Ile Maurice: «Qu'on ne nous impose pas à nouveau des lois arbitraires et discriminatoires»

interview

Elle se dit plutôt discrète et réservée, suivant comme beaucoup les manifestations qui se tiennent au pays sur les réseaux sociaux. Mais en janvier 2022, cette mère de deux enfants s'est retrouvée contrainte de descendre dans les rues pour faire entendre sa voix, après que la «Quarantine Act» a été amendée pour inclure la vaccination des mineurs. Entre craintes, soutien et haine, Linda Lam, initiatrice du mouvement No Covid Vax For Kids, rappelle les points forts de cette lutte et aborde ce qu'elle signifie maintenant que les réglementations sont enfin levées.

Qu'est-ce qui vous a poussée à vous engager sur le front?

Alors que la vaccination était en cours depuis 2021, l'État a ensuite étendu sa politique de vaccination aux mineurs, sur autorisation parentale, suscitant des craintes, d'autant plus que les vaccins ARN étaient expérimentaux, autorisés en urgence et comportaient des effets secondaires. Ces derniers auraient été les mêmes pour les mineurs que pour les adultes. Or, les clauses du formulaire de consentement stipulaient que les effets secondaires incluaient le décès. Et, le signer pour mes enfants impliquait que s'il leur arrivait du mal, j'en serais la seule responsable, et que l'État, le pays donateur ou le fabricant n'assumerait absolument aucune responsabilité.

C'était un risque que je n'étais pas prête à prendre, surtout qu'en tant que mère, j'ai trimé pour élever mes enfants. Ils ont également subi beaucoup de pression à l'école car on leur a dit qu'ils n'auraient pas accès à la scolarité s'ils ne présentaient pas les tests PCR. Cela aurait représenté pour moi un coût mensuel de Rs 16 000. (...) Je n'étais pas contre le gouvernement, mais contre cette politique que je jugeais arbitraire et qui me mettait face à un véritable dilemme. J'ai pris contact avec d'autres parents qui partageaient la même préoccupation, et nous avons formé un groupe qui a abouti au lancement de ce mouvement.

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Au cours des deux dernières années, quels ont été les faits marquants de cette initiative ?

Nous avons pu faire entendre notre voix lors de conférences de presse. Je dois avouer qu'en tant que personne qui a toujours été réservée, c'était terrifiant de parler ouvertement dans le but de faire se comprendre aux autorités et à la population. Mais c'était un véritable cri du coeur, et peut-être que Dieu m'a aidée à trouver le courage. Lorsque la vaccination est devenue officiellement «optionnelle et recommandée» pour les adolescents, nous l'avons considérée comme une première victoire. Cependant, pour les étudiants de plus de 18 ans, elle était obligatoire. Plusieurs jeunes adultes et leurs parents nous ont rejoints parce qu'ils étaient malades d'inquiétude : payer des frais d'inscription à l'université mais se voir refuser l'accès à l'éducation si l'on choisissait de sauvegarder l'autonomie de son corps, ou emprunter de l'argent à des proches pour payer des tests PCR dans le seul but de pouvoir étudier.

À cette époque, même les employés d'Air Mauritius étaient contraints de prendre des congés sans solde et des fonctionnaires étaient victimes de discrimination. Le collectif s'est renforcé et, ensemble, on est devenu Nou Pas Bann Cobaye. Nous avons tous organisé des marches pacifiques et des manifestations, y compris devant le Parlement, pour dénoncer les réglementations discriminatoires qui portent atteinte aux droits des travailleurs et aux droits fondamentaux garantis par la Constitution. Nous avons reçu beaucoup de soutien, même de la part de plusieurs activistes, sur le front et encore plus en coulisses, et de la part de nombreux professionnels qui ne pouvaient pas nous rejoindre sur le terrain par crainte de futures représailles.

On a également constaté beaucoup de haine à l'égard des opposants à la vaccination obligatoire, qui ont été traités de «complotistes» et d'«antipatriotes», et dont beaucoup ont dit, «Vous n'avez rien d'autre à faire ?»...

Oui, c'est vrai. Mais si nous n'avions pas défendu nos droits et ceux de nos enfants, qui l'aurait fait ? Ce sont les moyens que nous avions utilisés pour nous faire entendre et je tiens à dire à ces personnes : nous, qui avons manifesté, ne sommes pas des personnes non éduquées qui ont eu pour seule occupation de protester. Nous travaillons, faisons la lecture, réfléchissons et discutons avec les gens. Nous sommes informés et, en tant que parents, prenons soin de nos enfants. Quel sens cela avait-il d'être contraint de signer un formulaire de consentement, acceptant d'être responsable de la mort de son enfant à cause d'un vaccin expérimental, tout en permettant opportunément à l'État de se dédouaner de ses responsabilités ?

Ou que ceux qui n'ont pas été vaccinés subissent un test PCR chaque semaine pour prouver qu'ils n'ont pas contracté le virus, alors que ceux qui ont été vaccinés, et par la suite infectés par le virus, pouvaient circuler librement et infecter d'autres personnes ? Nous n'élaborions pas des théories du complot à l'improviste pour faire du bruit. Il s'agissait d'une cause légitime fondée sur des mesures problématiques et discriminatoires qui portent atteinte aux droits fondamentaux et qui n'avaient aucune justification raisonnable.

Maintenant que les réglementations ont enfin été levées, que retenez-vous de cette action ?

Nous sommes soulagés qu'elles aient été levées. Mais elles ont entraîné en cours de route des contraintes et un fardeau injustifiés pour beaucoup qui voulaient juste accéder à leur lieu de travail. Beaucoup ont souffert d'effets néfastes, tels que des déséquilibres hormonaux, des fausses couches, des problèmes cardiaques et une baisse de l'immunité, entre autres. L'État doit proposer une mesure compréhensive pour remédier aux dégâts qu'il a causés. Des dirigeants politiques doivent également prendre note, qu'à l'avenir, ils ne doivent pas proposer des mesures aussi arbitraires et discriminatoires, qui mettent en péril des personnes et bafouent leurs droits fondamentaux.

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