshasa lors de la conférence de presse de Journalistes en danger (JED). Chaque année, Stanis Bujakera Tshiamala assistait à la présentation du rapport de l'organisation de défense de la liberté de la presse. Mais le correspondant du magazine Jeune Afrique et directeur de publication adjoint du site d'informations Actualite.cd est détenu depuis bientôt deux mois.

Arrêté le 8 septembre à l'aéroport de Kinshasa-Ndjili, Stanis Bujakera est depuis le 14 septembre à la prison centrale de Makala, accusé de « faux en écriture », « falsification des sceaux de l'État », « propagation de faux bruits ». Il est mis en cause après un article sur le site internet de Jeune Afrique publié le 31 août, signé de la rédaction. L'article mentionnait un rapport attribué à l'Agence national de renseignements, l'ANR, dont les autorités congolaises contestent l'authenticité. Le document met en cause les renseignements militaires dans la mort de Chérubin Okende Senga, ancien ministre et député de l'opposition.

Des espoirs déçus

La détention de Stanis Bujakera, c'est une des 88 atteintes à la liberté de la presse recensées depuis le début de l'année 2023 par l'organisation JED, qui en compte 523 au total depuis le début du mandat du président Félix Tshisekedi. Ces cas vont de l'interdiction de programmes, fermeture de médias, aux meurtres de journalistes en passant par des cas de violences physiques ou menaces verbales.

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Dans le détail, depuis 2019, JED rappelle que cinq journalistes ont été tués en RDC, plus de 130 ont été victimes de menaces ou de violences physiques et 123 médias ont été attaqués, fermés ou des émissions interdites.

Pourtant, le secrétaire général de JED, Tshivis Tshivuadi, joint par Magali Lagrange, rappelle qu'après la présidence de Joseph Kabila (2001-2019), l'arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi avait suscité un espoir : « Tous, nous avions placé beaucoup d'attente pour que ce quinquennat puisse ouvrir une nouvelle ère pour la liberté de la presse après des années noires sous le long règne du président Joseph Kabila. Après l'avènement du nouveau président, il y a eu une sorte d'accalmie la première année qui est due sans doute au fait que le nouveau président était venu avec un discours d'ouverture envers les médias. »

JED rappelle, en effet, que le président Tshisekedi, fraîchement élu, s'était engagé à faire des médias « de véritables quatrième pouvoir », à oeuvrer pour le respect des droits fondamentaux, et à sensibiliser les forces de sécurité au respect des droits et libertés des journalistes à exercer leur mission d'information sans crainte des représailles.

Mais « dans les années qui ont suivi, la situation a commencé à se dégrader de sorte que le niveau des exactions que nous avons enregistrées était très élevé avec une moyenne des cent attaques diverses contre les journalistes et les médias, dont cinq journalistes qui ont été tués pendant ce mandat. Et ce qui est terrible, c'est qu'il n'y a pas eu la moindre enquête », déplore Tshivis Tshivuadi.

Dans son rapport 2023, JED constate « qu'aucune action d'envergure n'a été prise, ni sur le plan politique, ni sur le plan judiciaire, ni sur le plan sécuritaire, pour rendre plus sûr l'exercice du métier de journaliste, en dépit de l'adoption d'une nouvelle Loi sur la presse issue des États généraux de la Communisation et des médias qui n'a jamais été publié au Journal officiel, plus de huit mois après sa promulgation par le chef de l'État ».

Cinq journalistes tués depuis 2019

Parmi les cinq journalistes tués depuis le début du mandat de Félix Tshisekedi, trois l'ont été dans l'est de la RDC, en proie à la violence des groupes rebelles.

Héritier Magayane travaillait à la station locale de la Radio-Télévision nationale congolaise (RTNC) à Rutshuru dans la province du Nord-Kivu. Il a été tué le 8 août 2021 à l'arme blanche.

Barthelemy Kubanabandu Changamuka, journaliste de la radio communautaire Coraki FM à Kitshanga (Nord-Kivu), est mort le 9 mai 2021, abattu chez lui, par des hommes armés en tenue civile.

Joel Mumbere Musavuli, directeur de la radio communautaire Babombi émettant à Biakato dans la province de l'Ituri, et sa femme, ont été attaqués le 14 août 2021 à l'arme blanche. Lui a succombé à ses blessures.

Quant à Bwira Bwalite, directeur de la radio communautaire de Bakumbole émettant à Kalembe au Nord-Kivu, depuis son enlèvement le 16 juin 2020, son corps n'a pas été retrouvé et ses proches sont sans nouvelles. Les enquêtes annoncées après ces crimes, n'ont jamais été diligentées, affirme JED.

Pour ce qui est des détentions de journalistes, en plus du cas très médiatisé de Stanis Bujakera, JED rappelle que Patrick Lola, journaliste indépendant, est détenu depuis novembre 2021 à Mbandaka dans la province de l'Équateur, et que Blaise Mabala, journaliste à la radio Même moral FM à Inongo dans le Maï-Ndombe est incarcéré depuis le mois dernier.

« Alors que s'annoncent des nouvelles échéances politiques cruciales avec la présidentielle, dans un climat de tension et de suspicion, généralement hostile à la liberté de la presse, JED considère que la sécurité des journalistes est l'une des clés essentielles de la réussite d'un processus électoral fiable et transparent. »

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